Né le 24 mai 1924 à Anvers (Belgique), mort en action le 8 juillet 1944 à Vollore-Montagne (Puy-de-Dôme) ; réfugié Juif en Auvergne ; communiste ; résistant au sein des Francs-tireurs et partisans (FTP).

Tombe de David Stern au cimetière juif de Putte (Pays-Bas)
stèle commémorative de Vollore-Montagne.
stèle commémorative de Vollore-Montagne.
Fils d’Isaac Stern, né le 19 mars 1890 à Prezmil (Pologne), courtier en diamants, et de Marie Teitelbaum, nés le 20 mars 1890 en Pologne, David Stern est issue d’une famille juive de nationalité belge demeurant rue du Taureau (Stierstraat) 9 à Anvers (Belgique). La famille vivait modestement avec les grands-parents maternelles, originaires de Pologne et qui eux parlaient exclusivement Yiddish tandis que leurs enfants et petits-enfants parlaient aussi français et néerlandais (flamand). Il avait deux sœurs, Adèle et Augusta dite Gusty, et un frère, Charles. Il fut lycéen à l’Athénée royal d’Anvers.
Au début de l’Occupation, il devait être inscrit à l’école de La Ramée, à Bomal, dans la Hesbaye brabançonne. Cette ferme école fut fondée par la Communauté israélite de Bruxelles pour accueillir la jeunesse juive du pays. Elle s’inspirait des harcharot, fermes-écoles créées sous l’impulsion du mouvement sioniste un peu partout dans la diaspora européenne et qui avaient pour objectif de former des jeunes gens et des jeunes filles au travail agricole, en vue d’une possible émigration vers la Palestine-Eretz Israël. Mais David Stern dut fuir avant même d’avoir rejoint l’école.
Quand leurs parents ont été arrêtés par les Allemands, les enfants ont été prévenus par des voisins non juifs pour qu’ils s’évadent afin de ne pas faire partie des convois complétés par les familles. Ils sont partis de la maison le 2 novembre 1942 avec des faux-papiers, pour la France. D’abord à Paris, puis ils rejoignirent le 9 novembre la zone libre qui le même jour fut également occupée par les Allemands suite au débarquement en Afrique du Nord. Ils furent abandonnés par leur passeur et arrêtés par les gendarmes près de la frontière espagnole. Ils furent alors incarcérés au camp de Gurs (Ariège) le 12 novembre 1942. La vie quotidienne y était particulièrement dure. Puis dix jours après, ils ont été transférés suite à intervention du service social belge dans un autre camp, le 414e GTE (Groupement de travailleurs étrangers) à Châteauneuf-les-Bains (Puy-de-Dôme) dit aussi "camp des Hollandais", créé en mai 1942. Ils ont retrouvé ici de nombreux anversois, dont des cousins. Ce camp concernait au premier chef les Belges, Hollandais et Luxembourgeois qui ne pouvaient subvenir par eux-mêmes à leurs besoins, les autres pouvant être laissés libres. "Il s’agit, pour Vichy, d’y regrouper pour les contrôler tous les étrangers des trois pays concernés qui se trouvent en situation irrégulière (après passage clandestin de la ligne) ou économiquement instable sur son territoire" précise Ruth Fivaz-Silbermann dans sa thèse. On y transfère aussi des nationaux belges et hollandais internés dans les camps de Gurs et de Rivesaltes. Certains des travailleurs étaient détachés chez des employeurs de la région. En août 1942, il devint le « Groupe de rééducation professionnelle n° 2 » (GRP n°2), réservé aux intellectuels de nationalité belge, luxembourgeoise et hollandaise, de sexe masculin uniquement. En réalité, selon Ruth Fivaz-Silbermann, ceux qui y furent affectés furent en grande partie –plus de 50% peut-être– des juifs, et pas tous des « intellectuels ». Il y eut de nombreuses évasions.
David Stern était connu sous le nom de de Witte - de Witte veut dire "le Blanc" car il avait une chevelure blonde presque blanche qui a aussi permis de reconnaitre le corps avant son rapatriement par ses sœurs. La famille avait été envoyée à Châteauneuf en premier lieu parce que David devait y travailler mais comme il était asthmatique, il ne travailla jamais. Sa sœur Gusty, qui a livré un témoignage enregistré en vidéo de cette période, estime que la famille fut bien traitée dans le camp. Les quatre enfants étaient largement désœuvrés. Ils vivaient dans un grand hôtel. Il n’y avait pas d’appels ni barbelés. Le chef du camp était un Juif anversois. A plusieurs moments, il y eut des rafles, d’hommes, c’est pourquoi les deux sœurs partirent travailler sous une fausse identité au sanatorium d’Enval (Puy-de-Dôme). Ici, il y avait une concentration de Juifs non malades qui se cachaient. Craignant une rafle, les deux sœurs rejoignirent le Cantal environ huit mois après être arrivées à Châteauneuf. Le service social juif de Clermont-Ferrand les avait placées à Vic-sur-Cére (Cantal) puis dans l’Allier jusqu’à la Libération.
Le frère cadet Charles, né en 1927, fut lui placé à peu près au même moment, le 2 juin 1943, au Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire), un lieu refuge pour la population juive. Mais il fut arrêté avec ses vrais papiers le 29 juin au foyer universitaire des Roches alors qu’il possédait aussi des faux. Une fois son frère arrêté David Stern a rejoint le maquis.
Juif religieux au départ, il devint communiste. Asthmatique, il fut envoyé de Châteauneuf-les-Bains à l’hôpital de Riom. C’est de là qu’il entra en contact avec le maquis. Il rejoignit les FTP du Puy-de-Dôme à une date qu’on ignore, sans doute courant juin 1943. Il appartenait au maquis de la 10e compagnie, stationnée aux Raillères sur la commune de Vollore-Montagne (Puy-de-Dôme). Il résida également au Moulin-de-Basile à Fournols (Puy-de-Dôme).
Tout en étant au maquis, David put revenir plusieurs fois voir ses sœurs à Enval, venant faire soigner ses plaies au pied par sa sœur Gusty et organisant Shabbat. Il continua de leur donner des nouvelles, par lettres, quand ses sœurs furent réfugiées à Serbannes, dans l’Allier. Selon le témoignage de Gusty, son frère David lui aurait dit que dans les FTP, les étrangers étaient envoyés sur les missions les plus dangereuses.
Il fut tué au combat quand sa compagnie voulut attaquer une patrouille allemande qui s’était arrêtée dans un hôtel de Vollore-Montagne, le 8 juillet 1944. Il y eut dix maquisards tués au combat, ainsi que trois civils abattus par les Allemands. Trois blessés graves, pris les armes à la main, furent emmenés par les Allemands. Un décéda le lendemain dans sa cellule tandis que les deux autres furent portés disparus. David Stern fut tué lors du combat. Il fit partie des trois maquisards dont les corps ont été relevés le lendemain et inhumés au cimetière de Vollore-Montagne. Il a été reconnu “tué à l’ennemi”. Il fut ensuite enterré à Vichy en présence de ses sœurs début octobre 1945.
Son nom, orthographié Sterne, figure sur la stèle commémorative de Vollore-Montagne.
Il ne figure pas sur les listes de FTP établis après guerre pour établir les droits des résistants. En revanche, son nom figure sur l’état des morts ayant appartenu au Camp Gabriel-Péri, réalisé en 1947 pour établir les droits des victimes. Mais là, il est indiqué qu’il serait mort le 27 décembre 1943 lors du combat de Sarpoil où cinq FTP furent interceptés en voiture, quatre fusillés et le cinquième brûlé vif. Or, Stern ne figure pas dans les cinq victimes identifiées. Il a été confondu avec Jean Casanova, non mentionné dans cet état.
Le 18 juillet 1945, le Procureur de la République de Riom demanda qu’une enquête soit menée pour établir l’origine de David Stern et son activité lorsqu’il était à Châteauneuf-les-Bains. La Gendarmerie put établir qu’il avait été, en 1942 ou 1943, membre du Groupe de rééducation professionnelle n°2 (GRP n°2), groupe qu’il aurait quitté selon le maire de Châteauneuf pour rejoindre une école en 1943.
C’est un jugement déclaratif du tribunal de Thiers en date du 2 juillet 1947 qui a permis d’identifier la victime n°20 tuée le 8 juillet 1944 comme étant David Stern. Ce jour-là, l’état civil de Vollore recensa dix victimes parmi les FFI, sans autre distinction.
S’il n’a pas de dossier de résistant, il a un dossier de victime civile, à Caen, particulièrement succint.
Seules ses sœurs Adèle et Gusty ont survécu à la guerre. Charles fut déporté a Auschwitz où il a péri apparemment juste avant la libération du camp. Leurs deux parents sont morts en déportation.
La dépouille de David Stern a été rapatriée après guerre par la Croix-Rouge et il a été enterré au cimetière juif de Putte (Pays Bas) en 1947.
Sources

