Né le 2 mars 1898 à La Chassagne, commune de Saint-Just (Cantal), massacré le 10 juin 1944 à Ruynes-en-Margeride (Cantal) ; instituteur ; victime civile.

Jean Chalvet était le fils de Marie-Jeanne Chalvet, domestique et fille de cultivateurs. Il avait épousé à Saint-Georges (Cantal) en 1936 Lucienne, Jeanne, Adrienne Andrieux, née à La Valette, fille du garde champêtre de St-Georges ; elle était devenue institutrice en 1929, d’abord à Anterrieux, puis Alleuzet, commune de Les Ternes (1930 à 1934) et enfin Bouzentès, commune de Villedieu (1935 à 1940) où elle avait fait la connaissance de son futur mari, directeur de l’école de Villedieu (Cantal).
Jean Chalvet était instituteur. Après avoir étudié à l’école normale d’Aurillac (1915 à 1917), il a été incorporé le 17 avril 1917 au 53e régiment d’artillerie (puis aux 25e, 16e et 3e d’Afrique basé à Lyon). Il a participé à la campagne contre l’Allemagne jusqu’au 23 octobre 1919 et a obtenu la médaille de la victoire. Démobilisé, il a exercé à Rageade (Cantal) de 1920 à 1922, puis à Villedieu (1922 à 1940). Enfin, le 1er septembre 1940 Jean et Lucienne Chalvet avaient été nommés à Ruynes. Dans son discours du 27 juin 1948, lors de l’inauguration de la plaque apposée sur la façade de l’école de Ruynes, Alexandre Delmas son successeur, a évoqué sa carrière :
« M. Chalvet était à Ruines depuis octobre 1940. C’était après la catastrophe et l’avènement du régime de Vichy. On bouleverse alors toutes les valeurs morales les mieux et les plus solidement établies, on exalte la capitulation, on professe la fatalité de la défaite. M. Chalvet reste fidèle aux principes et au rôle de l’enseignement français : former tout à la fois des hommes, des travailleurs et des citoyens avec tout ce que ces trois mots comportent de véritable noblesse. Vous tous qui l’avez connu, n’était-ce pas le symbole de la bonhomie jointe à la simplicité ? N’était-ce pas le guide le plus sûr, l’ami le plus clairvoyant et le plus compréhensif, dissimulant derrière des apparences modestes une vive intelligence et une culture approfondie, forçant l’admiration de tous par son calme et sa sérénité ? Tempérament pacifique par excellence, mais réalisateur. Au cours de son passage à Villedieu, il avait été l’élément actif de la construction d’un groupe scolaire moderne, gloire de notre région Par là, il a montré une fois de plus que le rôle du maître, sa mission d’éducateur ne se limite pas à sa classe, mais au contraire rayonne dans toutes les activités du pays dans le temps. L’oeuvre de M. Chalvet constitue un exemple. M. Chalvet était secrétaire de mairie. Ici, voulant éviter de formuler un jugement, je laisse à la population de Ruines dont il a été le conseiller avisé pendant 4 ans, le soin de mesurer l’étendue des services rendus avec compétence, avec dévouement, toujours avec bonne humeur. »
Le samedi 10 juin 1944 vers midi, le détachement allemand de reconnaissance n° 1000 Aufklärungsabteilung, 3 compagnies d’Azerbaïdjanais, probablement 2 compagnies du 19e régiment SS de Police de l’ordre, soit 800 à 900 hommes, sous le commandement du chef de bataillon Enns, a quitté Saint-Flour pour monter à l’assaut du maquis du Mont-Mouchet. (Martres)
Dans « A nous, Auvergne ! », Gilles Lévy et Françis Cordet donnent un compte-rendu très précis du passage à Ruynes de la colonne allemande :
« A 14 heures, des coups de feu éclatent sur la route de Saint-Flour (...) ; le jeune Boulet tout essoufflé arrive en criant : "Les Allemands sont là." Les premières victimes civiles, René Claude et Henri Rousseau, viennent d’être abattues sous les yeux du jeune Boulet à moins de deux kilomètres de là. Une colonne allemande d’environ 250 hommes atteint le bas de la côte qui mène au bourg de Ruynes-en-Margeride. Le garde champêtre Vital Boulet donne à son tour l’alarme. Les hommes jeunes et valides se terrent dans les ravins proches. La colonne aborde le village selon des ordres précis. Les Allemands vont s’y livrer à un véritable massacre.
Deux maisons flambent déjà ; dans la première deux enfants malades sont jetés hors du lit. Mme Simone Barlier est abattue dans son jardin ; un peu plus loin c’est le tour de Dominique Tanari, réfugié marseillais de soixante-quatre ans, qui coupe son bois. De toutes les maisons les hommes sont poussés au hasard jusqu’à la fusillade. Avenue de la gare, tombent le percepteur Lucien Fabre et Louis Munery (vingt-cinq ans), gendre du propriétaire de l’hôtel. Plus loin, l’instituteur Jean Chalvet, arraché à son école, est emmené avec Emile Drigout (quarante ans) et le garde-voie Adrien Cosson ; ils sont fusillés à l’entrée d’un pré. » (Lévy-Cordet)
Alexandre Delmas (op. cit.) décrit également cet événement :
« C’était il y a quatre ans, un samedi, le 10 juin. M. Chalvet dirigeait sa classe comme à l’ordinaire. Soudain l’Allemand est signalé. La fusillade commence. (...) La menace s’approche, grandissante. Que faire ? Une lueur brille dans les yeux du maître qui a charge d’âmes, de ces enfants, seule ressource vivante et espoir du pays. Mettre ces jeunes innocents à l’abri. Aussitôt les élèves de M. Chalvet prennent le chemin de la cave. Là, ils seront protégés contre les balles. Quelques instants après, tandis que la tuerie continue, tandis que la peur et l’angoisse se lisent sur tous les fronts, les brutes teutonnes trouvent M. Chalvet dans le couloir, l’arrachent à ses élèves, l’arrachent à sa fidèle épouse et, arrivés au bout de la rue, le tuent à bout portant. »
Jean Chalvet avait 46 ans.
Son acte de décès porte la mention "Mort pour la France".
Son nom est gravé sur la plaque apposée dans l’église de Ruynes en "hommage aux victimes de Ruines sauvagement assassinés par les Allemands le 10 juin 1944", ainsi que sur le monument commémoratif des fusillés, à la mémoire des 26 martyrs de la commune. Il est également gravé sur le monument de la Résistance à St-Flour (Cantal) et sur le monument aux Morts de St-Georges. Une plaque a été apposée sur la façade de l’école publique "Jean Chalvet" de Ruynes-en-Margeride.
Sources

SOURCES : .Eugène Martres, Le Cantal de 1939 à 1945 - Les troupes allemandes à travers le Massif Central, Cournon, De Borée 1993 . — Gilles Lévy, Francis Cordet, A nous, Auvergne !, Presses de la Cité, 1974. — Jean Favier, Lieux de mémoire et monuments du souvenir. Cantal, 1940-1944, Aurillac, Association des Maquis et Cadets de la Résistance du Cantal, 2007. — Les Allemands dans la région de Saint-Flour (Mai - août 1944), Témoignages des Instituteurs et des Institutrices collectés par M. Louis Bac, édition établie par Jean Favier avec l’aide des Archives Municipales de Saint-Flour (M. Gilles Albaret, directeur et Mme Lydia Lucchi), éditions de l’Association du Musée de la Résistance d’Anterrieux, janvier 2017 . — État civil, registres matricules (AD 15) . — MémorialGenWeb.

Patrick Bec

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