Né le 17 décembre 1923 à Marmande (Lot-et-Garonne), mort des suites de blessures le 30 juillet 1944 à Carcassonne (Aude) ; cuisinier ; résistant du maquis de Nistos des FTPF des Hautes-Pyrénées puis du maquis « Vincent-Faïta » des FTPF de l’Aude (mars 1943-juillet 1944)

André [Jean] Riffaud (1923-1944)
André [Jean] Riffaud (1923-1944)
Cliché André Balent à partir de la photographie publiée dans Lucien Maury, op. cit., 1980, tome 2, p. 254.
Lairière (Aude), monument à la mémoire des FTPF victimes du combat du 26 juillet 1944
Lairière (Aude), monument à la mémoire des FTPF victimes du combat du 26 juillet 1944
Plaque au nom d’André Riffaud [Riffaut].
Cliché : André Balent, 11 novembre 2018
Le patronyme d’André Riffaud est orthographié le plus souvent "Riffaut", en particulier dans les ouvrages de référence de Julien Allaux (op.cit.) et de Lucien Maury (op.cit). Il était né à Marmande où vivaient, porte de Grave, son père, Jacques, alors âgé de vingt-sept ans employé à la Compagnie des Chemins de fer du Midi (plus tard à la SNCF alors qu’il résidait à Carcassonne) et sa mère, Madeleine Baudin, alors âgée de vingt-trois ans.. En 1944, André Riffaud vivait avec ses parents à Carcassonne, 54 avenue du président Wilson, rive droite de l’Aude, à proximité de la Cité. Sa sœur fut agent de liaison de la Résistance. Réfractaire du STO (Service du travail obligatoire) il passa dans la clandestinité et gagna un maquis des Francs-tireurs et partisans français (FTPF) dans les Baronnies (Hautes-Pyrénées). Nous ignorons pourquoi il se rendit dans ce département.
Le maquis de Nistos avait été créé par deux instituteurs de Nistos, (Lucien Rumeau « Louisou » et sa femme) et Joseph Plantat, boulanger de Saint-Laurent-de-Neste (Hautes-Pyrénées). Paul Chastellain alias « Daniel Durand », « Popaul » (1921-1983), ouvrier à Tarbes (Hautes-Pyrénées) et militant communiste clandestin en prit le commandement dès sa création en juillet 1943. Ce maquis — qui après sa fusion, en mars 1944, avec un autre maquis des Baronnies, celui d’Esparros, devint la 3101e compagnie des FTPF — rassembla pour l’essentiel de jeunes réfractaires au STO. André Riffaud, présent dès la création du maquis était l’un d’entre eux. Il prit, au maquis de Nistos, le pseudonyme de « Jean Gabin », un acteur qu’il appréciait alors que son ami de clandestinité pyrénéenne, un autre combattant de ce maquis, un Parisien dont l’identité demeure inconnue avait pris celui de « Michel Simon ». De retour, dans l’Aude et après avoir intégré le maquis « Faïta », Riffaud choisit un nouveau pseudonyme qui faisait la synthèse entre les noms de ces deux acteurs de cinéma : « Michel Gabin ». Tout laisse supposer qu’André Riffaud avait adhéré au parti communiste clandestin.
À une date indéterminée, il gagna son département de résidence, l’Aude, et désireux d’intégrer une formation locale des FTPF, il fut dirigé vers la « haute vallée » de l’Aude, à Limoux où le communiste Joseph Loupia alias « Blücher » était en train depuis l’été 1943, d’organiser les réfractaires au STO et de les regrouper dans un maquis des FTPF, le maquis « Gabriel-Péri ». Mais il se peut que, ayant acquis la confiance des dirigeants clandestins du PC et des FTPF, Riffaud ait été renvoyé dans son département afin de renforcer l’encadrement des FTPF audois ?
