Née le 20 février 1935 à Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), massacrée le 10 juin 1944 à Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) ; victime civile.

Denise Hébras
Denise Hébras
crédit : Robert Hébras
maison Hébras, Oradour-sur-Glane
maison Hébras, Oradour-sur-Glane
crédit : Isabel Val Viga
Lieu de supplice Grange Laudy, Oradour-sur-Glane
Lieu de supplice Grange Laudy, Oradour-sur-Glane
crédit : Isabel Val Viga
plaque famille Hébras, cimetière Oradour-sur-Glane
plaque famille Hébras, cimetière Oradour-sur-Glane
crédit : Isabel Val Viga
Denise Hébras était la fille de Jean (né le 28 février 1881, à Luchapt, Haute-Vienne), électricien, et de son épouse Marie-Louise née Mérigout* (née le 3 mars 1893, à Saint-Bonnet-de-Bellac), couturière. Ses parents s’étaient mariés le 11 décembre 1920 à Bussière-Poitevine.
Le couple résida successivement à Saint-Barbant, puis à Bussière-Poitevine et enfin, à partir de 1925, à Oradour-sur-Glane où Jean Hébras exerçait la profession de monteur-électricien.
Elle était la cadette d’une fratrie de quatre enfants, Juliette Odette (née le 18 mai 1919, à Saint-Barbant) épouse de François Foussat, Georgette* (née le 20 janvier 1922, à Bussière-Poitevine), Robert (né le 29 juin 1925, à Oradour-sur-Glane).
« Dans le courant de la nuit du 19 au 20 février, des gémissements et des voix me tirèrent du sommeil. Je reconnais tout de suite celle du docteur Desourteaux*. Je ne comprenais pas ce qui se passait car personne n’était malade chez nous. Soudain, un cri de douleur résonna dans toute la maison. C’était ma mère. Je me dressai dans mon lit, éclatants en sanglots. Odette et Georgette* étaient elles aussi réveillées. Elles se levèrent pour me consoler : ’’Robert, n’ai pas peur, nous allons avoir un petit frère ou une petite sœur...’’ (…) Ma maman était assise dans son lit, tenant dans ses bras le bébé : ’’Comment s’appelle-t-elle ?’’... ’’Denise* ’’ (…) je fuis autorisé à lui poser un baiser sur le front. Depuis le matin, je trouvais qu’elle s’était embellie. Je l’aimais déjà beaucoup. (…) La venue de Denise* provoqua quelques changements dans nos habitudes de vie. Ses pleurs nous réveillaient souvent en pleine nuit. Je na comprenais d’ailleurs pas qu’on puisse manger aussi fréquemment. Il m’a fallu aussi la garder, ce qui m’empêchait quelques fois de jouer avec mes camarades. Par contre, j’adorais la bercer pour la calmer et l’endormir. Bref, Denise* était maintenant parmi nous, tenant une place très importante dans note cellule familiale. »
La famille Hébras était domiciliée au Bourg d’Oradour-sur-Glane.
Son père, échappa au massacre, le 10 juin 1944, il était parti conduire des vaches avec la famille Georges à Saint-Victurnien où il y avait une réquisition de bétail par les Allemands.
Son frère fut conduit à la grange Laudy, blessé, il réussit à s’échapper. Il fut l’un des cinq rescapés de la grange Laudy.
