Né le 9 avril 1905 à Moutardon, auj. associée à Nanteuil-en-Vallée (Charente), massacré le 28 août 1944 à Taizé-Aizie (Charente) ; maçon ; victime civile.

Stèle commémorative au village de l'Isle, commune de Taizé-Aizie.
Stèle commémorative au village de l’Isle, commune de Taizé-Aizie.
Crédit : MémorialGenWeb.
Maurice Fairon et Charles Jollit, deux habitants du hameau de l’Isle dans la commune de Taizé-Aizie, furent victimes des représailles allemandes consécutives à une embuscade de la Résistance.
Maurice Fairon était le fils de Émile Fairon et de Léontine née Forestier ; il avait épousé Madeleine Odette Masset, (née en 1910 au Bouchage, Charente) le 1er avril 1929 à Taizé-Aizie. Au recensement de 1936, il demeurait à Aizie avec sa femme et ses trois enfants Roland né en 1931, Éliane en 1932 et Lina née en 1934. Il exerçait la profession de maçon avec son beau-frère Masset. Taizé-Aizie, était une commune de l’extrême nord du département de la Charente, limitrophe du département de la Vienne, non loin de Ruffec et des grandes voies de communication nord-sud, RN 10 et voie ferrée Bordeaux-Poitiers-Paris, et traversée par la route départementale Ruffec-Civray.
Cette position l’exposait à être le théâtre d’affrontements entre maquisards et troupes allemandes à la fin du mois d’août 1944, lorsque ces dernières, après en avoir reçu l’ordre le 19 août, quittaient le sud-ouest de la France et se repliaient vers le nord-est afin d’éviter l’encerclement par les troupes alliées venant de Normandie et du couloir rhodanien.
Les attaques et les sabotages se multiplièrent à Taizé-Aizie et dans les environs. Le 19 août, Antoine Mangane, employé de la SNCF et résistant FTPF, fut arrêté par les Allemands puis exécuté sommairement. Très fortement harcelées par l’aviation alliée et les maquisards sur les voies de communications principales, les troupes allemandes tentèrent de gagner Poitiers en empruntant de nombreuses petites routes, notamment celle reliant Ruffec à Civray et traversant Taizé-Aizie puis, par le pont de l’Isle, la Charente qui délimite les deux départements. Des résistants placés sous les ordres du capitaine Rogez (Organisation de Résistance de l’Armée, ORA de Charente) détruisirent donc partiellement le pont le 26 ou le 27 août, et organisèrent une embuscade à cet endroit.
Le 28, vers 5h30, une colonne de plusieurs centaines de soldats se trouva bloquée devant le pont. Les maquisards postés sur les coteaux dominant la vallée ouvrirent le feu. Les Allemands ripostèrent avec un armement très supérieur et les résistants durent se replier sur le bourg de Lizant. Les Allemands firent sortir alors les habitants du hameau et jetèrent des grenades incendiaires dans les maisons. Un vieillard, Charles Jollit, fut brûlé dans l’incendie de son habitation ; Maurice Fairon fut abattu devant la sienne après avoir été brutalisé.
Une stèle fut érigée à la mémoire de ceux deux victimes dont les noms sont inscrits sur le monument aux Morts de la commune. Les dons des communes et paroisses des alentours et celui de l’évêque d’Angoulême permirent de subvenir aux dépenses de reconstruction du hameau.
Maurice Fairon obtint la mention Mort pour la France.


Son fils Roland a laissé le récit suivant :
“Le lundi 28 août 1944, vers six heures, je fus réveillé par le klaxon d’une automobile qui s’arrêtait en face de notre maison.
“Tout de suite, je pensais au pont que le maquis avait fait sauter la veille pour la deuxième fois.
“A ce moment, maman, visiblement affolée, entra en coup de vent dans notre chambre : “Vite, levez-vous, les Allemands sont arrivés !” Mes deux petites sœurs, réveillées en sursaut, et moi nous nous habillâmes rapidement dans la demi-obscurité. Mes galoches à la main, je courus à la cuisine, près de la cheminée où papa achevait de lacer ses brodequins.
“Maman, qui était allée aider mes sœurs à s’habiller, vint se placer près de nous. Mes sœurs se blottirent contre le lit de mes parents. Dans le silence angoissant qui nous étreignait, nous entendions distinctement des cris et des bruits de bottes. Soudain, un coup de feu nous fit sursauter, puis la fusillade crépita de tous les côtés.
Un coup de canon fit sauter les vitres de notre maison qui s’écroulèrent avec fracas et fit tomber de larges morceaux de plâtre. Bientôt, en miaulant, une balle frappa le dressoir placé en face de la fenêtre et brisa une assiette qui vola en éclats. Les Allemands tirèrent encore six coups de feu à travers notre fenêtre. A quatre pattes, nous nous réfugiâmes dans notre chambre à coucher. Là, nous ne devions pas attendre longtemps ; des heurts violents ébranlèrent notre porte. Mon père tira le verrou et des brutes en habits verts se précipitèrent dans notre demeure. Elles nous firent sortir sous la menace de leurs armes dont nous sentions souvent le canon dans nos côtes. Ils nous conduisirent en direction de la route, nous obligeant à tenir nos bras levés.
“A ce moment, nous aperçûmes de hautes flammes et une épaisse fumée qui s’élevaient d’une extrémité de notre pailler contre lequel notre voisine, la mère G…, était adossée, inconsciente du danger qu’elle courait. Arrivés à la barrière de notre cour, je vis une mitrailleuse braquée dans notre direction. “Ils vont nous mitrailler comme à Oradour !” pensai-je. Mais non, nous passâmes à côté du terrible engin. Sur la route, à notre vue, les Allemands se mirent à parler avec animation, nous regardant d’un air féroce. Enfin, ils conduisirent mon père près de la haie qui borde la route, entre deux camions, et ils nous firent comprendre que nous devions partir. Trouvant que nous n’exécutions pas assez vite cet ordre, un soldat brandit son fusil comme une masse et nous montra, de sa main restée libre, la route jonchée de douilles qui roulaient sous nos pas.
“Terrorisés, ne sachant où nous réfugier, nous partîmes. Nous nous arrêtâmes au “Moulin de l’Isle”, d’où Monsieur B… nous conduisit chez notre tante, au village du Chadeuil. A midi, nous apprîmes que tout notre village était brûlé.
“Ce n’est que le lendemain qu’on vint nous prévenir que mon père avait été fusillé après avoir été sauvagement martyrisé et déchiqueté par les barbares déchaînés.”
Sources

SOURCES : Arch. Dép. Charente (état civil, recensements) — Guy Hontarrède, La Charente dans la Seconde Guerre mondiale, Dictionnaire historique, Saintes, Le Croît vif, 2004, p. 264. — Témoignage de Geneviève Davoigneau sur Vrid-memorial. — Témoignages : Abbé H. Trarieux. Curé de Taizé-Aizie Imprimatur. Angoulême, le 12 Mai 1945, Jean-Baptiste Mégnin Evêque d’Angoulême ; M. Cherprenet, instituteur ; L’embuscade de l’Isle, d’après Jean Queron dans son livre : “Maquisards et Soldats” in Site internet des cyber généalogistes de Charentes –Poitou. — acte de décès communiqué par la mairie de Taizé-Aizie.

Dominique Tantin, Michel Thébault

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