Après le départ de Loupia (octobre 1943), d’abord vers le Tarn et l’Aveyron puis le Lot-et-Garonne où il intégra l’état-major départemental des FTPF, ce fut Joseph Alcantara alias « Paul », en dépit de son jeune âge et de son peu d’expérience militaire qui, commissaire aux effectifs (CE) du « triangle » du maquis Gabriel-Péri, en prit la direction, avec comme adjoint André Riffaud, commissaire technique (CT). Pour accéder à de telles responsabilités, ces deux jeunes, forcément membres du PC clandestin avaient la confiance de militants plus âgés et de la hiérarchie régionale du parti. Sa profession, cuisinier, suggère qu’il connaissait déjà Alcantara, lui aussi cuisinier. Se trouvant dans le Kercorb, autour de Chalabre, le maquis « Vincent-Faïta » finit par se stabiliser à la ferme des Roudiès, dans la commune de Montjardin (Aude), à 5 kilomètres du village. Mais, après une attaque (23 mai 1944) d’Allemands amenés à pied d’œuvre par des miliciens (René Bach, l’interprète alsacien de la Sipo-SD de Carcassonne, tortionnaire redouté, était présent), le maquis « Faïta » fut sauvé grâce au jeune Auguste Cathala, de la ferme de Vinsous, qui, invité à conduire la colonne jusqu’à la ferme des Roudiès, préféra être torturé et périr d’une balle dans le dos. Le maquis se regroupa dans les environs de Courtauly (Aude), à la limite de l’Ariège. En juin 1944, une douzaine de ses membres prirent à revers, sans essuyer de pertes, une centaine d’Allemands qui s’apprêtaient à attaquer le maquis de la 5e brigade (Aude) de l’AGE (Agrupación de guerrilleros españoles). Cette diversion permit le repli en bon ordre des guerrilleros.
Mais leur situation devenait précaire dans le Kercorb. Il attaqua depuis ce cantonnement une compagnie allemande qui traquait le maquis de la 5e brigade de l’AGE (Agrupación de gerrilleros españoles). Cette intervention signala encore davantage sa présence.
Les 26 et 27 juillet, le maquis « Vincent-Faïta » fut décapité (mais non entièrement détruit) par les Allemands. Dénoncée, sa présence à Courtauly était connue, sans doute initialement, par la Milice. Il était pourchassé par les militaires allemands et la Milice dans la région de Chalabre (Aude). Le commandement allemand du groupe d’armées G , installé à Rouffiac-Tolosan (Haute-Garonne), donna l’ordre, après le 6 juin 1944, d’attaquer tous les maquis susceptibles d’entraver les communications militaires le long de l’axe Toulouse-Nîmes. L’anéantissement de « Vincent-Faïta », comme celui d’autres maquis indépendamment de leur affiliation, fut donc un des objectifs allemands.
Se sentant traqué dans le Kercorb, Alcantara et son adjoint Riffaud, prirent la décision de déplacer le maquis dans les Corbières. Un groupe de cinq FTPF de ce maquis — Joseph Alcantara, André Riffaud qui conduisait une puissante Ford V8, Gaston Prat, Attilio Donati et Bourges — franchit donc l’Aude et se rendit en reconnaissance dans les Corbières, sur l’autre rive de l’Aude, dans la vallée de l’Orbieu. Ils prospectèrent d’abord le secteur de Villebazy (Aude), puis se dirigeaient plus vers l’est, à Mouthoumet (Aude). Mais les Allemands parcouraient cette partie des Corbières, à la recherche du maquis de Villebazy, de l’AS (le corps franc « Lorraine » commandé par Arnaud). Ils tombèrent donc sur la Ford des FTPF du maquis « Vincent-Faïta ». L’accrochage eut lieu vers 11 heures/11 heures 30, sur les lacets du col de la Loubière au lieu-dit Founroubado à 1 kilomètre au dessus du village de Lairière qu’ils venaient de traverser. Les villageois de Lairière qui venaient d’assister à un enterrement à l’église entendirent les coups de feu. Le véhicule des FTPF fut surpris par un détachement motorisé allemand d’environ quarante hommes. Donati et Prat furent immédiatement fauchés par les balles allemandes. Joseph Alcantara tint tête aux Allemands pendant une dizaine de minutes : depuis un ravin, il ne cessa de tirer contre eux ; blessé, il finit par être tué. Bourges, caché sous la voiture, fut aussi amené à Carcassonne. Il parla sous la torture et, incarcéré à la maison d’arrêt de Carcassonne, il ne trouva la liberté que grâce à la Libération de la ville, le 19 août 1944.
