De mai 1943 à août 1944, les Allemands fusillèrent dix-huit résistants dans ce camp des environs d’Angoulême.

Inauguration du monument le dimanche 13 janvier 1946 par Maurice Thorez, ministre d'Etat.
Inauguration du monument le dimanche 13 janvier 1946 par Maurice Thorez, ministre d’Etat.
Crédit : CRRL et Conservatoire de Résistance et de la Déportation, Thouars (Deux-Sèvres).
Histoire du site
Créé à la fin du XIXe siècle, le camp militaire de La Braconne, situé sur la commune de Brie, comprenait des baraquements pour héberger environ un bataillon de soldats, un champ de tir de 3 km sur 500 m pour les essais des canons de l’artillerie, ainsi que de vastes espaces pour les manœuvres des troupes.
De septembre 1939 à juin 1940, il a servi de camp d’internement où ont été emprisonnés 992 ressortissants allemands et autrichiens ou apatrides. Dès novembre 1939, cet effectif tombait à 182 après le travail des " commissions de criblage ", qui libérèrent souvent l’un des époux des couples franco-allemands. En mai 1940, l’effectif remonta aux alentours de 500 quand, sous la pression de l’opinion publique, les autorités jetèrent à nouveau dans les camps les Allemands résidant sur le sol français, souvent d’ailleurs émigrés antifascistes. Les immigrés italiens les rejoignirent lorsque l’Italie déclara la guerre à la France, le 10 juin 1940. Ils seront libérés 15 jours plus tard par la Wehrmacht. Les antifascistes allemands, quant à eux, avaient déjà rejoint Nîmes et le sud-est de la France, certains pour gagner l’Amérique, le Mexique ou les Etats-Unis, d’autres pour disparaître dans la clandestinité.
Durant l’été 1940, 5 000 prisonniers des troupes coloniales, des Noirs, ont été regroupés au camp de La Braconne en attendant d’être transférés à l’automne dans le département des Landes. Un groupe fut maintenu à la fonderie de Ruelle pour l’exécution des basses besognes. Les troupes allemandes occupèrent le camp de façon périodique, surtout quand la division SS Totenkopf fut présente dans la région, du début octobre 1942 à la fin janvier 1943. A la fin de l’Occupation, des éléments de la 158e DI, chargés de préserver l’occupant des incursions des maquisards, s’installèrent dans ce camp. Lorsque le maquis Bir’Hacheim se présenta devant le camp le 31 août 1944, il le trouva vide.
C’est près du camp qu’ont été fusillés les résistants charentais condamnés à mort, lors des audiences du tribunal militaire des 30 avril 1943, 22 décembre 1943 et 8 janvier 1944. Les pelotons d’exécution avaient été formés par un détachement SS, le 5 mai 1943, et par le peloton de Feldgendarmerie, le 15 janvier 1944. Dans le camp militaire même ont été fusillés deux maquisards, le 25 août 1944, après le combat des Arnauds. Après leur exhumation, les corps des fusillés de La Braconne ont été rassemblés au camp militaire, le 24 septembre 1944.


Les fusillés
Le 5 mai 1943 furent fusillés six résistants du 1er groupe de résistants communistes existant en Charente (condamnation à mort du 30 avril 1943) :
BARRIÈRE André
BERNARD Paul
GALLOIS René-Jean
MICHEL René
NEPOUX Marc, Roger
NEPOUX Marcel
Le 15 janvier 1944 furent fusillés dix autres résistants, membres de I’OCM (Organisation civile et militaire), des FTPF (Francs-Tireurs et partisans français), du Front national pour la Liberté et l’Indépendance :
BAUD Marcel
BERQUE Amédée
CAMUS Pierre
CORBIAT Raymond
GABORIT Pierre
GEOFFROY Robert
GILLARDIE René
JEAN Armand
LOUVEL Francis
VANDEPUTTE Gérard
Le 26 août 1944, furent exécutés sommairement deux résistants de la Brigade RAC de l’Armée secrète capturés la veille à Ruelle-sur-Touvre (Charente) :
DUBREUIL Adrien
ROUBIGNÉ


Le lieu de mémoire
Dès la Libération, naquit un projet de construction d’un monument pour perpétuer le souvenir des Charentais fusillés à La Braconne, les 5 mai 1943 et 15 janvier 1944. Ce fut l’entrepreneur de Mansle, Jean-Guy Landraud, officier du maquis FTP (Francs-Tireurs et partisans) de Chabanais et l’architecte Pierre Laliard, tous deux anciens élèves des Beaux-Arts à Paris, qui mirent au point le projet : un mur d’une quinzaine de mètres de longueur, rappelant celui au pied duquel on fusille. Dans cette magnifique clairière de La Braconne, les deux hommes ont voulu se servir des matériaux du pays. Le monument fut donc construit en pierre de Vilhonneur et en granit du Confolentais, matériaux fournis gratuitement par les entreprises. Une équipe de jeunes maçons fut détachée du régiment Bernard. Pour couvrir les frais, une souscription fut lancée sous le contrôle d’un comité, dont le président était le maire de Brie. Le monument fut inauguré le dimanche 13 janvier 1946 devant plus de 10 000 personnes par Maurice Thorez, ministre d’Etat.
Dix-huit résistants ont été fusillés à La Braconne, à quelques mètres à droite du monument. Les noms de quinze d’entre eux, fusillés les 5 mai 1943 et 15 janvier 1944, figurent sur le mur. Le nom de l’un des fusillés du 15 janvier n’a pas été gravé, pour des motifs discutés aujourd’hui par certains historiens ou responsables de la Mémoire. Le comité a autorisé la gravure du nom de René Chabasse, tué, lui, sur le boulevard qui porte aujourd’hui son nom à Angoulême. Les noms des deux résistants exécutés sommairement le 26 août 1944, Dubreuil et Roubigné, ne sont pas mentionnés, probablement parce que leur exécution n’était pas encore documentée.
Deux cérémonies continuent d’honorer ce sacrifice : le 15 janvier et le dimanche le plus proche du 5 mai. La reconnaissance officielle de la République a été proclamée par Yves Guéna, le 7 mai 2000.
Sources

SOURCES : CD-Rom La Résistance en Charente, Association pour des Études sur la Résistance Intérieure (AERI), L’Association Résistance mémoire Communication Angoulême Charente, Corinne Bony, Jean-Pail Chauvaud, Francis Cordet, Joël Giraud, Guy Hontarrède, Louis Lamaud, Jean Lapeyre-Mensignac, Hugues Marquis. 2005. — Site de l’association pour le Souvenir des Fusillés de la Braconne. — MémorialGenWeb.

AERI Charente, Dominique Tantin

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