« (Jean Hébras) Il était venu vivre à Oradour-sur-Glane lorsqu’on lui avait proposé de prendre la direction d’une des équipes chargées de l’entretien de la ligne électrique du tramway. (…) En 1925, suite à l’affectation de mon père, ce fut le déménagement pour Oradour. Jean s’y était rendu quelques semaines auparavant afin de trouver un logement pour eux et leurs deux filles, Odette et Georgette*. Après avoir visité quelques maisonnettes, il avait finalement arrêté son choix sur l’appartement de Mr Chalard*, le chef d’équipe qu’il remplaçait, ce dernier ayant été muté à Limoges pour occuper une fonction plus importante. (…) C’est dans cet appartement que je vis le jour, le lundi 29 juin 1925, très précisément à treize heures. Ma venue obligea ma famille à se mettre en quête d’un logement plus spacieux, destinés à nous accueillir puisque nous étions désormais cinq. Mes parents louèrent alors une maison à la sortie du Bourg pendant quelques mois, près du café de Mme Dagoury* et, finalement, se fixèrent dans un logement agréable de la rue principale, à l’embranchement de la route de Saint-Junien. (…) Un couloir séparait en deux la maison où nous habitons. A droite vivait Mme Marguerite Desroches* et, au premier étage, Mme Compain (décédée avant le drame) la mère de l’unique pâtissier d’Oradour. Quant à nous, nous occupions toute la partie gauche. Au rez-de-chaussée, se tenait la salle à manger éclairée par une large baie vitrée, côté rue. Cette pièce avait été une épicerie. La cuisine donnait dans le jardin. A l’emplacement de la cheminée murée, trônait majestueusement une cuisinière à bois, qui, l’hiver faisait office de chauffage. Un petit évier, taillé à même la pierre, permettait à ma mère et mes sœurs de laver la vaisselle. Pare contre, nous devions sortir dans le jardin pour prendre l’eau à la pompe. Une table en bois rectangulaire, des chaises et un buffet constituaient le mobilier de la cuisine. Dans la salle à manger, une très belle horloge comtoise égrenait sans cesse le temps de son tic-tac régulier et semblait veiller sur le haut buffet et la table. Près de la fenêtre, la machine à coudre permettait à ma mère de faire du travail à façon pour le compte des marchands de tissus Jean* et François* Dupic. Au fond du couloir, un escalier desservait le premier étage où nous avions deux chambres. L’une était réservée à mes deux sœurs, l’autre était celle que je partageais avec mes parents. Lorsque Mme Compain, notre voisine, décéda, papa loua sa pièce et m’y installa. »
« (…) Elle s’installa à la table de la salle à manger et se mit à coudre. Beaucoup de femmes Radounaudes effectuaient ce travail chez elles pour le compte de fabriques de Saint-Junien. L’activité économique de la ville était en effet fondée sur la tannerie et la ganterie. Ces ouvrières à domicile étaient en contact avec des dépositaires, personnes qui distribuaient aux femmes des villages des gants à coudre et qui, une fois le travail terminé, les récupéraient pour les remettre à l’entreprise commanditaire. Ces dépositaires étaient également chargés de payer chacune de ces ouvrières à demeure. Chaque semaine, ma mère se rendait donc chez l’un deux pour rendre ou reprendre des gants qu’elle transportait dans une ’’cravate’’, sorte de pièce de tissus noir. Lorsque cette activité, quelque peu irrégulière, ne l’occupait pas suffisamment, elle cousait des édredons, des draps et des torchons pour la maison Dupic, marchands de tissus à Oradour. Ces travaux à domicile représentaient un plus non négligeable dans le budget familial, arrondissant les fins de mois qui étaient souvent difficiles. »
« Robert Hébras était employé dans un garage à Limoges (…) au moment où je pars, mon chef d’atelier me dit : ’’Robert, tu as entendu ce qui s’est passé ? Rentre chez toi, on verra plus tard, on attend que ça passe et on te fera signe !’’ (…) Normalement je n’aurais jamais dû être à Oradour ce 10 juin. (…) Les deux autochenilles se sont arrêtées en haut du village, des SS ont sauté des véhicules qui sont redescendus dans les rues. Lorsqu’ils sont repassés devant chez moi, ma mère et ma sœur sont sorties elles aussi. C’est alors que nous avons vu deux SS qui descendaient des deux cotés de la rue, et faisaient sortir tous les habitants de leurs maisons pour les rassembler. (…) Tout le village s’est retrouvé sur le champ de foire que des hommes armés encerclaient. (…) On était là, debout, avec les mitrailleuses braquées sur nous. Je suis allé embrasser Denise*, ma petite sœur. Elle n’avait que neuf ans et j’avais