Née le 26 février 1907 à Przemysl (Empire russe, Pologne), massacrée le 31 mars 1944 à Saint-Rabier (Dordogne) ; de nationalité polonaise ; victime civile d’origine juive.

Léa Elefant fut l’une des nombreuses victimes de la division Brehmer en Dordogne et sans doute l’une des rares femmes, avec Berthe Haas et Eta Prechner, à être abattue.
Du 26 mars au 2 avril 1944, la division Brehmer, ou division B de l’initiale du patronyme de son chef, le général Brehmer, accompagnée par des éléments de la Sipo-SD et de la Brigade nord-africaine et bénéficiant de renseignements collectés par des délateurs, collaborationnistes ou non, et par l’administration de Vichy, traversa le département de la Dordogne, traquant les maquisards et massacrant des civils en représailles dans le cadre d’opérations de répression, mais aussi en conduisant une politique génocidaire à l’encontre des nombreux Juifs réfugiés dans le département ; les hommes furent abattus parce que juifs et, à plusieurs reprises, tandis que les femmes - sauf exception comme ce fut le cas pour Léa Éléfant - et les enfants furent arrêtés, transférés à Drancy puis déportés vers les centres de mise à mort, Auschwitz-Birkenau principalement.
En zone dite libre puis zone sud, les Juifs avaient été recensés en application d’une loi de Vichy du 2 juin 1941, le jour même de la promulgation du second statut des Juifs ; un recensement spécifique des Juifs étrangers intervint en janvier 1942 ; enfin, une loi de Vichy du 11 décembre 1942 imposa en zone sud la mention « juif » sur la carte d’alimentation et sur la carte d’identité des Juifs français et étrangers.
Léa Elefant était la fille de Jacob et de Henia Steinbrusch. Entrée en France le 30 août 1930, elle vivait à Paris depuis 1932. Son mari fut interné le 14 mai 1941 vraisemblablement dans un camp de concentration. Le 9 avril 1942, elle résolut de se séparer de sa petite fille, Berthe Betty, née le 1er janvier 1938, et de l’envoyer par l’entremise de l’hôpital des enfants malades de Paris, dans un préventorium à San-Salvadour (Var), où elle était encore le 5 novembre 1942. Le 6 août 1942, Léa franchit la ligne de démarcation pour se rapprocher de son enfant en prenant le train de Paris à Bordeaux puis de Bordeaux à Périgueux. Elle subit un contrôle dans le train lors du passage de la ligne et présenta son livret de famille. L’agent qui la contrôla l’avisa que ce document était insuffisant et qu’il allait revenir, ce qui ne se produisit pas. En janvier 1943, elle se rendit alors chez sa cousine, Madame Scher à Saint-Rabier, au lieu-dit Grand Coderc, où elle fut assignée à résidence. La famille Scher avait aussi une petite fille, Solange, née le 1er janvier 1936.
Le 31 mars 1944, lorsque les Allemands entrèrent dans Saint-Rabier, les parents de Solange Scher étaient parvenus à gagner la forêt proche pour s’y cacher. Les deux fillettes étaient à l’école. Léa Elefant, voyant arriver les soldats tenta de fuir mais elle fut abattue, au lieu-dit Courtissoux, d’une rafale dans le dos et son corps fut jeté dans la maison à laquelle les nazis avaient mis le feu dès leur arrivée. Solange Scher et Betty Elefant furent, dans des circonstances imprécises, remises à la gendarmerie puis aux Allemands. Elles furent transférées à Drancy le 6 avril et déportées à Auschwitz par le convoi n° 71 parti le 13 avril 1944 de la gare de Bobigny.
Récit fait le 19 septembre 1944 par le maire de Saint-Rabier. Arch. dép. Dordogne, 1573 W 8.
« Au village des Courtissoux, chez Mme Marsaleix, qui hébergeait des Juifs. (…) Deux d’entre eux, M. et Mme Scheer réussirent à s’enfuir au moment d’être arrêtés, mais la troisième, Mme Elefant, dont le mari était déjà dans les geôles allemandes, dans un moment d’irréflexion, tenta de fuir sous leurs yeux. Elle reçut dans le dos et presque à bout portant plusieurs coups qui l’abattirent. Ses courageux assassins jetèrent plus tard son cadavre dans les flammes. »
Ce même jour, consécutivement aux opérations menées par la division Brehmer aux alentours, Szulin Julien Borensztejn, arrêté à La Bachellerie, fut abattu au-dessus de la gare de La Bachellerie, à Saint-Rabier, au lieu-dit Côte des Champagnes, le 31 mars (sa femme, Laja, ses deux filles, Golda et Jochwet furent également déportées par le convoi n° 71).
Une stèle commémorative en hommage à Léa Elefant, Betty Elefant et Solange Scher fut inaugurée à Saint-Rabier en 2010.
Voir La Bachellerie et ses environs (30 mars -1er avril 1944)
Sources

SOURCES : Registre d’état civil de Saint-Rabier. — Arch. dép. Dordogne, 1 W 1901-1 ; 1573 W 8, Récit du 19 septembre 1944 par le maire de Saint-Rabier ; 42 W 79-1 dont dossier et procès-verbal de gendarmerie ; 42 W 6. — Claire Lévy, Mémoire Vive, n° 36, mai 2006. Bernard Reviriego, Les Juifs en Dordogne, 1939-1944, Périgueux, Éditions Fanlac-Archives départementales de la Dordogne, 2003, pp. 245, 318-319. — Guy Penaud, Les crimes de la division Brehmer, La traque des résistants et des juifs en Dordogne, Corrèze, Haute-Vienne (mars-avril 1944), Périgueux, Éditions La Lauze, 2004, pp. 257-258, 405. — Paul Mons, La folie meurtrière de la division Brehmer, mars-avril 1944, Dordogne-Corrèze, Haute-Vienne, Brive-la-Gaillarde, Éditions Les Monédières, 2016, p. 133-134. — Martial Faucon, Les enfants martyrs de La Bachellerie ou l’un des plus odieux crimes nazis en Périgord, Memoria Edition, 2009.

Bernard Reviriego, Dominique Tantin

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