La libération de Sens, 21 août 1944

Libération de Sens
Libération de Sens
L’arrivée des Américains
Prisonniers allemands
Partis le matin du 21 août 1944 de Fay-aux-Loges, à l’est d’Orléans, les unités de reconnaissance de la IIIe armée américaine avaient contourné Montargis et purent ainsi surprendre les Allemands qui occupaient la ville de Sens. Les hommes du maquis Kléber avaient rejoint les Américains au carrefour de Villeroy. Ce maquis dépendant du réseau Jean-Marie Buckmaster avait été informé par l’état-major allié de l’arrivée des unités de reconnaissance. Les hommes de « Kléber » étaient montés dans cinq tractions avant. Equipés d’armes et d’uniformes anglais, ils avaient refusé l’incorporation dans les FFI.
Au début de l’après-midi, les sédentaires FTP de Raymond Mare et de Gilbert Praz étaient entrés en action, neutralisant les Allemands qui travaillaient à la boulangerie de l’Économe et s’emparant de leurs armes. Pendant ce temps, l’armée américaine parcourait la rue Émile Zola où un Allemand, juché sur l’aile d’un camion, fut tué d’une rafale de mitrailleuse. Ils arrivèrent au pont sur l’Yonne. D’abord stupéfaite, la population commença à laisser éclater sa joie, les scènes d’enthousiasme se multiplièrent mais furent bientôt tempérées par la pluie qui commençait à tomber et par les rafales de mitrailleuses des premiers combats.
Parmi les troupes allemandes, ce fut la panique ; tous ceux qui le purent fuirent. La colonne blindée américaine traversa l’Yonne (les deux ponts étaient intacts), puis se divisa en deux et parcourut les principales rues du centre de la ville. Les Allemands qui n’avaient pu fuir s’étaient retranchés dans divers bâtiments publics. Les Américains étaient trop pressés pour les en déloger. Une délégation du Front national rencontra trois officiers américains à la sous-préfecture et les FFI se virent confier la mission de détruire les derniers foyers de résistance allemande. Ce furent donc les FTP, les maquisards du groupe Kléber ainsi que des hommes du groupe Ferry qui n étaient pas partis au maquis avec lui, auxquels s’ajoutèrent des membres de l’Organisation civile et militaire (OCM) qui, entre 16 h et 18 h, réduisirent les îlots de résistance allemande, aidés par les tirs de blindés américains. D’autre part, nombreux furent les hommes qui, au dernier moment, rejoignirent les rangs des FFI.
Les Allemands qui s’étaient retranchés dans la cathédrale ainsi que ceux qui occupaient encore la Feldgendarmerie et la Kommandantur se rendirent facilement. À la Feldgendarmerie avaient été entreposées toutes les armes et les munitions que l’occupant avait saisies dans le Sénonais depuis quatre ans, en particulier les fusils de chasse. Les FFI s’en emparèrent. L’assaut et la prise du bureau de poste furent un peu plus difficiles car les Allemands y étaient mieux armés et offrirent une plus grande résistance. Le collège de filles abritait un groupe d’Allemands qui fut réduit au silence par un coup de canon tiré par un blindé américain. Le Séminaire, bien que gravement endommagé par le dernier bombardement, abritait toujours des troupes d’occupation. Les FFI s’y rendirent avec un blindé américain. Deux d’entre eux, Marcel Nérat et Raoul Desjardins furent tués par un tir allemand, ainsi qu’une vieille dame qui habitait à proximité, Clorine Favot, épouse Huré. Quelques combats eurent lieu au lycée, rue Thénard. C’est au collège de garçons, actuel collège Montpezat, que les combats furent les plus longs. Le car allemand stationné devant la porte principale du collège fut incendié par l’action combinée des grenades lancées par les FFI et d’une fusillade déclenchée par un char américain. Deux civils furent tués au cours de ce combat, Robert Gelé et Alfred Chevaucher. Une douzaine de FFI parvinrent à pénétrer dans la cour, les Allemands se retranchèrent puis peu après décidèrent de se rendre, commandant en tête, suivi par trois capitaines, des sous-officiers et des soldats. En tout, environ quarante à cinquante prisonniers. Vers 18 h les combats avaient cessé. Les officiers américains quittèrent la sous-préfecture.
Le bilan de la journée est donc de 19 morts (2 FFI, 3 civils, un soldat américain et 13 soldats allemands) et une centaine de prisonniers allemands. Il s’alourdit si l’on prend en compte la mort de deux jeunes hommes le lendemain matin sur la route de Soucy, Willem Bos et Jean Dumont, celle de José Gonzalès, FFI blessé mortellement près de Saint-Valérien par un soldat américain qui l’avait pris pour un Allemand, et enfin celle du jeune Jacques Cathelin le 24 août.
Sources

SOURCES : Arch. Mun. Sens. — Témoignages recueillis auprès de la population sénonaise (1984 et 1996). — Articles publiés dans L’Yonne Républicaine et Le Sénonais libéré, en particulier à l’occasion du 1er, du 10e, du 20e et du 25e anniversaire de la Libération. — Bailly Robert, La Croix de Saint-André, ANACR-Yonne, 1981, p. 277-278. Drogland Joël, Histoire de la Résistance sénonaise, Auxerre, ARORY, 2e éd. 1998.

Joël Drogland

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