Saint-Maurice-en-Gourgois, commune rurale compte 29 hameaux ; elle est située sur un plateau à l’ouest des Gorges de la Loire, à proximité de la vallée de l’Ondaine, à une vingtaine de kilomètres de Saint-Etienne (Loire) et de la plaine du Forez. En 1944, on y dénombrait environ 1100 habitants. Le 5 juillet 1944, des soldats allemands accompagnés de miliciens donnèrent l’assaut à des résistants de l’Armée Secrète (AS). Dans l’affrontement, les assaillants incendièrent trois fermes et s’en prirent à leurs occupants dont sept furent tués. Les combats avec les maquisards se soldèrent par la mort de sept d’entre eux.

Au mois de mai 1944, un maquis de l’AS installé à Boussoulet (Haute-Loire) fut placé sous les ordres de l’aspirant Albert Oriol dit Maloire pour devenir un Groupe Mobile d’Opérations, le GMO 18 juin. Composé de quatre groupes de combat encadrés par des gardes mobiles déserteurs de leurs unités, les hommes étaient armés de fusils mitrailleurs, de fusils anglais, de mitraillettes Sten, de munitions et de grenades. Ils étaient en uniforme, blousons et pantalons bleu-marine, ou tenue kaki, fruits de confiscations. La troupe disposait de voitures et de camions. Vers le 10 juin, environ 35 hommes du GMO s’installèrent à Saint-Maurice-en-Gourgois, au hameau de Gland, où leurs véhicules furent garés dans des hangars et à la ferme Chaumet (ou Chomet), proche de la commune de Çaloire (Loire) dans l’attente des combats pour la libération de la région. Soutenus et hébergés par une partie de la population, ils étaient chargés du ravitaillement de troupes sur l’arrière et ils entreprirent diverses réquisitions.
Le 4 juillet, un groupe s’était rendu à Saint-Étienne pour s’occuper d’un dépôt de munitions et était rentré tard dans la nuit. Le 5, vers quatre heures du matin à la ferme Chaumet, Roger Jeunet alias Rogue, une des sentinelles, donna l’alerte : des soldats allemands arrivaient de Saint-Étienne par la route de Chambles (Loire). Le combat fut aussitôt engagé, les maquisards répliquant par des tirs de fusils mitrailleurs. Paul Bec*, chef de groupe, fut tué et plusieurs hommes blessés grièvement tandis que les munitions s’épuisaient. Après une défense courageuse, Oriol ordonna le décrochage par la Loire tandis que s’élevaient des flammes au- dessus de Gland. Roger Jeunet blessé aurait péri dans l’incendie de la ferme.
Dans le même temps, au hameau de Gland à 5 heures, une troupe de soldats allemands et de miliciens, arrivés par le pont sur la Loire au Pertuiset, entreprirent de fouiller les maisons et incendièrent trois bâtiments où stationnaient des véhicules du maquis.
Chez Benoit Cusset*, qui hébergeait huit résistants, on entendit l’arrivée d’un camion qui transportait les soldats ennemis. Sa fille et sa jeune nièce âgée de 10 ans réussirent à s’enfuir tandis qu’une bataille s’engageait. Benoit, réfugié avec sa femme Marie derrière un mur, fut blessé. Cinq maquisards allaient perdre la vie tandis que Marie, qui avait appelé au secours pour son mari, était conduite près de l’école de Gland où avaient été regroupés des otages. Benoit Cusset mourut le jour même à 16 heures à l’hôpital de Firminy
A la ferme de Jean Cusset, frère de Benoit, Marcel Cusset* et Michel Champagnac* tentèrent de s’échapper et furent tués 200 mètres plus loin dans un champ de blé.
Chez Faure, Rémy qui avait ouvert sa porte fut emmené au centre du hameau où étaient les otages, le reste de la maisonnée s’étant caché. Après un pillage en règle, la ferme fut incendiée pour déloger tout le monde ; à la sortie de leur cachette, Jean Bory* fut exécuté de deux balles de revolver dans l’œil, son grand-père Jacques Bory* abattu dans la cour, derrière le puits. Marie Faure fut blessée par balle ainsi que son fils Louis âgé de 15 ans ; une jeune réfugiée de 10 ans, Marie Achard qu’ils hébergeaient, reçut une balle dans la tête.
Dans une maison voisine, Claudine Bory* épouse Dubesset fut abattue d’une balle dans la tête et décéda le 9 juillet 1944 à Firminy ; son petit garçon fut épargné.
