Le 25 août 1944, lendemain de la libération d’Auxerre, un drame se déroula à Fouronnes, petit village situé à une vingtaine de km au sud d’Auxerre, entre Courson-les-Carrières et Mailly-le-Château. Depuis plusieurs jours, des colonnes allemandes se repliaient en désordre, harcelées par les résistants, et traversaient le département d’ouest en est. Une de ces colonnes, d’environ 400 hommes et fortement armée, stationnait depuis quelque temps dans un bois, sur une hauteur à 2 km de Fouronnes.
À une dizaine de km de là, le docteur Henri Sillas (lieutenant « Dupont »), le chef du petit maquis « Mado » (13e compagnie FFI), récemment formé dans la région de Vermenton, patrouillait dans la région avec une partie de ses hommes. Averti de la présence de la colonne allemande à Fouronnes, il décida de s’y rendre dans l’espoir d’obtenir sa reddition. Ayant pris contact avec le capitaine Weber, qui commandait le groupe allemand, celui-ci accepta effectivement de se rendre mais exigea que ce soit seulement aux forces américaines. Le docteur Sillas proposa alors de l’emmener à Auxerre pour négocier sa reddition et partit en fin d’après-midi en voiture en direction d’Auxerre, accompagné d’un de ses lieutenants, du capitaine Weber et de deux lieutenants allemands. Pendant ce temps, désobéissant aux ordres formels donnés auparavant par leur chef, une trentaine de membres du maquis « Mado » étaient arrivés en camions à Fouronnes et s’étaient regroupés à quelques centaines de mètres de la colonne allemande.
Peu après le départ de la voiture des parlementaires, le lieutenant Kiesel, qui commandait la colonne allemande en l’absence de son chef, fut renseigné par une estafette sur le faible nombre et l’inexpérience manifeste des résistants restés sur place. Il harangua ses hommes, les persuada de ne pas se rendre et fit démarrer sa colonne, qui désarma sans difficulté les résistants qui n’avaient pris aucun dispositif de combat. Les prisonniers furent placés en queue de colonne, les mains sur la tête, encadrés par des soldats allemands armés et tenus en respect par une mitrailleuse placée sur le dernier camion.
Le convoi traversa vers 19 heures le village de Fouronnes, où les soldats allemands détruisirent à la grenade les camions qui avaient amené les résistants, et continua sa route. Environ 800 mètres plus loin, sur la route menant à Fontenay-sous-Fouronnes, des coups de feu (sans doute tirés par des Allemands en tête de colonne) retentirent soudain. Aussitôt les soldats encadrant les prisonniers se précipitèrent dans les fossés tandis que la mitrailleuse commençait à tirer à bout portant sur les prisonniers. Une partie d’entre eux réussirent à s’échapper en bondissant dans les bois voisins mais beaucoup furent tués immédiatement ou blessés plus ou moins gravement. Tandis que le convoi allemand continuait sa route et disparaissait dans le tournant suivant, les rescapés et les blessés les moins atteints se cachèrent dans les bois voisins. Des habitants du village, alertés par les tirs, vinrent à la nuit tombante et, aidés par les résistants indemnes, transportèrent morts et blessés au village. Les neuf morts furent déposés dans une chapelle ardente à l’église de Fouronnes, tandis qu’une infirmière, Mme Clootens, et l’institutrice, Mme Poux, donnaient les premiers soins aux nombreux blessés. Les quatre blessés les plus graves furent transportés à l’hôpital d’Auxerre, où l’un d’eux, Henri Gaucher, décéda peu après.
Quelques heures plus tard, le lieutenant « Dupont », de retour d’Auxerre avec les trois officiers allemands, découvrit avec stupeur le désastre survenu en son absence et qui le touchait personnellement puisqu’un des morts, André Leroussaud, était le frère de son épouse.
Les dix morts, dont les noms furent gravés sur le monument édifié sur les lieux du drame, sont Georges Berson, Jacques Catric, André Dussault, Henri Gaucher, René Lafrance, André Leroussaud, Marius Mangin, Jacques Marc, René Martin et René René.
Le drame de Fouronnes, survenu alors qu’une bonne partie de l’Yonne était déjà libérée, provoqua la consternation dans la population du département. Les obsèques des dix morts de Fouronnes eurent lieu le 29 août à la cathédrale d’Auxerre et furent suivies par une foule imposante.
Après la guerre, le lieutenant Kiesel et l’un de ses adjoints furent inculpés de crime de guerre par le tribunal militaire de Lyon mais bénéficièrent d’une ordonnance de non-lieu, rendue le 17 août1950, pour n’avoir pas été « formellement et suffisamment identifiés » par les témoins de cet événement.
Sources

SOURCES : Témoignages écrits de Marcel Giot, Robert Faucon et Roger Morin. Témoignages oraux de Jacques Direz, Jacques Mory, Raymond Sauvage. — Robert Bailly, La Croix de Saint-André, Éd. ANACR-Yonne, 1983, pages 297 à 301. CDrom La Résistance dans l’Yonne, ARORY-AERI, 2004 (Claude Delasselle, notice Le drame de Fouronnes).

Claude Delasselle

Version imprimable