Riffaud, grièvement blessé à la jambe fut également capturé avec Bourges. Il resta trois jours sans soins à Carcassonne et fut finalement amené à la clinique du docteur Brun de cette ville où le chirurgien Pierre Roueylou ne put juguler la gangrène qui l’a terrassé. Il fut amené à la Sipo-SD de Carcassonne et il fut ensuite torturé par la Milice pendant les trois jours où il y séjourna. C’est là qu’il contracta la gangrène qui finalement l’emporta. Pierre Roueylou indiqua qu’André Riffaud fut remis par les Allemands était aussi accompagné à l’hôpital de Carcassonne (l’ancien Hôtel-Dieu, détruit en 1977) par trois miliciens qui le gardèrent pendant son hospitalisation alors qu’un quatrième était en faction à l’entrée de l’établissement, mousqueton au poing. Le chirurgien signala que son patient présentait « une plaie transfixiante de la racine de la cuisse droite. Son fémur est brisé, sa cuisse très oedématisée est déjà porteuse de marbrures typiques bien qu’aucune crépitation gazeuze ne soit encore apparue ». Alors que Roueylou, en contact avec un autre maquis de FTPF audois, celui de Villebazy (Aude) gardait espoir et qu’il avait au point un enlèvement par un groupe de ce maquis, la gangrène se développa et provoqua la mort du jeune maquisard. Le docteur Roueylou reçut ses dernières confidences et livra plus tard, en 1977, un témoignage rempli d’émotion à Lucien Maury, le talentueux et scrupuleux chroniqueur de la résistance audoise (op. cit., 1980, pp. 256-259). Un colonel allemand expliqua au père d’André Riffaut que son fils était mort en en soldat et qu’il n’avoua rien sous la torture. André Riffaud, d’après ce militaire allemand, fut torturé par la Milice de Carcassonne et non l’armée ou la police allemandes. Après la Libération de la ville, il se porta garant de cet officier dont les explications étaient confirmées par ailleurs. Le décès fut enregistré à l’état civil comme ayant eu lieu au domicile familial, 54, avenue du président Wilson.
Les obsèques d’André Riffaud à Carcassonne furent l’occasion de rassembler une foule immense évaluée, d’après Pierre Roueylou, à plus de trois mille personnes, en présence des francs gardes de la Milice. La cérémonie religieuse eut lieu en l’église Saint-Gimer, dans le quartier de la Barbacane de Carcassonne. L’abbé Pons, père aumônier, donna l’absoute et prononça une émouvante oraison funèbre.
Déclaré « mort pour la France » le 2 janvier 1946, André Riffaud fut homologué lieutenant des FFI. Il y a une plaque rappelant son engagement résistant sur sa tombe au cimetière La Conte de Carcassonne. Le nom d’André Riffaud a été gravé sur la stèle commémorative initialement implantée sur les lieux du combat sur le bord de la RD 40. Cette stèle porte l’inscription suivante : « Les amis des FTP de Limoux à leurs camarades [suivent les quatre noms] assassinés par les Boches le 25 (sic) juillet 1944. Ils sont morts pour la France ». La municipalité de Lairière n’admit pas l’inscription « Assassinés par les Boches » (rappelons qu’un membre du maquis « Faïta », l’Allemand antinazi Thomas Helmut fut abattu le lendemain à Courtauly et que cette diatribe anti-boche était pour le moins malvenue). Cette stèle dut donc transférée au pied de l’église du village. Elle fut remplacée, toujours sur le lieu du combat, par un monument où figurent les noms des quatre victimes, dont André Riffaud. Ce monument porte l’inscription : « Les amis des FTP de Limoux à leurs camarades assassinés par les nazis et la milice française le 26/7/1944 ». Sur ce monument sont scellées quatre plaques avec le nom des quatre morts. L’inscription intègre aussi le fait qu’André Riffaut, blessé par une balle allemande a été sauvagement torturé par la Milice de Carcassonne et que ce traitement a provoqué sa mort. Enfin, une rue de Carcassonne, près de la route de Narbonne, sur la rive droite de l’Aude, à proximité de la Cité, porte le nom d’André Riffaud.
Lairière, Source de Fouroubado (26 juillet 1944)
Sources

SOURCES : Arch. com. Marmande, état civil, acte de naissance d’André Riffaud et mention marginale. — Arch. com ; Carcassonne, état civil, acte de naissance de Jean [André] Riffaud et mention marginale. — Julien Allaux, La 2e Guerre mondiale dans l’Aude, Épinal, Le Sapin d’or, 1986, 254 p. [pp. 179-181]. — Serge Fournié, « Maquis du Kercorb », site chalabremetaitconte.pagesperso-orange.fr, consulté le 11 août 2018. — Lucien Maury, La Résistance audoise (1940-1944), tome II, Carcassonne, Comité de l’histoire de la Résistance audoise, Carcassonne, 1980, 441 p. [pp. 151-155, 255-259, p. 395]. — Site MemorialGenWeb consulté le 15 août 2018. — Site maquisftp-jean robert-faita.org consulté le 9 août 2018.

André Balent

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