A la ferme Baroux, vers 5 heures 30, Pierre qui avait entendu le bruit du canon et les rafales de mitraillettes, ouvrit sa porte et fut blessé à la tête par des tirs. Il s’enfuit et se cacha durant quatre heures derrière un rocher. Sa femme et sa fille tentèrent de s’échapper par la fenêtre d’une chambre mais Julie Robin épouse Baroux* fut abattue et la maison pillée.
A la ferme de Jean Jouve, dormaient quatre maquisards qui se cachèrent dans le foin ; les allemands fouillèrent la grange sans les trouver, mirent le feu mais les maquisards réussirent à se sauver. Jouve et sa femme échappèrent aux allemands qui les poursuivaient mais leur fils Marcel et Michel Charreyre, un jeune réfugié de 10 ans, furent bousculés et emmenés les pieds nus sous escorte, vers l’école.
A Gland, la bataille dura plus d’une heure, les résistants décrochèrent, cinq des leurs étaient morts au combat : Roger Bonneville*, René Costet*, Roger Guillot*, Jean-Baptiste Rabeyrin* et Lucien Rousset*. Les assaillants évacuèrent leurs morts et leurs blessés puis quittèrent les lieux vers 14 heures, sans un geste pour les civils blessés. Ils rentrèrent par le pont du Pertuiset et une ambulance de Firminy, appelée pour secourir les villageois, dut laisser un long moment la priorité à leurs camions. Ils avaient avec quatre miliciennes, arrêtées par l’AS à Unieux (Loire), détenues depuis quelques jours à la ferme Chauvet, qu’ils avaient délivrées. Ils emmenèrent à la caserne Desnoëttes à Saint-Étienne, Paul Vinéis* et un autre captif.
Dans les enquêtes de gendarmerie effectuées pour le service du Mémorial de l’Oppression, les témoignages sont concordants : ils attestent de la responsabilité de militaires allemands et de miliciens dans ces exactions. Ces derniers dissimulaient leur tenue civile sous une capote militaire allemande mais parlaient français. Parmi les témoins, Maurice Buck, alors médecin à Lérigneux (Loire), sans doute réfugié lorrain - après la guerre, il exerce à Saint-Dié (Vosges) - fut appelé d’abord à Vareilles, commune de Çaloire d’où il fit évacuer les maquisards André Faure et André Durand vers l’hôpital de Firminy (Loire). A 10 heures 30 à Gland, il découvrit les morts et les blessés gisant sous un soleil brûlant. Porteur d’un brassard de la Croix-Rouge, Il dut décliner par trois fois son identité avant d’approcher d’une blessée grièvement atteinte. Le feldwebel auquel il s’adressa en allemand pour réclamer une ambulance, lui répondit : " Si cela n’avait dépendu que de moi, il n’y aurait pas besoin d’ambulance, tout le village serait rasé et brûlé et tout le monde fusillé, femmes et enfants. " Il constata que toutes les blessures avaient été occasionnées par des balles tirées à très courte distance, de face ou par derrière. Le corps des cinq maquisards, crânes fracassés, étaient rassemblés sur la route. Un prisonnier, menottes au poing, eut juste le temps de lui souffler son nom : Paul Vinéis il allait être fusillé à La Grand-Croix (Loire) le 12 août 1944.
Dans les semaines qui suivirent, le GMO 18 juin se distingua à la bataille d’Estivareilles (Loire) et dans les combats pour la libération de Lyon. Il poursuivit son action jusqu’à la victoire sur le nazisme.
Victimes civiles exécutés sommairement à Gland, commune de Saint-Maurice-en-Gourgois, le 5 juillet 1944 :
Jean Bory , Jacques Bory , Claudia Bory, Benoit Cusset , Marcel Cusset, Michel Champagnac, Julie Robin.
Leur nom figure sur la plaque commémorative au hameau de Gland
Résistants morts au combat à la ferme Chaumet, commune de Çaloire :
Roger Jeunet, Paul Bec
Résistants morts au combat à Gland :
Roger Bonneville, René Costet, Roger Guillot, Jean Rabeyrin et Jean, Lucien Rousset à Gland.
Leur nom figure sur la plaque commémorative à Gourgois, commune de Saint-Maurice-en Gourgois, Paul Bec y est orthographié Paul Beck.
Sources

SOURCES : Arch. Départ. Rhône : Mémorial de l’Oppression, cote : 3808W814. — Albert Oriol-Maloire, Hommes et Combats : La Loire 1939-1945, Ed. Martelle, 1994. — État civil de Saint-Maurice-en-Gourgois .

Michelle Destour

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