Né le 24 mars 1914 à Nîmes (Gard), mort exécuté sommaire, sans doute le 11 juillet 1944, à Servas (Gard) ; mineur de charbon à Molières-sur-Cèze (Gard) puis tenancier d’un débit de boissons à Gagnières (Gard) ; maquisard (FTPF) et milicien ; a infiltré le maquis et a provoqué l’arrestation de maquisards ; exécuté par les Français de la 8e compagnie du 3e régiment de la division Brandenburg, unité du Heer dépendant de l’Abwehr II, section des services secrets chargée des actions spéciales.

René Roubaud était le fils de Véran Roubaud et de Marie Rey. Marié avec Antoinette Botti le 20 octobre 1938, il était père d’un enfant.
Le beau-fils de cette dernière, Henri Aurand — domicilié en 1986 à Avignon (Vaucluse) et, en 1945, fonctionnaire à Agen (Lot-et-Garonne) — expliquait dans un courrier du 25 mars 1986 adressé au ministre des Anciens combattants que René Roubaud avait été, en 1938-1939, mineur de fond à Molières-sur-Cèze. Il le considérait comme « un brave garçon », « une tête brûlée ». Mais pendant la Seconde Guerre mondiale, il n’eut pas de contacts avec sa belle-famille. Ce ne fut que lorsque la belle-mère d’Henri Aurand dut, en 1986, entrer dans une maison de retraite et qu’il fit des démarches afin que cette dernière pût percevoir une pension pour les états de services de son mari dans la Résistance qu’il découvrit le parcours de René Roubaud dans la première moitié de l’année 1944. Henri Aurand qui disposait d’une copie de l’acte de décès de René Roubaud avec la mention de « mort pour la France » était persuadé que la pension revenait de droit à l’épouse de René Roubaud. Le fait que son cadavre eut été précipité, après exécution sommaire, avec ceux de vingt-neuf autres résistants, dans le puits de la mine de lignite désaffectée de Célas (Servas, Gard) semblait, selon lui, étayer le fait qu’il avait été un authentique résistant. Mais il apprit bientôt que la mention « mort pour la France » lui avait été retirée après enquête pour le « double jeu ». Les nombreuses démarches qu’il fit par ailleurs auprès de diverses personnalités (parlementaires du Gard : Roger Roucaute député-maire communiste d’Alès (Gard) ; Gilbert Baumet président socialiste du conseil général du Gard et sénateur ; Aimé Vielzeuf, ancien résistant et historien de la Résistance gardoise et cévenole ; le directeur de l’ONAC du Gard) ne purent aboutir, toujours pour les mêmes motifs.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, René Roubaud était le patron du café des Tilleuls à Gagnières (Gard), commune de la vallée de la Cèze, limitrophe de l’Ardèche. Il s’y était établi, avec sa femme, son fils Claude (mort en 1976, il avait, semble-t-il, été déclaré pupille de la Nation après 1944) et ses parents. Lors de l’enquête diligentée en 1945 par la Cour de justice du Gard à propos de l’action de René Roubaud au printemps de 1944, un témoin interrogé, Théophile Chabanne, cultivateur à Chavagnac, commune de Gagnières expliqua que Roubaud et sa femme s’étaient rendus en Allemagne et qu’ils en étaient revenus en prétendant qu’ils s’étaient évadés. En réalité, René Roubaud était parti seul travailler en Allemagne et en revint en convalescence après une opération chirurgicale en mars 1944. D’après sa femme, son titre de convalescence étant arrivé à échéance et par peur d’être inquiété par les Allemads, il aurait le rejoint le maquis en Lozère le 29 avril. D’autres témoins, à commencer par le propre père de Roubaud, Véran, ont fait état de son adhésion à la Milice ou de sa proximité avec les membres de cette organisation. Ce dernier a déclaré dans sa déposition que son fils « était en relation avec la Milice pour espionner » [le maquis]. C’est Picon, responsable du Front national à Gagnières qui l’aurait mis en contact avec un maquis (FTPF) de Génolhac (Gard) [il est fait une fois mention de Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard), par un témoin ayant déposé devant la PJ], plus précisément avec son chef que les personnes qui ont déposé en 1945 nomment par son pseudonyme, « Carlos ». Mais Véran Roubaud, aurait fait la confidence à Picon que le pli qui avait été confié à René Roubaud afin qu’il le remît à « Carlos » indiquait que le porteur était « un individu louche et dangereux ».
René Roubaud aurait donc été en relation avec le maquis de Genolhac dès la fin du mois de mars ou le début du mois d’avril 1944. Les neufs dépositions recueillies en avril 1945, dont six de personnes qui furent arrêtées et, pour certaines d’entre elles, torturées au fort Vauban d’Alès par des « Brandebourgeois » connus comme étant des Waffen SS, permettent d’établir la réalité de l’infiltration de la Résistance alésienne par Roubaud au profit des forces d’occupation et de la Milice : Henri Nicaise, gendarme de Tamaris ; Berthe Guiraud, d’Alès ; Yvonne Rascalon d’Alès (ces deux dernières veuves d’exécutés sommaires précipités dans le puits de Célas) ; Augusta Trinquier, d’Alès ; Henri Blanc, ingénieur de la mine de Salle Fernouse arrêtés par la Milice ou les Waffen SS qui ont déposé lors de l’enquête de 1945.
