Monflanquin (Lot-et-Garonne), 8 juillet 1944
Une stèle fut érigée sur la route de Fumel, en mémoire de cinq résistants
Un rapport du capitaine Ordy, commandant le groupe Coldur, a été publié par l’ANACR 47, « Les Cahiers de la Résistance », page 348. Il précise les circonstances des événements :
« F.F.I. du Lot et Garonne
Compagnie N. L. 5
Rapport du Capitaine ORDY
Sur les circonstances de l’engagement du 8 juillet 1944 à Monflanquin (Lot et Garonne)
Chargé de mission de commandement, je partais accompagné du Lieutenant Pierre BOUSQUET et du volontaire C.F.L. GOMEZ, appartenant à ma compagnie, vers le P. C. Départemental où je devais prendre le Lieutenant-Colonel BEREUX, et le Lieutenant GADRIAUT, attachés à l’État-Major. Ces deux officiers étaient également en mission.
Nos missions respectives avaient pour but de contacter les Groupes : DOLLÉ compagnie N.L.1, KLÉBER compagnie N. L. 2, cantonnés dans les communes de LACAUSSADE et SAINT-AUBIN (Lot-et-Garonne) d’une part, et les Groupes F.T.P.F. cantonnés dans le canton de FUMEL, d’autre part.
L’État-Major était sans nouvelles de ces différents Groupes depuis le début de l’occupation par « les boches » le 3 juillet.
Le parcours de mon P.C., région de MONBAHUS, au point de rencontre avec « les boches » s’effectua normalement, et après nous être couverts par les précautions d’usage, et par de nombreuses demandes de renseignements, Monflanquin passé, nous empruntâmes la route de LIBOS par LACAUSSADE, qui est une route non goudronnée. A noter, que les allemands avaient la réputation de ne suivre que les grandes artères et les routes goudronnées, ce qui nous faisait nous sentir en confiance.
A hauteur de la 2ème borne kilométrique, après avoir dépassé MONFLANQUIN, et à moins de 100 mètres de distance, nous nous trouvâmes nez à nez avec 1, 2 puis 3 voitures allemandes, chargées de militaires armés. Ces voitures débouchaient successivement en haut d’une petite cote, et appartenaient à un convoi de 11 voitures, chargées de 100 hommes environ, qui montaient à MONFLANQUIN pour y exercer des représailles.
Il nous fût impossible d’envisager l’abandon de notre véhicule et la fuite, les champs de part et d’autre étaient en plein découvert. Nous décidâmes donc d’essayer de croiser le convoi.
Nous réussîmes en partie, mais après avoir croisé le 5ème véhicule, la fin du convoi nous contraignit à nous arrêter, en nous barrant la route. Quelques secondes d’observation réciproque précédèrent à l’ouverture du feu par « les boches ». Ce feu qui s’exerça à bout portant, était nourri, puisque j’ai eu l’impression que tous les hommes tiraient simultanément en feu croisé contre nous.
Je donnai alors l’ordre à mes camarades, BOUSQUET, GADRIAUT et GOMEZ, de descendre et de riposter avec moi. Le Lieutenant-Colonel BEREUX, blessé mortellement, s’effondra dans la voiture sans prononcer un mot, ceci pendant que avec BOUSQUET, GADRIAUT et GOMEZ nous prenions position à l’abri d’un fossé de 20 cm de profondeur, pour utiliser les quelques cartouches de nos révolvers, et GOMEZ, celles de sa mitraillette.
Les uns après les autres, mes camarades furent réduits au silence par les nombreuses blessures qu’ils reçurent. Moi aussi je dus m’arrêter après avoir tiré les cartouches contenues dans les deux chargeurs de mon révolver. Après un long moment dans ma position couchée, durant lequel les allemands continuèrent leur fusillade, j’entendis une plainte de mes camarades GOMEZ et BOUSQUET, qui eux, pour le moment, n’étaient que blessés.
