Né le 7 avril 1877 à Siaulin (Lituanie, Empire russe), massacré le 27 mars 1944 à Champagnac-de-Belair (Dordogne) ; victime civile d’origine juive.

Leiba Abelsonas naquit le 9 avril 1877 à Siaulin en Lituanie (peut-être faut-il plutôt lire Siauliai). Il était entré en France en 1929. Le 13 octobre 1943, il franchit la ligne de démarcation à Châlon-sur-Saône (Saône-et-Loire), venant de Saint-Ouen (Seine, Seine-Saint-Denis) pour aller rejoindre en Dordogne son épouse, Dora, qui s’était installée à Quinsac (Dordogne), au lieu-dit la Genèbre, où vivait également leur neveu, Fridmanas.
Son arrestation à Quinsac, le 27 mars 1944, fut l’un des événements tragiques imputables au passage de la division Brehmer (325e division de sécurité) en Dordogne du 24 mars au 3 avril 1944. Abelsonas a été fusillé le même jour au lieu-dit Martinières, commune de Champagnac-de-Belair (Dordogne) dans des circonstances relatées ci-dessous par André Penot, instituteur de Quinsac. (Arch. dép. Dordogne, 1573 W 8) :
"Le bourg de Quinsac fut cerné à partir de 6 heures 30. Vers 12 h, un attroupement d’otages se forme autour du monument aux morts. Des sentinelles armées les surveillent. Une dizaine de personnes portant valises et paquets sont là. Ils sont là, raidis et pâles. M. Alexandre Marcel, 57 ans, et sa sœur, Mme Levy, 68 ans, et son fils Levy Fernand, 36 ans, combattant de 39-40, M. Abelsonas, sa femme et leur nièce, une petite fille de quatre ans, M. Leroi Paul, 64 ans et sa femme, Mme Kahn, ses trois filles et son gendre. Les Allemands sont allés les surprendre chez eux. Après leur avoir imputé le crime d’être Juifs et quelques invectives à leur égard, ils les ont pillés. (…). Le pitoyable cortège se met en route, à pied, vers Martinière, à 2 km de Quinsac. Les captifs resteront là jusqu’à 16 h sous un soleil de plomb, dans le pré qui borde la route. (…). Vers 16 h, quelques camions vides s’arrêtent, on sépare hommes et femmes. Les Allemands conduisent les premiers dans le petit chemin qui, par derrière la maison, gagne les bois. (…). Ils seront exécutés à Champagnac-de-Belair [voir ci-après] (…). Les captives conduites au 35e d’artillerie seront parquées dans le manège avec un groupe de 300 hommes de Mussidan. Pour couche, la sciure de laquelle monte l’odeur âcre des déjections humaines en décomposition. Il faudra d’ailleurs que ces femmes procèdent avec leurs mains au nettoyage de ce sol souillé. Le mardi 28, on leur donnera, vers 8 heures, de l’eau à boire et le soir, le Secours national apportant à manger aux hommes de Mussidan, elles auront les restes du repas, car rien n’a été prévu pour elles. Mais le 29 et le 30, grâce au Secours national, dont elles font la louange, elles prendront des repas copieux. Lors de leur interrogatoire, le jeudi 30 à 14 h, un SS même s’indignera du traitement qui leur a été appliqué. (…). Et ce sera, à l’exception de deux demoiselles Kahn dont on est sans nouvelles, leur retour à Quinsac pour y apprendre l’affreux dénouement. (…)".
A la Barde (Quinsac), ce même jour, les Allemands recherchèrent des « terroristes » :
"Les Allemands pénètrent dans les maisons par les portes et par les fenêtres, giflant l’un, giflant l’autre, tirant des coups de revolver pour affoler et désignent quatre personnes qu’ils emmènent".
Parmi ces quatre personnes figuraient Armand Ledermann qui a été fusillé à Puyjoubert (Brantôme) en compagnie de Jules Bonem, Charles Bonem, Guillaume Baer (tous trois domiciliés et arrêtés à Saint-Pancrace). Leurs corps étaient partiellement brûlés.
À Champagnac-de-Belair, selon la relation du 25 septembre 1944 par André Penot,
"Dans un pré, plusieurs Israélites sont rassemblés, hommes, femmes, jeunes filles, vieillards. Vers 16 h, un camion s’arrête près du groupe. Après un triage rapide, quatre hommes sont mis à l’écart, le reste est embarqué. Les quatre hommes reçoivent l’ordre de prendre leurs valises et de gravir le chemin montant à Martinière. Ils ont à peine parcouru quelques mètres qu’une rafale de mitraillette les couchent blessés à mort. (…)".
Les quatre hommes de Quinsac fusillés à Champagnac-de-Belair sont donc Leiba Abelsonas, Marcel Alexandre, Fernand Levy et Paul Leroi. Dora Abelsonas et Hélène Wachsman, sa nièce de quatre ans, furent déportées à Auschwitz par le convoi n° 71 tout comme Bella et Claire Kahn, et peut-être leur mère, Léonie, également domiciliées à Quinsac.
Dora Abelsonas était née le 6 juin 1895 à Düneburg (Lituanie) et elle était, elle aussi, entrée en France en 1929. Elle fut arrêtée à Quinsac le 27 mars 1944 puis transférée à Drancy où elle arriva, le 6 avril 1944. Elle fut déportée par le convoi n° 71 du 13 avril 1944 à destination d’Auschwitz. Selon Serge Klarsfeld, son nom de jeune fille était Krolin.
Hélène Waschman était née le 14 avril 1940 à Vichy, quai d’Allier. Sa mère, commerçante, était domiciliée 8 rue des Francs-Bourgeois à Strasbourg. Pensant que sa fille serait davantage en sécurité en Dordogne, elle l’avait confiée à sa sœur, Dora, chez qui elle était donc domiciliée à Quinsac où elle fut aussi arrêtée le 27 mars 1944. Transférée avec Dora à Drancy, elle fut déportée par le convoi n° 71 du 13 avril 1944 à destination d’Auschwitz. Ses parents, qui étaient cachés à Nice, ont survécu.
Sources