Roubaud fut à l’origine de l’arrestation, le 5 juillet 1945, d’Henri Nicaise maréchal des logis chef de la brigade de gendarmerie de Tamaris (Gard) qui fournissait des armes et des munitions au maquis. Deux Waffen SS l’ont arrêté à la brigade et l’ont confronté le 10 juillet à René Roubaud après l’avoir torturé lors de sa détention au fort Vauban. Roubaud était la seule personne qui savait que Nicaise avait remis des armes à « Carlos ». Nicaise avoua que toute la brigade de Tamaris avait l’intention de rallier le maquis. Il fut libéré le 15 juillet, en même temps que le gendarme alésien Joseph Quiot (qui en poste au Sénégal en avril 1945 ne put déposer contre Roubaud). René Roubaud fut aussi à l’origine de l’arrestation, toujours le 5 juillet, de Gabriel Guiraud et de sa femme Berthe, née Tribes, résistants d’Alès en relation avec le maquis commandé par « Carlos » ; d’Augusta Trinquier née Merle commerçante à Alès âgée de quarante-quatre ans et de son mari, eux aussi en contact avec la résistance alésienne ; Marius Rascalon et sa femme Yvonne née Authouard âgée de trente-cinq ans, résistants domiciliés 28 rue du Soleil à Alès ; Raoul Besson, négociant à Alès âgé de trente-quatre ans, résistant également en contact avec « Carlos » Gabriel Guiraud et Marius Rascalon furent sommairement exécutés par les Waffen SS et leurs corps furent précipités dans le puits de la mine de Célas à Servas (Gard). Tout comme Henri Nicaise, les autres détenus, parfois torturés à fort Vauban, furent libérés par les Waffen SS au plus tard le 15 juillet.
René Roubaud fut aussi « arrêté » par les Waffen SS. Son épouse, pour qui il serait devenu un "agent spécial de la Résistance", déclara ne plus l’avoir revu après le 15 juin. Il fut arrêté le 3 juillet, d’après Augusta Trinquier. À la terrasse de son établissement, ainsi que l’expliqua en 1945 dans sa déposition Paul Digaud, débitant de boissons, 1 place Gabriel Péri à Alès qui, selon ses dires, mettait son établissement à la disposition de la Résistance comme « boîte à lettres ». Interpellé par deux miliciens, Roubaud, tranquille et peu ému, si l’on en croit Paul Digaud, se joignit à eux et les accompagna à l’hôtel du Luxembourg, le « quartier général » des « Brandebourgeois ». L’établissement de Paul Digaud fut perquisitionné par les Waffen SS ainsi que deux autres cafés ou restaurants d’Alès qui servaient aussi de points de chute aux résistants. Digaud expliqua dans sa déposition qu’il fut étonné de n’être pas arrêté et qu’il attribue la chose au fait qu’il était originaire de Gagnières, le village de résidence de Roubaud. Il expliqua aussi que Roubaud connaissait bien Joseph Portal, résistant de Saint-Christol-lès-Alès arrêté aussi le 5 juillet 1944 par les Waffen SS qui l’exécutèrent sommairement et précitèrent son corps dans le puits de la mine de Célas à Servas.
Il apparait ainsi que René Roubaud donna de précieuses indications aux Waffen SS et à leurs auxiliaires de la Milice alésienne. Mais sachant ses liens avec la Résistance, ils préférèrent le « liquider ». Il fut donc lui aussi exécuté sommairement. Il reçut une balle dans la nuque et son exécution fut « suivie d’une projection au fond d’un puits à 125 m de fond ». Roubaud, d’après les témoignages recueillis aurait été exécuté le 11 juillet 1944. Son décès fut constaté le 15 septembre 1944 après son exhumation du puits de Célas. Un jugement du tribunal civil de première instance d’Alès du 26 décembre 1944 tenant lieu d’acte de décès fut transcrit sur l’état civil de Servas le 30 décembre 1944 avec la mention « mort pour la France ». Il fut également transcrit sur l’état civil de la commune de Gagnières le 2 janvier 1945. Entre temps, une enquête de la police judiciaire fut ordonnée à la demande du commissaire du Gouvernement près la Cour de justice du Gard. Cette juridiction avait été saisie par le « comité d’épuration » d’Alès qui contestait la mention marginale portée sur les actes de décès des communes de Servas et de Gagnières à la suite du jugement du tribunal civil d’Alès en décembre 1944. La police judiciaire reçut au printemps 1945 les dépositions évoquées ci-dessus, ce qui amena le secrétaire général des Anciens combattant à prendre la décision suivante concernant la mention marginale portée sur l’acte de décès : « La mention mort pour la France ne doit pas figurer sur l’acte de décès ». Elle fut notifiée au tribunal d’Alès qui, dans un second jugement en date du 21 septembre 1945, ordonna aux communes de Servas et de Gagnières d’enlever la mention « mort pour la France » des actes de décès de René Roubaud. Sa veuve fit des démarches afin de se faire attribuer une pension du ministère des Anciens combattants, en obtenant pour son mari défunt une carte de combattant volontaire de la Résistance. Le ministre des Anciens combattants lui notifia dans un courrier du 11 avril 1947 l’impossibilité de la lui accorder. Plus tard, en 1986, lors de son entrée dans une maison de retraite, les nouvelles démarches entreprises par son beau-fils s’avérèrent vaines, ainsi qu’il est expliqué plus haut, au début de cette notice.
Bien entendu, étant donné ses antécédents, René Roubaud n’eut pas droit à l’inscription de son nom sur le monument mémorial du puits de Célas.
Voir Servas, Puits de Célas (9, 10, 26 juin 1944 ; 11, 12 juillet 1944)
Sources

SOURCES : Arch. justice militaire, Tribunal militaire de Marseille jugement n°43/7136 du 15/02/1951, Affaire Richter Karl, Strieffler Ernst, X… (déposition d’Antoinette Roubaud, 16 avril 1945). — SHD, AVCC Caen, 21P 145532 (dossier Roubaud René).— note Jean-Marie Guillon.

André Balent

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