Sources : Pas de dossier au SHD Vincennes .— SHD Vincennes, 19 P 63/5 : état des morts ayant appartenu au Camp Gabriel-Péri. — AVCC Caen, AC 21 P 400959, dossier victile civile pour David Stern .— "Les 8 et 9 juillet 1944 à Vollore-Montagne" .— Jean Parot, Auvergne. En Livradois 1936-1945. De la liberté à l’oppression, Nonette, Édicentre, 1987, p. 270. — Lettre de David Stern à Lucien Hauser, 4 février 1942 . — Eric Panthou, “Résistants et civils Juifs tués en Auvergne durant la Seconde guerre mondiale : les apports du Dictionnaire des Fusillés”. In. Julien Bouchet (dir.). Résister à la Shoah - Aidants, sauveteurs et Justes, éditions Atlande, 2019, p. 169-190. — Barbara Dickschen, « La ferme-école juive de La Ramée durant l’occupation (avril 1941 – août 1942) », Les Cahiers de la Mémoire Contemporaine, n°6, 2005, p. 79-133 — MémorialGeweb. — Êtat civil Vollore-Montagne. — Jacques I Offen, Salomon Hauser, The story of a Memorial, Bnei Akiva-Tikvatenu, Antwerp, in the Holocaust, Shamayim LTD, Israël, 2010. — Ruth, Fivaz-Silbermann, La fuite en Suisse : migrations, stratégies, fuite, accueil, refoulement et destin des réfugiés juifs venus de France durant la Seconde Guerre mondiale, thèse de doctorat : Univ. Genève, 2017, no. L. 884., p. 96-103 — Témoignage de Gusty Fuchs, sœur de David Stern. USC Shoah fondation->https://sfiaccess.usc.edu/Testimonies/ViewTestimony.aspx?RequestID=c15bf103-7cc4-496e-bca1-761cbaead9d7]. — Mail de David Grun, son petit-neveu, le 8 juillet 2021. — État civil Vollore-Montagne.

Eric Panthou

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