SOURCES : Anacr Dordogne, Mémorial de la Résistance en Dordogne… Sous la terreur nazie, Périgueux, Copédit, 1985, p. 52. — Arch. dép. Dordogne : 1573 W 6 ; 42 W 6 ; 42 W 79-1 ; dossier et pv de gendarmerie, 42 W 80 ; 1 W 1815-2 ; rapport des Renseignements généraux du 31 mars 1944 ; Arch. dép. 24, 1 W 1901, rapport de gendarmerie n° 102 du 27 mars 1944 et rapport de gendarmerie n° 265 du 30 septembre 1944 ; registre d’état civil de Champagnac-de-Belair ; relation du 25 septembre 1944 par André Penot, instituteur de Quinsac, Arch. dép. Dordogne, 1573 W 8. — Information communiquée par Mme Trudy Baer, fille de Guillaume Baer ; site de l’afmd de l’Allier (notice Vaksmann Hélène). — CDJC - carnet de fouilles n° 113 ; Arch. dép. 24, 42 W 6. — Bernard Reviriego, Les Juifs en Dordogne, 1939-1944. De l’accueil à la persécution, Périgueux, Éditions Fanlac-Archives départementales de la Dordogne, 2003, p. 234-235, 279, 367, 369, 482. — Guy Penaud, Les crimes de la division Brehmer, La traque des résistants et des juifs en Dordogne, Corrèze, Haute-Vienne (mars-avril 1944), Périgueux, Éditions La Lauze, 2004, pp. 166, 401. Serge Klarsfeld, Mémorial de la déportation des Juifs de France, FFDJF, 2012.

Bernard Reviriego

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