MURCUILLAT Jean-Pierre
Né le 10 janvier 1925 à Barcus (Basses-Pyrénées/Pyrénées-Atlantiques), exécuté le 24 juin 1943 à Barcus ; employé de ferme ; victime civile, sympathisant de la Résistance.
Dans une lettre adressée à son frère et interceptée le 2 juillet 1943 par le contrôle postal, le Bordelais Janick Danflou, membre de la compagnie, se vantait d’avoir participé à l’opération. Il prétendait même que « ce coup-là » avait été réussi grâce à lui. Un autre membre de la compagnie, Doucelin, avait fait partie des trois faux réfractaires. La compagnie fêta le lendemain sa réussite à la villa Planterose.
Le lieu du décès de Jean-Pierre Murcuillat avait eu lieu à la “ferme Cotabaren” : c’est dans une grange de cette ferme que le groupe d’évadés devait passer la journée, comme c’était l’habitude pour tous les passages qui se faisaient sur plusieurs jours, vu les distances à parcourir jusqu’à la frontière espagnole (les groupes marchaient essentiellement la nuit, pour éviter d’être repérés, et se cachaient le jour dans des granges, de préférence inhabitées). La ferme Cotabaren est sur le territoire de la commune de Barcus, d’où le nom “d’affaire de Barcus” qui est attaché à ce triste épisode.
Cette affaire fit grand bruit dans la région. Le 5 juillet suivant, le chef départemental de la Milice faisait part de son émotion à son chef régional car le crime était mis sur le compte de son organisation par « la propagande » adverse et certainement par l’opinion en général, alors qu’elle n’y était pour rien, ce qui était vrai. Grossissant les faits (ce qui donnait la mesure du retentissement de l’affaire), il précisait que la population était « à la fois terrorisée et très montée ». Le parquet avait été saisi, Vichy avait des envoyés qui suivaient l’enquête, le PPF lui-même était « très ému » et avait « sur place des enquêteurs » (… !). Le préfet, très inquiet, voyant poindre le risque d’une guerre civile, ne sachant que faire devant ce crime inédit (et un groupe dont on découvrait les finalités et les méthodes), partait spécialement s’en entretenir à Vichy auprès de Pierre Laval en présence si possible de Joseph Darnand, chef de la Milice.
Comme toujours en pareil drame, la rumeur chercha des responsables dans la population locale. Elle désigna un ancien membre de la LVF et sa sœur, personnages douteux qui peut-être avaient servi d’informateurs aux hommes de la 8e compagnie. Le passeur Michel Olazabal fut lui-même soupçonné bien qu’il soit passé en Espagne peu après pour échapper aux poursuites et qu’il continuât à servir dans la Résistance les services spéciaux d’Alger. En tout cas, il fut miné jusqu’à sa mort par un sentiment de culpabilité et il fallut attendre 1984 pour que la presse locale lui rende hommage.
La 8e compagnie dont le contingent allait s’étoffer d’autres jeunes militants d’extrême droite venait de déménager à Eaux-Bonnes (Basses-Pyrénées/Pyrénées-Atlantiques). Elle allait commettre un autre meurtre dans la région peu après, celui de Vincent Pourruch*, le 29 août 1943. Mais celui de Barcus était le premier crime d’une série qui allait en contenir plusieurs dizaines d’autres jusqu’à l’été 1944, en particulier dans le sud-est de la France.
Le nom de Jean-Pierre Murcuillat figure sur le monument aux morts de Barcus.
Cette notice remplace celle qui avait été publiée sous le nom de Jean-Pierre Marcillat et qui faisait une confusion sur le nom de la victime et sur la date de son exécution (23 juin 1944).
SOURCES : Arch. justice militaire, tribunal militaire de Bordeaux 24 novembre 1953 (dossier Frahi, etc., rapports de police, tableau des arrestations et des meurtres dans la région de Bordeaux). ⎯ Arch. dép. Gard 3 U 7 218 (cour de justice de Nîmes, dossier Cot) et 220 (dossier Jean Danflou). ⎯ Site internet Mémoire des hommes SHD Vincennes GR 16 P 437893 (nc). ⎯ Jean-Marie Guillon et Guillaume Vieira, « La 8e compagnie de la Division Brandebourg. Une pièce essentielle et méconnue de la lutte contre la Résistance », Provence historique fascicule 252, avril-juin 2013, p. 195-212. ⎯ Gisèle Lougarot, Dans l’ombre des passeurs, Saint-Sébastien-Bayonne, Elkar, 2004, p. 273 et suiv. ⎯ Olivier Pigoreau, Sanglante randonnée. Les Français de la division « Brandebourg » et des formations de chasse SS (chapitre 2 consacré à cette affaire), Paris, Histoire & Collections, 2013, p. 62-63. ⎯ État civil. — Notes de Dominique Piollet.
Jean-Marie Guillon