Né le 15 avril 1925 à Paris (XIVe arr.), fusillé sommairement le 11 août 1944 à Moutiers (Eure-et-Loir) ; ajusteur mécanicien ; résistant FTPF.

Claude Loiseau
Claude Loiseau
Fils de Jean Eugène Marie Alfred Loiseau (1885-1946), employé de commerce à Paris puis mécanicien, natif du Havre (Seine-Maritime), et de Geneviève Augustine Marie Beauchet (1886-1982), sans profession, née à Prasville (Eure-et-Loir), veuve d’un premier mariage dont elle avait deux enfants, Claude René Jean Loiseau avait grandi auprès de ses parents, 42 rue Faidherbe à Paris (XIe arr.). Sa grand-mère maternelle, veuve, Marie Antoinette Beauchet-Deshais (1864-1959), était née également à Prasville, où elle était propriétaire d’une ferme qu’elle faisait exploiter et d’une maison d’habitation juste à côté ; elle résidait aussi dans la capitale. Enfant d’une famille catholique pratiquante, Claude avait fait du scoutisme. Le jeune parisien passait régulièrement ses vacances à Prasville avec sa mère, dans la maison de sa grand-mère, accompagné dans son enfance par ses deux grands frères. Il était bien connu dans ce village de la grande plaine beauceronne, au sud-est de Chartres. On le voyait grandir et on le disait maintenant étudiant.
Au début 1944, la famille estima que Claude Loiseau et sa mère seraient plus en sécurité à Prasville qu’à Paris. Il allait avoir 19 ans au printemps. Or, selon les documents remplis plus tard par ses parents, il n’était plus étudiant, mais il travaillait ; il était « ajusteur mécanicien », écrira son père après le drame, et non pas mécanicien comme lui. Cette distinction fait penser qu’il avait dû recevoir une formation théorique et pratique en mécanique plus poussée que celle de son père. Si les bombardements constituaient à Paris un risque permanent, le contexte de la France sous le régime de Vichy, au début 1944, fut marqué par le STO. La classe 1945 fut recensée du 24 au 27 janvier pour alimenter le STO. Laval céda aux pressions de l’occupant et promulgua la loi du 1er février 1944 rendant mobilisables les hommes de 16 à 60 ans. Le peignage des entreprises s’exerça à partir de mars 1944. Claude Loiseau, qui appartenait à la classe 1944, risquait à tout moment d’être visé par le recrutement de travailleurs forcés pour l’Allemagne. Ces motifs intervinrent certainement dans la décision de l’éloigner de Paris.
La résistance intérieure locale avait pris forme lentement en 1943, dans ce plat pays découvert. Lorsque René Foussard (1908-1944), instituteur-secrétaire de mairie à Prasville, revint de captivité au titre de la Relève, démobilisé le 10 janvier 1943, il se mit aussitôt au service de la résistance FTP, qui lui confia, à partir de mai 1943, la direction du groupe FN-FTPF de Prasville-Moutiers-Viabon-Ymonville, dit « groupe de Prasville », qui dépendait du secteur de Châteaudun-Est département de l’Eure-et-Loir. La mission du groupe, qui portait sur la réception du matériel parachuté, la prise en charge des parachutistes, les liaisons radio, la surveillance de l’axe Orléans-Chartres et l’entraînement, s’orienta en avril-mai 1944 sur les opérations de sabotage ; le chef de groupe assura en juin-juillet l’instruction sur le maniement des armes, afin de préparer chacun au combat, à l’interception des groupes d’allemands de passage. Comme Marcel Brigot, Claude Loiseau rallia la Résistance FTP locale quelques jours après Pâques, le 15 avril 1944, jour de ses 19 ans ; sa présence continue à Prasville devait être effective à cette date. Il côtoyait à la ferme voisine un résistant parisien plus âgé que lui – trop âgé pour être un réfractaire au STO, mais en danger à Paris, selon un témoin – venu se cacher en ouvrier agricole sous un faux nom, avec une fausse carte d’identité, et qui participait aux actions des résistants. Deux travailleurs agricoles bretons, sous leur véritable identité, faisaient aussi partie du groupe. Quelle fut la participation de Claude Loiseau, le plus jeune d’un groupe qui comportait des hommes plus âgés ? Aucune précision n’est donnée à ce sujet dans les témoignages écrits après le drame, qui s’en tiennent à la version de cet étudiant en vacances qui participa fortuitement et malheureusement aux combats du 11 août 1944, journée qui est restée dans la mémoire locale et eurélienne comme « le drame de Prasville », avec ses victimes, « les fusillés de Moutiers ». Son dossier de résistant atteste de son activité dans le groupe FTP du 15 avril 1944 au 11 août 1944, de sa participation à des sabotages, à des attaques de convois sur la RN Chartres-Orléans et met l’accent sur les combats du 11 août 1944 et leur dramatique conséquence.