senti qu’elle avait peur. Elle était là, avec les élèves de l’école de filles et l’institutrice, qui consolait de son mieux tous ces enfants. (…) J’essayais d’apercevoir ma mère et ma sœur qui partaient. Lorsque je réussis à les voir dans la foule, elles me regardaient. Je sentais que ma mère avait peur : elle était beaucoup plus inquiète pour mon sort que pour le sien. (…) Dans mon groupe, nous étions entre cinquante et soixante. Ils nous ont dirigés vers la grange Laudy dans laquelle nous sommes entrés. (...) Nous, nous discutions de choses et d’autres, assis dans la paille. A un moment l’un d’entre eux a fait le tour de notre groupe et nous a demandé de nous lever. Dès qu’il est revenu à l’entrée de la grange une détonation a retenti dans le village : c’est le signal. On commença de fusiller les hommes dans les granges. Ils faisaient feu sur nous et tout le monde est tombé. (…) Après la fusillade, je me souviens que j’étais couché par terre avec le bras sur la tête, j’ai certainement voulu me protéger inconsciemment. De nombreux corps étaient au dessus de moi, j’ai rapidement ressenti un liquide chaud qui coulait sur moi : je me suis rendu compte que c’était du sang... si j’ai survécu, c’est parce que mes malheureux compagnons me firent, en mourant, un rempart de leurs corps. (…) Nous étions recouverts de foin, de fagots. (…) j’ai entendu un bruit de bottes. Les Waffen-SS revenaient. Ils ont mis le feu à l’entrée de la grange, et les flammes ont progressé lentement avant de m’atteindre. (…) Je suis revenu sur mes pas, je suis allé dans une grange voisine, par une autre porte qui était en face de moi. (…) je me suis caché dans une étable à cochons. (…) Tout est allé très vite ensuite, nous sommes passés d’une range à l’autre, d’un clapier à un autre. (…) J’ai donc quitté Marcel, traversé la place en courant le plus vite possible pour rejoindre l’enclos (…) Une fois que j’ai réussi et que je me suis rendu compte que les Allemands n’étaient plus là, j’ai fait des signes à Marcel pour qu’il comprenne que la voie était libre. (…) J’ai pensé aller chez ma sœur Odette : elle habitait à quelques kilomètres d’Oradour, sur la commune de Veyrac, au village de Pouyol. J’étais persuadé de retrouver là-bas, mes deux sœurs et ma mère que je n’avais pas revues depuis la veille, ainsi que mon père qui aurait eu l’idée d’aller chez elle. Notre maison avait brûlé, nous n’avions plus rien. Au alentours de 20h30, mon père a donc décidé de faire un saut jusqu’à Oradour à vélo, il s’est approché de l’église et a vu des corps calcinés qui brûlaient encore. (…) Mon père m’a amené à Oradour le samedi suivant … Là, j’ai réalisé ce qui s’était passé. Pendant le massacre, je n’avais rien vu : je n’avais pensé qu’à me sauver. »
Elle fut victime du massacre perpétré par les SS du 1er bataillon du 4e régiment Der Führer de la 2e SS-Panzerdivision Das Reich et brûlée dans l’église avec sa mère et sa sœur Georgette et l’ensemble des femmes et des enfants d’Oradour-sur-Glane.
Denise Hébras obtint la mention « Mort pour la France » par jugement du tribunal de Rochechouart du 10 juillet 1945.
Son nom figure sur le monument commémoratif des martyrs du 10 juin 1944 à Oradour-sur-Glane.
Son père et son frère, seront des habitants du village procisoire.
Juliette Odette, s’était mariée et habitait le village de Pouyol, à Veyrac, elle décède le 2 octobre 2006 à Veyrac.
Son frère Robert, est entré dans le maquis fin juin début juillet 1944, il à rallié le groupe de Fromental, sur la commune de Cieux, puis au 63e régiment d’infanterie comme mécanicien. Démobilisé en septembre 1945, il est revenu à Oradour-sur-Glane. Il sera témoin au procès de Bordeaux en 1953 et de Berlin en 1983. Il ouvrit un garage dans le nouvel Oradour.
Son père décède le 16 mai 1975 à Saint-Junien, il sera inhumé à Oradour-sur-Glane près de sa famille.
Voir Oradour-sur-Glane
Sources

SOURCES : Liste des victimes, Centre de la Mémoire d’Oradour-sur-Glane. — Guy Pauchou, Dr Pierre Masfrand, Oradour-sur-Glane, vision d’épouvante, Limoges, Lavauzelle, 1967, liste des victimes, pp. 138-194. — MémorialGenWeb. — Archives État civil de la Haute-Vienne, actes de naissances, mariages, décès, recensements, registre de matricule militaire. — André Desourteaux et Robert Hébras, Oradour-sur-Glane, Notre Village assassiné, éditons CMD (p7 à p13, p31). — Robert Hébras avec Laurent Borderie, Avant que ma voix ne s’éteigne, éditions Elytel (p47, 61 à 81).

Dominique Tantin, Isabel Val Viga

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