Né le 24 janvier 1903 à Saint-Éloy-les-Mines (Puy-de-Dôme), exécuté sommairement le 19 juin 1944 à Beaumarchais, commune de Roiffieux (Ardèche) ; ouvrier d’État ; résistant au sein des Francs-tireurs et partisans (FTP) ; syndicaliste CGT ; secrétaire régional communiste en Ardèche.

Portrait de Clovis Chirin
Hommage à Clovis Chirin
Clovis Chirin grandit dans une famille ouvrière de trois enfants qui vint s’installer à Aubière, près de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Son père, Antoine Chirin, faisait alors partie de ces nombreux petits exploitants agricoles-viticulteurs qui, touchés par la crise du phylloxéra, furent embauchés au début du siècle par les frères Édouard et André Michelin. Ajusteur chez le caoutchoutier, il se maria à Eugénie Lavadoux, sans profession, catholique pratiquante alors que son époux se manifestait par son anticléricalisme. Après une scolarité à l’école communale d’Aubière et l’obtention du certificat d’études primaires, le jeune Chirin s’engagea vers dix-huit ans dans la Marine et apprit son métier d’ajusteur. Il revint dans sa région, trouva un premier travail à la poudrière des Gravanches et se maria en 1925 avec Yvonne Charrier.
Ouvrier d’État, il avait adhéré à la CGT à la fin des années 1920. Son activité militante lui valut d’être sanctionné. Obligé de quitter le Puy-de-Dôme, il entra à la Manufacture d’armes de Tulle (Corrèze) où il adhéra à la CGT.
Son engagement communiste fut dicté par son engagement syndical. Il adhéra au parti en 1931. Il milita d’abord clandestinement au sein de la cellule des Gravances à Clermont-Ferrand puis en 1933 il devient responsable de la cellule de la manufacture à Tulle. Il devient en même temps secrétaire du syndicat. Des rencontres marquèrent son itinéraire de militant : Cachin*, Thorez*, Vaillant*. Il se lia d’amitiés avec Waldeck-Rochet* qui, à plusieurs reprises, se retrouva à la table de la famille Chirin. Des responsabilités lui furent rapidement confiées. En 1935, il devient responsable de la section communiste dont dépendait la manufacture puis en 1936 et jusqu’en 1939, alors qu’il était encore poste en Corrèze, Clovis Chirin devint secrétaire régional. Après la grève du 30 novembre 1938, il dut quitter la manufacture où il était le principal responsable syndical. Mobilisé en 1939, il fut renvoyé dans son foyer comme chargé de famille. Avec sa femme, Maria, elle-même militante communiste et conseillère municipale d’Aubière à la Libération, et ses trois enfants (André né en 1929, Eugénie née en 1930 et Jean-Louis né en 1936), il s’installa à Roanne (Loire) et travailla à la Manufacture d’armes de la ville. Au moment de l’Armistice, le communiste qu’il était resté fut arrêté comme suspect et interné au camp de la Courtine, puis au Fort Barreau (Isère) jusqu’en novembre 1940. À cette date, il fut libéré afin d’aider son grand-père, un petit exploitant-agricole. La famille retourna s’installer à Aubière, 8 impasse du Petit Paris, mais Clovis Chirin entra dans la clandestinité. On le retrouva en Dordogne et dans les départements de la Loire et de la Haute-Loire. Il fut le compagnon d’Antoine Rey, alias « Bertrand », et de Jean Seine, alias « Marius » ; ensemble, ils organisèrent la Résistance dans ces deux derniers départements. Clovis Chirin participa à la rédaction de tracts, contre Pétain et pour un meilleur ravitaillement, et participa à la formation des premiers groupes FTPF dans la région de Saint-Étienne (Loire). Il fut l’« OP » (organisation-propagande) chargé de l’« appareil technique » : ronéo, machine à écrire...
Il fut arrêté début 1942 après sa participation à un attentat contre le bureau de la main-d’œuvre à Saint-Étienne. Le 27 avril 1942, le tribunal spécial de Clermont-Ferrand le condamna à dix ans de travaux forcés. En août de la même année, sa peine fut accrue de cinq ans. Le résistant communiste fut transféré de prison en prison : Clermont-Ferrand, Nontron, Le Puy-en-Velay (Haute-Loire). Largement autodidacte, il aida à l’instruction de ses compagnons d’infortune. A Nontron, il se fit remarquer par sa gentillesse et son esprit fraternel. Il manifestait aussi beaucoup d’intérêt pour l’histoire, discutant notamment avec Michel Bloch, professeur d’histoire de Thiers, militant communiste, interné à Nontron où il assurait des cours aux prisonniers. Chirin avait lu La Révolution française de Mathiez. Dans un lettre du 9 septembre 1942 à sa femme, Raymond Duvignac écrit : "Tu pourras annoncer à tous nos amis à Tulle, et il y était suffisamment populaire, que notre ami Clovis Chirin est emprisonné avec nous depuis quelques jours. Il est en bonne santé, aussi souriant que jamais et tel qu’ils l’ont connu évidemment", p. 253.
Le 24 avril 1943, grâce aux FTPF de la Loire, Clovis Chirin s’évada avec 26 de ses compagnons de la prison du Puy et rejoignit le camp FTPF dans les gorges de l’Allier, vers Alleyras. Repris quelques jours après, le 29 avril, il fut torturé par les hommes de la Gestapo avant d’être de nouveau incarcéré au Puy. Avec plus de 80 de ses camarades de la prison du Puy, bénéficiant de la complicité du gardien Chapelle, il s’évada le 1er octobre de la même année. Il rejoignit le camp FTP Gabriel-Péri dans le Puy-de-Dôme, puis, après quelques jours de repos dus à la fatigue et aux privations endurées, il reprit sa place en étant nommé responsable FTPF dans le département de l’Ardèche.
Sous le pseudonyme de Dupuis et le grade de lieutenant, il remplit les fonctions de Commissaire aux effectifs du département. Il est nommé capitaine le 1er juin 1944. Le 6 juin 1944, « Dupuis » était à la tête des FFI qui libérèrent Annonay. Une nouvelle municipalité fut installée. Mais les Allemands passèrent à l’attaque pour reprendre la ville, soucieux de conserver leur grande voie de communication de la vallée du Rhône. Les résistants se replièrent.
A 8h45, Clovis Chirin et son chauffeur se rendirent sur la route de Cance qui relie Annonay à Sarras pour y rencontrer le commandant Maxime (nom Néron), et le Président du Comité local de Libération, Monsieur de Sugny. C’est le commandant Maxime qui devait le remplacer comme CER Ardèche. L’attaque allemande eut lieu vers 9h dans le secteur appelé Pont de la Bique. A cet endroit de la N 578 où se trouvaient les blindés allemands, on surplombe la route où passa la voiture de Chirin.
Sous le feu d’une mitrailleuse allemande, Clovis Chirin et son chauffeur, l’adjudant Avenas, abandonnèrent leur véhicule. Réfugiés dans les bois, ils furent encerclés, faits prisonniers et fusillés le 19 juin à Beaumarchais, commune de Roiffieux (Ardèche) à 15 heures. Quelques jours avant sa mort, il venait d’être nommé Commissaire aux Effectifs (CE) Interrégional en Provence (Inter G).
Le 9 juillet 1945 il fut homologué avec le grade de commandant. Sa période homologation comme FFI va du 15 mars au 19 juin 1944 en tant que membre de l’état-major départemental FTP de l’Ardèche. Il reçut aussi le certificat d’Interné-Résistant (DIR) pour son arrestation du 19 juin 1944.
À titre posthume, Clovis Chirin fut fait chevalier de la Légion d’Honneur par un décret du 7 novembre 1951, signé par Vincent Auriol. La citation salue en lui un « Pionnier infatigable de la résistance », un « organisateur parfait des groupements armés... qui a su donner en Ardèche le caractère insurrectionnel indispensable à la Libération du pays ». Reconnu "tué à l’ennemi", Mort pour la France, il a été homologué FFI et DIR. Il fut Médaillé de la Résistance, et distingué par la remise de la Croix de Guerre à titre posthume.
Clovis Chirin est la figure communiste du Puy-de-Dôme qui a été la plus mise en valeur au moment de son décès. Son portrait et sa nécrologie font la Une du premier numéro de Pour la France, l’organe des FTPF du Puy-de-Dôme, le 21 septembre 1944. Un nouvel articule lui font consacré, avec son portrait, dans La Voix du Peuple, l’organe de la fédération communiste du Puy-de-Dôme, après ses obsèques qui eurent lieu le 7 novembre 1944 à Aubière en présence d’une foule nombreuse. Il reçut alors de nombreux hommages, notamment par le PCF de la Corrèze et le syndicat de la manufacture de Tulle. Dans cette même commune d’Aubière, dans la banlieue de Clermont-Ferrand, où son épouse vivait encore après-guerre, la municipalité et les communistes honorèrent sa mémoire en donnant son nom respectivement à une rue de la ville et à une cellule du PCF.
Son nom figure à Tulle sur le monument commémoratif 1939-1945 de la M.A.T, à Annonay sur le monument commémoratif 19 Juin 1944 et la stèle commémorative des victimes de 1939-1945 et à Aubière (Puy-de-Dôme sur le monument aux Morts
Sources