À partir du 9 août 1944, avec la progression des troupes américaines débutèrent les combats pour la libération de l’Eure-et-Loir, engagés par les interventions des FFI. Les Allemands, harcelés par leurs attaques ponctuelles, devinrent nerveux et multiplièrent les exactions, à la veille de devoir faire retraite. Dès le 8 apparurent à Prasville des soldats allemands qui se repliaient, isolés ou en petits groupes, d’abord peu motorisés, exigeant ou pillant vélos et charrettes. Puis une compagnie de la Wehrmacht, plus conséquente et mieux armée, remonta progressivement de Beauvilliers en passant par Prasville pour aller faire étape à Moutiers, à 6 km. Une nouvelle prématurée, l’annonce à la radio de Londres de la libération de Chartres, peut-être une intoxication destinée à démoraliser l’ennemi, ou bien une confusion de Chartres (Eure-et-Loir) avec La Chartre-sur-le-Loir (Sarthe) – la clarification reste à faire – mit en action le PC Est des FTP du secteur de Voves, dirigé par Paul Fénin, basé à la ferme de Lansainvilliers, à 2 km de Prasville, PC dont le groupe de Prasville assurait le ravitaillement. Selon les FTP, tôt le matin, le 11 août 1944, ce PC donna l’ordre à René Foussard d’attaquer les convois allemands. Ce dernier réunit une dizaine de résistants et installa son PC à la gare de Prasville. Claude Loiseau vint prendre auprès de sa mère du ravitaillement de bouche pour les résistants et les rejoignit à la gare. Le chef de groupe déclencha l’offensive en fin de matinée contre un groupe d’allemands stationné près de l’ancienne mare ; après un échange de coups de feu, les résistants se regroupèrent à la gare et enfermèrent dans le silo de la coopérative, sous la surveillance de Marcel Brigotet de Claude Loiseau une dizaine d’allemands qu’ils avaient faits prisonniers. Les Allemands firent rapidement appel à des renforts, venus de Moutiers notamment, supérieurs en nombre – 60 à 150 hommes selon les témoignages – équipés d’armes automatiques ; aux termes d’un échange nourri, ils encerclèrent les résistants et renversèrent la situation à leur profit ; malgré la résistance du groupe, qui dut décrocher et se dispersa ; mais ils rattrapèrent quatre d’entre eux. Ils libérèrent leurs propres prisonniers, prirent en charge un tué et un blessé de leur côté et emmenèrent à Moutiers – appelé couramment Moutiers-en-Beauce – derrière un chariot, les quatre résistants prisonniers, dont le sort était maintenant lié : René Foussard (36 ans, 4 enfants) et Marcel Brigot (45 ans, 4 enfants), tous deux blessés au bras, Georges Lejars (36 ans, 2 enfants) et Claude Loiseau (19 ans, célibataire). « Ils ne voulurent pas le relâcher », relatera au sujet de Claude Loiseau l’abbé Gouablin, ancien curé de Prasville et Ymonville en visite fortuite auprès de ses anciens paroissiens ; cette phrase laisse à penser qu’une demande de libération a été exprimée soit par ses camarades d’infortune, soit par des villageois, soit par l’abbé lui-même. Cette matinée s’acheva vers 13 ou 14 heures en laissant les Prasvillois dans la plus vive inquiétude, selon tous les témoignages. En arrivant à Moutiers, à la ferme des Sachets, exploitation de Mme veuve Connay, gérée par son fils Paul (31 ans), qui était depuis le matin l’interlocuteur du capitaine de la compagnie de la Wehrmacht stationnée à proximité de sa ferme, et qui fut jusqu’au soir l’unique interlocuteur des officiers allemands, les prisonniers furent enfermés dans un petit bâtiment servant de porcherie. Les deux blessés furent sommairement pansés par les soldats allemands et le groupe reçut de la nourriture. En milieu d’après-midi, le commandant du régiment vint interroger un à un les résistants et les fit aligner face au mur d’une grange, sur la gauche, à l’intérieur de la cour. Au cours d’une longue et pénible attente, les prisonniers mal vêtus, fatigués et visiblement éprouvés, Paul Connay obtint du capitaine, un vieux réserviste, l’autorisation de leur fournir un veston, ce qu’il fit en leur disant quelques mots de réconfort et en leur serrant la main. Ce geste lui valut d’être traité aussitôt de « terroriste » et d’être aligné lui aussi, sur ordre du commandant, devant une porte, à l’écart des prisonniers. Après une nouvelle attente, pénétra le soir dans la cour un car venu de Chartres, bondé de soldats en armes ; en descendit en premier l’officier SS Lorenz Kreuzer, chef de la Sipo-SD à Chartres. De l’autre côté de la grande cour, trois témoins oculaires observaient la scène de loin avec beaucoup d’inquiétude : Mme Connay, Mme Robinet, une voisine, et Marcel