Le feu cessa enfin, « les boches » criaient comme des fous. Je me hasardais à soulever la tête légèrement , et à jeter un regard, quand je les vis approcher avec mille précautions, révolver au poing, et je pensais qu’ils allaient nous achever. Impuissant à me défendre, je levais les mains pour me rendre. Je fus pris à partie par certains et fortement bousculé. Une dizaine d’autres se dirigèrent vers mes camarades et les exterminèrent en vidant sur eux les chargeurs de leur révolver, les mutilant au point de les rendre méconnaissables et s’acharnèrent sur eux avec férocité. Ils les fouillèrent et emportèrent le contenu de leurs poches, les dévêtirent en partie, arrachèrent leur brassard et les quelques signes qui pouvaient avoir un caractère militaire. Après cela, ils renversèrent sur eux la voiture criblée de balles, tentèrent de l’incendier et lancèrent à l’intérieur quelques grenades.
Pour ma part, je crois d’avoir eu la vie sauve, après ces opérations, au seul fait de l’arrivée d’une 2ème voiture du Groupe KLÉBER, se dirigeant sur MONFLANQUIN, et montée par 4 volontaires ; 2 purent s’échapper, les 2 autres furent repris.
Le convoi était composé de 11 véhicules, voitures légères de l’armée allemande, et de quelques conduites intérieures ou camionnettes. Tous ces véhicules étaient peints aux couleurs de l’armée allemande et portaient un insigne au pochoir à la peinture blanche : une tête de mort devant un char. Cette colonne appartenait à une formation cantonnée à Villeneuve-sur-lot, où elle a séjourné une quinzaine de jours à partir du 3 juillet.
Je fus ensuite emmené comme prisonnier, où pendant 20 jours je subis plusieurs interrogatoires, certains appuyés d’arguments frappants.
Transféré à la Gestapo d’AGEN, je fus ensuite libéré à la demande de la milice de DARNAND, en échange d’un milicien fait prisonnier quelques semaines au par-avant.
Fait à SAINTE – LIVRADE S/ LOT le 15/09/1945 »
- BARNIER Georges ;
- BEREUX Albert ;
- BOUSQUET Pierre ;
- GADRIOT Raymond (alias Leduc) ;
- GOMEZ Adaog.
Un rapport du capitaine Ordy, commandant le groupe Coldur, a été publié par l’ANACR 47, « Les Cahiers de la Résistance », page 348. Il précise les circonstances des événements :
« F.F.I. du Lot et Garonne
Compagnie N. L. 5
Rapport du Capitaine ORDY
Sur les circonstances de l’engagement du 8 juillet 1944 à Monflanquin (Lot et Garonne)
Chargé de mission de commandement, je partais accompagné du Lieutenant Pierre BOUSQUET et du volontaire C.F.L. GOMEZ, appartenant à ma compagnie, vers le P. C. Départemental où je devais prendre le Lieutenant-Colonel BEREUX, et le Lieutenant GADRIAUT, attachés à l’État-Major. Ces deux officiers étaient également en mission.
Nos missions respectives avaient pour but de contacter les Groupes : DOLLÉ compagnie N.L.1, KLÉBER compagnie N. L. 2, cantonnés dans les communes de LACAUSSADE et SAINT-AUBIN (Lot-et-Garonne) d’une part, et les Groupes F.T.P.F. cantonnés dans le canton de FUMEL, d’autre part.
L’État-Major était sans nouvelles de ces différents Groupes depuis le début de l’occupation par « les boches » le 3 juillet.
Le parcours de mon P.C., région de MONBAHUS, au point de rencontre avec « les boches » s’effectua normalement, et après nous être couverts par les précautions d’usage, et par de nombreuses demandes de renseignements, Monflanquin passé, nous empruntâmes la route de LIBOS par LACAUSSADE, qui est une route non goudronnée. A noter, que les allemands avaient la réputation de ne suivre que les grandes artères et les routes goudronnées, ce qui nous faisait nous sentir en confiance.