SOURCES : Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 908 W 496 : liste des fusillés, des massacrés dans la région du Puy-de-Dôme, 1er mars 1945 .— SHD Vincennes, dossier GR 16 P 128862 .— Courrier de l’État-major Régional de l’Ardèche (FN, FFI, FTPF) à Yvonne Chirin, daté du 7 septembre 1944. — A. Rey, « Un Héros : Clovis Chirin », Le Résistant de la Loire, avril 1968 .— "Les rues se souviennent à Aubière, la rue Clovis Chirin", Résistance d’Auvergne, n°6, avril 1972 .— « A Aubière, les rues nous parlent... Clovis Chirin » .— Lettre de Michel Bloch à la rédaction de Résistance d’Auvergne, n°7, juillet 1972 .— Regards (revue de la fédération communiste du Puy-de-Dôme), 14 novembre 1994. — "A Aubière, hommage à un patriote", La Voix du peuple, 11 novembre 1944. — "Nos martyrs. Jean Clovis Chirin", La Voix du Peuple, 13 septembre 1944. — "Mort pour la liberté", Pour la France : organe des FTPF du Puy-de-Dôme, n°1, 21 septembre 1944. — Notice DBMOF. — Entretien avec Yvonne Chirin, veuve de Clovis Chirin, juin 2000. — Réponses par Yvonne Chirin au questionnaire écrit (juin 2000) .— Mémorialgenweb. — État-civil Saint-Eloy-les-Mines (en ligne).

Pascale Quincy-Lefebvre, Eric Panthou

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