Tourne, cultivateur. Furieux, vociférant et hors de lui, après un bref échange avec le commandant, le chef de la police de sûreté allemande se précipita vers les prisonniers et asséna un coup de crosse avec son arme dans le dos du plus proche de lui, Claude Loiseau, qui, surpris, s’écarta brusquement en passant devant ses camarades et se réfugia à l’écart. Puis il abattit d’une balle dans la nuque les trois autres, René Foussard, Marcel Brigot et Georges Lejars ; il interpella Claude Loiseau, le bouscula vers le mur et l’abattit. On fit descendre du car sans ménagements un civil inconnu des témoins, Georges Houdard arrêté le matin même, et le SS l’exécuta sur le corps des autres. Paul Connay ne dut la vie sauve qu’au versement immédiat de 100 000 F. Sur ordre du SS, les cinq corps, recouverts d’un linceul individuel, furent enterrés le soir même par Paul Connay et quelques villageois dans une tombe collective provisoire, creusée dans le clos de la ferme, sans croix, sans fleurs, toute visite étant interdite sous peine de représailles ; on fit ainsi. Le lendemain à 14 heures, Paul Connay se rendit auprès du maire de Moutiers pour faire la déclaration des décès ; il fut écrit que les cinq résistants étaient morts « à 20 heures » et que Claude Loiseau était « étudiant ». Le lendemain à Chartres, les Allemands étaient sur le départ. Prasville et Moutiers étant libérés le 17 août au matin, la tombe fut aussitôt couverte de fleurs. Les corps des résistants de Prasville furent relevés le samedi 19 août, puis inhumés le dimanche 20 août. Claude Loiseau repose au cimetière de Prasville dans la concession familiale Loiseau-Beauchet-Deshais, tombe 21.
La mention « Mort pour la France » fut attribuée à Claude Loiseau et inscrite en marge de son acte de décès à Moutiers le 20 mars 1945. Son nom est inscrit sur le monument aux Morts de Prasville ainsi qu’à Moutiers, sur la plaque commémorative posée sur le mur la grange devant laquelle eut lieu l’exécution des cinq résistants. L’inscription a été complétée, après son décès, par la mention du nom de Paul Connay (1912-1980), qui assista les résistants jusqu’à leur exécution, qui rendit compte fidèlement à tous des détails du massacre et qui témoigna en 1950 au procès de Kreuzer. Pour commémorer le drame du 11 août 1944 a lieu chaque année, alternativement à Prasville ou à Moutiers, une cérémonie au cours de laquelle le nom de Claude Loiseau est cité.
Claude Loiseau fut reconnu par les FTPF comme un des leurs, ayant rallié la résistance le 15 avril 1944 et ayant agi jusqu’au 11 août 1944. Il fut homologué sergent FFI à titre posthume pour la période du 1er juillet 1944 au 11 août 1944 par décision de la commission nationale HN n° 7795 du 1er février 1946. Il fut cité à l’ordre de la Division : « A fait partie des groupes de Prasville et prit part à des opérations de sabotages et à des attaques de convois allemands. Lors d’un engagement le 11 août 1944, au cours duquel de nombreux ennemis furent abattus et une dizaine capturés, ayant accepté la lutte contre un ennemi très supérieur en nombre, a été fait prisonnier et fusillé dans une grange le 11 avril 1944. » ; décoré de la Croix de guerre à titre posthume par Ordre Général n° 12 du 15/02/1945 du général Delmas, commandant la 5e RM. Il fut décoré de la Croix de Combattant Volontaire de la Résistance à titre posthume pour la période du 1er juillet 1944 au 11 août 1944 par décision n° 2 de l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre en date du 13 novembre 1952, carte n° 5794.
Sources

SOURCES : AVCC, Caen, dossier de décès GR 21 P 84259 – SHD, Vincennes, dossiers de résistant C. Loiseau GR 16 P 375131 ; R. Foussard GR 16 P 232032. – Arch. dép. Eure-et-Loir, dossier de CVR 1575 W 90. – Mairie de Moutiers. – Mairie de Prasville. – Comité du Souvenir du Camp de Voves, Les Villages-Vovéens. – Arch. familiales de Jean-Antoine Connay, Moutiers. – Documentation de Jean Billard, Moutiers ; d’Hervé Nourry, Prasville. – Raphaël Spina, Histoire du STO, Perrin, 2017. – La lutte des Francs-Tireurs et Partisans en Eure-et-Loir, Éditeur Association des Anciens FTPF, Chartres, 1945 (source Médiathèque « L’Apostrophe » à Chartres). – Collectif d’Anciens Résistants, L’occupation et la résistance en Eure-et-Loir, tome II, La résistance en Eure-et-Loir, CDDP de l’Eure-et-Loir, 1982. – Roger Joly, La libération de Chartres, Le Cherche-Midi éditeur, Paris, 1994. – État civil. – Mémorial GenWeb – Témoignage oral de Nicole Poirier (1934- ), Prasville.

Marie-Thérèse Grangé

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