A hauteur de la 2ème borne kilométrique, après avoir dépassé MONFLANQUIN, et à moins de 100 mètres de distance, nous nous trouvâmes nez à nez avec 1, 2 puis 3 voitures allemandes, chargées de militaires armés. Ces voitures débouchaient successivement en haut d’une petite cote, et appartenaient à un convoi de 11 voitures, chargées de 100 hommes environ, qui montaient à MONFLANQUIN pour y exercer des représailles.
Il nous fût impossible d’envisager l’abandon de notre véhicule et la fuite, les champs de part et d’autre étaient en plein découvert. Nous décidâmes donc d’essayer de croiser le convoi.
Nous réussîmes en partie, mais après avoir croisé le 5ème véhicule, la fin du convoi nous contraignit à nous arrêter, en nous barrant la route. Quelques secondes d’observation réciproque précédèrent à l’ouverture du feu par « les boches ». Ce feu qui s’exerça à bout portant, était nourri, puisque j’ai eu l’impression que tous les hommes tiraient simultanément en feu croisé contre nous.
Je donnai alors l’ordre à mes camarades, BOUSQUET, GADRIAUT et GOMEZ, de descendre et de riposter avec moi. Le Lieutenant-Colonel BEREUX, blessé mortellement, s’effondra dans la voiture sans prononcer un mot, ceci pendant que avec BOUSQUET, GADRIAUT et GOMEZ nous prenions position à l’abri d’un fossé de 20 cm de profondeur, pour utiliser les quelques cartouches de nos révolvers, et GOMEZ, celles de sa mitraillette.
Les uns après les autres, mes camarades furent réduits au silence par les nombreuses blessures qu’ils reçurent. Moi aussi je dus m’arrêter après avoir tiré les cartouches contenues dans les deux chargeurs de mon révolver. Après un long moment dans ma position couchée, durant lequel les allemands continuèrent leur fusillade, j’entendis une plainte de mes camarades GOMEZ et BOUSQUET, qui eux, pour le moment, n’étaient que blessés.
Le feu cessa enfin, « les boches » criaient comme des fous. Je me hasardais à soulever la tête légèrement , et à jeter un regard, quand je les vis approcher avec mille précautions, révolver au poing, et je pensais qu’ils allaient nous achever. Impuissant à me défendre, je levais les mains pour me rendre. Je fus pris à partie par certains et fortement bousculé. Une dizaine d’autres se dirigèrent vers mes camarades et les exterminèrent en vidant sur eux les chargeurs de leur révolver, les mutilant au point de les rendre méconnaissables et s’acharnèrent sur eux avec férocité. Ils les fouillèrent et emportèrent le contenu de leurs poches, les dévêtirent en partie, arrachèrent leur brassard et les quelques signes qui pouvaient avoir un caractère militaire. Après cela, ils renversèrent sur eux la voiture criblée de balles, tentèrent de l’incendier et lancèrent à l’intérieur quelques grenades.
Pour ma part, je crois d’avoir eu la vie sauve, après ces opérations, au seul fait de l’arrivée d’une 2ème voiture du Groupe KLÉBER, se dirigeant sur MONFLANQUIN, et montée par 4 volontaires ; 2 purent s’échapper, les 2 autres furent repris.
Le convoi était composé de 11 véhicules, voitures légères de l’armée allemande, et de quelques conduites intérieures ou camionnettes. Tous ces véhicules étaient peints aux couleurs de l’armée allemande et portaient un insigne au pochoir à la peinture blanche : une tête de mort devant un char. Cette colonne appartenait à une formation cantonnée à Villeneuve-sur-lot, où elle a séjourné une quinzaine de jours à partir du 3 juillet.
Je fus ensuite emmené comme prisonnier, où pendant 20 jours je subis plusieurs interrogatoires, certains appuyés d’arguments frappants.
Transféré à la Gestapo d’AGEN, je fus ensuite libéré à la demande de la milice de DARNAND, en échange d’un milicien fait prisonnier quelques semaines au par-avant.
Fait à SAINTE – LIVRADE S/ LOT le 15/09/1945 »
Sources
SOURCE. Site Internet : Mémorial GenWeb ; ANACR 47.
Frédéric Stévenot