Né le 27 novembre 1870 au hameau de Tauvert, commune de Bourg-Lastic (Puy-de-Dôme), massacré par les Allemands le 15 juillet 1944 à Bourg-Lastic ; fileur de lin puis cafetier ; maire et conseiller général radical-socialiste de Bourg-Lastic ; civil exécuté en représailles.

Plaque commémorative à la mairie de Bourg-Lastic
Fils de Jean, menuisier et cultivateur et Catherine Marie Breuil, ménagère, Pierre Chassagny épousa Marie Eugène Tixier, issue d’une commune du canton, Savennes, en 1896. Ils eurent deux fils, Eugène Henri et Henri Marcel dit « Ritou ». Il a eu un service militaire en service auxiliaire (pour "faiblesse") et il ne fut pas mobilisé en 1914. Son livret militaire indique en 1890 qu’il avait pour profession "fileur". Il était vraisemblablement lisseur de lin. En effet, il y avait un moulin non loin de Tauvert, le lieu de naissance de Pierre Chassagny, appelé à époque « moulin de l’étang » où l’on filait le lin.
Pierre Chassagny fut ensuite cafetier et horloger au « café du Centre » à Bourg-Lastic. Il devint maire de ce village en 1935 et fut également conseiller d’arrondissement sous l’étiquette radical-socialiste, battant en 1937 le candidat socialiste de quelques voix au 1er tour. Durant la même décennie, il traversa des épreuves familiales puisqu’il perdit sa femme en 1935, son frère, de deux ans son aîné, en 1936, et son fils Eugène vers 1940. Son fils Ritou fut probablement fait prisonnier de guerre en 1940 et envoyé en Allemagne en captivité.
En 1944, âgé de 73 ans et infirme, il vivait à son domicile avec sa bru Andréa, l’épouse de Ritou. Des éléments motorisés de la Wehrmacht (brigade Jesser) bouclèrent Bourg-Lastic le dimanche 9 juillet 1944 vers 20h00. Aussitôt ils chargèrent Pierre Chassagny, en sa qualité de maire, de faire rassembler en 30 minutes la population masculine sur la place du village. A l’issue, ils enfermèrent plus de quarante otages dans la salle du conseil municipal de la mairie. Pierre Chassagny n’était pas de ceux-là. L’arrivée de troupes de répression allemandes à Bourg-Lastic était une conséquence directe de l’embuscade menée le vendredi 7 juillet contre un convoi de ravitaillement du 95ème régiment de sécurité, composé d’une petite trentaine de soldats allemands se rendant de Clermont-Ferrand à Ussel, leur ville de garnison. Cette attaque, opérée par des résistants corréziens et auvergnats, s’était déroulée à cinq kilomètres à l’ouest de Bourg-Lastic dans les gorges de la rivière Chavanon matérialisant la limite des départements de la Corrèze et du Puy-de-Dôme. Le bilan de l’attaque fut très lourd pour l’ennemi : 22 (ou 23) soldats tués, des prisonniers, des véhicules et le ravitaillement du convoi récupérés par les assaillants.
Les enquêtes et arrestations opérées par les troupes allemandes dans le but d’établir la participation « d’éléments réfractaires » à l’embuscade du 7 juillet se déroulèrent du lundi 10 au jeudi soir 13 juillet à Bourg-Lastic et Messeix essentiellement. Les interrogatoires et le tri des otages furent menés à la mairie de Bourg-Lastic par des membres du Sicherheitsdienst à partir du 10 juillet, dont Martin Hector. Celui-ci, de nationalité allemande, parlait français et connaissait bien le village et ses habitants, y compris le maire, pour y avoir séjourné avant-guerre. En particulier, Pierre Chassagny fut interrogé le lundi 10 juillet à partir de 22h00. On lui reprocha d’avoir été complice de la Résistance en participant à la cérémonie patriotique du samedi 8 juillet. Celle-ci avait consisté en un dépôt de gerbe au monument aux morts, une montée des couleurs et un défilé en armes de la 2ème compagnie des FFI de la zone 3 dont nombre étaient de Bourg-Lastic. A l’issue de son interrogatoire, Pierre Chassagny fut libéré et de retour à son domicile vers 4h00 du matin, il déclara à sa bru Andréa : « On me reproche d’avoir assisté à la manifestation du maquis. Il y en a qui ont parlé, je ne sais pas comment nous allons nous en tirer ».
Le samedi 15 juillet à 04h30, Martin Hector se présenta au domicile de Pierre Chassagny. Sa bru fut mandatée pour aller le réveiller immédiatement. Il fut prétexté par Martin Hector une demande de renseignements requérant l’absence du maire de son domicile pour une très courte durée. Emmené de chez lui en pantoufles et avec sa canne puisqu’il pouvait difficilement marcher, Pierre Chassagny fut alors conduit au camp militaire de Bourg-Lastic. Il y fut fusillé avec 22 autres otages entre six et sept heures du matin. Mis à part Pierre Chassagny complice actif de la Résistance et quatre otages pour lesquels nous n’avons pas les informations pouvant attester leur appartenance à la Résistance, tous les otages fusillés ce jour-là étaient des combattants de la Résistance.
En début d’après-midi du 15 juillet, Martin Hector donna publiquement lecture du nom des otages qui venaient d’être fusillés. Lors de leur énumération, qui avait principalement pour but de passer les consignes au sujet de l’inhumation des otages exécutés, Hector Martin ajouta la mention « assassin » après avoir prononcé le nom de Pierre Chassagny. Une seconde victime eut droit à cette « distinction » : Maurice Piedpremier, chef militaire de la Résistance à Bourg-Lastic qui avait effectivement participé à l’embuscade contre le convoi allemand le 7 juillet au Chavanon.
Dans une attestation datée du 25 novembre 1951, Robert Gayton, ancien Résistant de la 2ème compagnie de la zone 3, interrogé à Bourg-Lastic à partir du 11 juillet et déporté « politique » à Dachau, certifie que Pierre Chassagny a « aidé les maquisards de la zone III des FFI d’Auvergne en leur fournissant des fausses cartes d’identité, en leur donnant des cartes d’alimentation, en les abritant sur le territoire de la commune ». Pierre Chassagny aurait, toujours d’après Robert Gayton, été à l’initiative de la manifestation patriotique du 8 juillet à Bourg-Lastic et aurait lui-même monté les couleurs lors du dépôt de gerbe.
Pierre Chassagny a été déclaré mort pour la France. Son nom est inscrit sur une pierre au centre de la stèle du monument érigé en hommage aux otages fusillés en 1945 au camp militaire de Bourg-Lastic, sur le monument aux morts de Bourg-Lastic ainsi que sur une plaque commémorative apposée à l’entrée de la mairie de Bourg-Lastic en 2009.
Sources

SOURCES : SHD Vincennes, GR 16 P 122743 : Dossier d’homologation de « Déporté Interné Résistant » de Pierre Chassagny.— AVCC, AC 21 P 725886 : Dossier de la demande de statut de « Déporté Interné Résistant » de Pierre Chassagny (non consulté). AVCC Caen, AC 21 P 704913 : Attestation de R. Gayton du 25 novembre 1951 relative à P. Chassagny au sein du dossier de la demande de statut de « Déporté Interné Résistant » de L. Beaulaton.— Arch. Dép. du Puy-de-Dôme, AD63 908 W 626 déposition du 9 octobre 1947 d’Andréa Chassagny née Prévost .—Renseignements de Michelle Serre .— MémorialGenweb .— geneanet .— état civil.

Laurent Battut

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