Né le 11 octobre 1899 à Bolechowice (Autriche-Hongrie, Pologne), massacré le 17 décembre 1943 à Lyon (Rhône), 14 avenue Berthelot (VIIe arr.), siège de la Gestapo ; de nationalité autrichienne ; mécanicien-dentiste ; victime civile.

Salomon Freilich était le fils de Saül Freilich et de Gitel Kudisch. Juif autrichien, il s’exila en France en 1931 ou en 1936. Il résida à Metz (Moselle) où il obtint une carte d’identité le 1er février 1938, puis il déménagea à Paris, 59 rue Charlot (IIIe arr.), où il exerça la profession de mécanicien-dentiste. Le 28 novembre 1938, un récépissé lui fut délivré en échange de sa carte d’identité.
En septembre 1939, Salomon Freilich fut interné en tant que ressortissant d’un pays ennemi dans le camp d’étrangers de Meslay-du-Maine (Mayenne). Il fut incorporé dans la 5e compagnie du 16e groupe. Le 12 janvier 1940, il s’engagea dans la Légion étrangère au bureau de recrutement de Laval (Mayenne). Il fut mobilisé au 1er régiment étranger à Bel Abbès (Algérie). Le 28 décembre 1940, il fut démobilisé à Colomb-Béchar (Algérie). La zone occupée lui étant interdite en tant que Juif, il se rendit le 10 janvier 1941 à Lyon (Rhône), 10 rue des Fantasques (Ier arr.) et s’installa 72 rue Mercière (IIe arr.).
Au début de l’année 1941, Salomon Freilich envoya une lettre au préfet du Rhône afin d’obtenir une carte d’identité. Le 14 août 1941, le chef de la Sûreté de Lyon écrivit à l’intendant de police : « le nommé Freilich Salomon […] ne se livre à aucune occupation et dispose de 40.000 Francs. Il est en possession du récépissé [de carte d’identité] n°0007 […] valable jusqu’au 30/10/1939. […] A mon avis, sa présence dans le département du Rhône surpeuplé n’est d’aucune utilité. » Le 12 janvier 1942, ordre fut donné au commissaire central d’informer Salomon Freilich qu’il n’était pas autorisé à résider dans le Rhône et qu’il devait quitter Lyon dans un délai de quinze jours. Installé depuis novembre 1941 chez sa future fiancée, Germaine Joly, 5 place des Capucins (Ier arr.), il fut recherché vainement par la police.
Arrêté sans doute à la suite d’un contrôle d’identité, Salomon Freilich fut écroué le 21 août 1942 à la Maison d’Arrêt de Lyon (prison Saint-Paul), sous l’inculpation d’infraction à l’article 3 du décret-loi du 2 mai 1938 (cet article concerne les étrangers qui ont omis de solliciter une carte d’identité dans les délais réglementaires). Le 22 août et le 4 septembre, il fut fiché comme étranger détenu passible d’expulsion. Le 15 septembre 1942, il fut condamné par le tribunal civil de Lyon à 2 mois de prison et 1200 francs d’amende. Le 21 octobre 1942, jour de sa libération, il fut remis à un policier et placé provisoirement en détention administrative. Cinq jours après, Salomon Freilich, « sujet apatride interné administratif » fut conduit à l’hôpital de l’Antiquaille (Lyon). Le 30 octobre, ordre fut donné au commissaire central de le libérer et de l’inviter à se présenter à une commission d’examen siégeant le 3 novembre afin d’être incorporer dans un groupement de travailleurs étrangers (GTE). Hospitalisé, Salomon Freilich ne put se présenter devant la commission le jour dit, déclenchant l’ire administrative : « Monsieur le Commissaire Central [...] Au sujet du nommé Freilich Salomon […]. Je vous prie de rechercher le susnommé qui, convoqué pour être incorporé, ne s’est pas présenté. Vous le conduirez au Fort de Chapoly, en attendant son transport au camp de concentration de Rivesaltes. […] ». Le 4 novembre, Germaine Joly intervint en écrivant au préfet : « J’ai l’honneur de solliciter votre haute bienveillance pour l’obtention d’une autorisation de mariage avec Monsieur Freilich Salomon. Je tiens à vous faire connaître que nous nous sommes fiancés l’été dernier et que nous vivons sous le même toit depuis deux ans. Il a toujours été plein d’égards pour moi et très bon pour ma pauvre mère âgée de 65 ans, invalide suite d’opération. Je l’estime beaucoup. Aussi le triste incident qui survient à son sujet ne diminue en rien mes sentiments : il a été pour moi le réel soutien de tous les instants. Nous menions ensemble une petite vie de famille et arrivions ainsi à supporter même la dureté des temps actuels (la vie n’est pas gaie pour une femme qui se retrouve tout à coup seule, ni facile avec les difficultés de ravitaillement. Aussi je suis loin de penser que l’on songe à séparer deux êtres qui sont sur le point de fonder u[n foyer]. Je vous rappelle également que c’est un ga[rçon] qui a fait toute la guerre dans nos rangs et qui aime beaucoup la France. J’ai ma résidence à Lyon depuis des années. Je n’aspire qu’à fonder un foyer et à vivre en paix avec celui que j’ai choisi. Je m’excuse de me permettre de vous demander avec insistance de bien vouloir examiner notre cas et de faire tout ce qui sera en votre pouvoir afin que nous ne soyons pas séparés : qu’il ait des papiers en règle et que nous puissions nous marier dans le plus bref délai ; et naturellement pour sa libération. […]. » Germaine Joly ne se contenta pas d’écrire. Elle se présenta le 24 novembre à la préfecture. Une note manuscrite permet de comprendre comment se sont résolues les difficultés du couple : « Ai vu Melle Joly ce jour (24-XI-[42]) Freilich était à l’Antiquaille. Sera incorporé cherchera contrat travail et ils se marieront etc. Le cas échéant on lui donnera permis de séjour d’un an ».
Le 26 novembre 1942, Salomon Freilich demanda l’autorisation au préfet du Rhône de résider à Lyon pendant un an : « Je me trouve en voie de mariage avec mademoiselle Joly résidant elle-même en cette ville : ce mariage aura lieu à la mairie du Ier arrdt. […]. » Le 28 novembre, il obtint un permis de séjour valable pour une période de plus d’un an. Le 30 novembre, le préfet du Rhône transmit à la mairie du Ier arrondissement de Lyon un certificat tenant lieu de permis de séjour afin que Salomon Freilich et Germaine Joly puissent se marier. Leur mariage eut vraisemblablement lieu en cette fin d’année 1942 (les archives consultées n’en gardent pas trace).
A une date inconnue (probablement en 1943), Salomon Freilich fut arrêté et incarcéré à la prison de Montluc (Lyon). Sans doute fut-il pris parce qu’il était juif.
Le 17 décembre 1943, vers 19 heures, il fut exécuté par la police allemande à l’École de santé militaire, siège de la Gestapo, 14 rue Berthelot (Lyon, VIIe arr.). Vers 19h30, la police française fut informée et se présenta avenue Berthelot pour faire transporter le corps à l’Institut médico-légal. Arrivé sur les lieux, le commissaire de permanence de nuit fut conduit salle B IV. Il découvrit le corps de Salomon Freilich étendu au sol, portant deux traces de balles, l’une du côté gauche à hauteur du cœur et l’autre à l’épaule droite. Il constata également qu’une balle s’était logée dans une armoire et une autre dans le mur. A côté du corps, il y avait une chaise à laquelle manquait un accoudoir. Selon la version des Allemands, Salomon Freilich avait profité d’un moment d’inattention des policiers lors de son interrogatoire et avait tenté des les frapper avec un accoudoir qu’il avait arraché à une chaise. Il avait été immédiatement abattu. D’après le rapport du médecin légiste Mazel : son corps portait des « blessures multiples du thorax par balles ».
Son acte de décès fut établi le 20 décembre 1943 sur la déclaration d’Élie Elmalek* (lui-même exécuté en mars 1944) qui se chargea de son inhumation. Le corps de Salomon Freilich fut enterré dans le cimetière juif de Lyon - La Mouche.
Sources

SOURCES : Arch. Dép. Rhône, 3808W939 (Mémorial de l’oppression), 3335W22, 3335W6 (fichier Montluc), 829W299 (dossier d’étranger, archives de la préfecture), 3678W17 (registre d’écrou de la prison Saint-Paul).— Arch. Mun. Lyon, acte de décès 1114 (VIIe arr.), 1899W14 (convois funéraires).— Arch. Dép. Mayenne, 1J690 (archives du lieutenant Dubuc).— Paul Garcin, Interdit par la censure, 1942-1944, 1944.— Mémoire des Hommes.— État civil (Jri-Poland.org, très partiellement traduit).

Jean-Sébastien Chorin

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