Né le 8 mars 1910 à Bonnegarde (Landes), fusillé comme otage le 15 décembre 1941 à Caen (Calvados) ; ouvrier cuisinier ; syndicaliste, membre du conseil syndical des cuisiniers ; militant communiste du IIIe arrondissement de Paris, résistant.

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Henri Darracq
Collection Jean Quellien
Henri, Luce et Claude Darracq
Henri, Luce et Claude Darracq
Fils de petits propriétaires cultivateurs qui avaient trois enfants (deux garçons et une fille), Henri Darracq, titulaire du certificat d’études primaires avec la mention B, entra en apprentissage à l’âge de douze ans comme chasseur au Grand Hôtel de Biarritz. Deux ans plus tard, ne voulant pas être « domestique », il commença à travailler comme apprenti cuisinier. Quatre ans plus tard, il fit des « saisons » à l’hôtel Miramar de Biarritz (1928) et de Cannes (1929) et des « extras » à Paris où il s’installa finalement en mai 1931.
Après son service militaire effectué à Bordeaux (Gironde), il revint dans la région parisienne, d’abord à Montrouge (Seine, Hauts-de-Seine), où il donna son adhésion au Parti communiste en 1934, puis dans le IIIe arrondissement de Paris, il habita avec son épouse au 94 boulevard Sébastopol, puis au 3 rue Sainte Anastase (IIIe arr.). Candidat communiste aux élections municipales de mai 1935 dans le IIIe arrondissement, Darracq recueillit 531 voix sur 3 724 inscrits et 3 153 votants, puis au second tour 1 104 suffrages et fut battu de justesse. Ses qualités de propagandiste et d’organisateur le firent désigner comme secrétaire de la section du IIIe arrondissement. Il fut délégué aux conférences régionales de Paris-Ville en 1935 et 1937 et à la conférence nationale du parti en 1937.
Henri Darracq avait adhéré au syndicat autonome des cuisiniers de Paris, luttant pour l’affiliation à la CGTU. Avec Jean Laffitte, il créa le syndicat CGT de l’hôtel Lutétia. Il siégeait au conseil syndical CGT des cuisiniers. En 1936 et 1937, il fut l’un des animateurs des grèves des cuisiniers, activité qui provoqua son licenciement. Il travailla de 1936 à la fin 1938 comme cuisinier au restaurant coopératif géré par Maurice Tréand, « La Famille nouvelle » au 173 boulevard de la Villette à Paris (XIXe arr.). « Longtemps il connut la misère du chômage, jusqu’à ce qu’il entre à l’hebdomadaire Regards » comme cycliste, lisait-on dans la Voix du 3e, le 1er avril 1945. Il dirigea en effet un comité de chômeurs.
Mobilisé, au mois d’août 1939, au 257e Régiment d’infanterie, puis envoyé en Algérie et en Tunisie comme cuisinier où il fut nommé dans un mess des officiers, Henri Darracq demanda à être muté à l’« ordinaire ». Avant d’être libéré le 28 août 1940 à Tunis (Tunisie), il avait rencontré Jean Poulmarch et André Miremont dans un esprit de reprise de l’action communiste. De retour à Paris, sa première préoccupation fut de réorganiser clandestinement la section du IIIe arrondissement et par la suite de mettre sur pieds les premiers groupes armés de l’Organisation spéciale (OS). En avril 1941 la famille demeura 47 rue Saint-Merri, toujours dans le IIIe arrondissement. Il était, en mai 1941, responsable sur plusieurs arrondissements de Paris.
Le 30 août 1941 vers 18 heures 30, un brigadier des gardiens de la paix du commissariat Saint-Vincent-de-Paul (Xe arr.) habillé en bourgeois remarquait la présence de deux hommes (Henri Darracq et Paul Vaguet) qui parlaient à proximité d’un avertisseur de police. Il remarqua que l’un d’eux (Vaguet) relevait les cotes de l’avertisseur qu’il notait sur un carnet. Ils allèrent ensuite à l’angle du boulevard de la Chapelle et de la rue Louis-Blanc où ils parlèrent avec deux autres hommes. Le brigadier et un gardien de la paix les appréhendèrent sur le pont Louis Blanc, Henri Darracq jeta à terre un papier froissé qu’un policier ramassa. Sur le papier chiffonné, un rendez-vous « Mocquin demain 11 h 60 faubourg Saint-Denis ou lundi 18 h 30 même endroit ». Un inspecteur se rendit au rendez-vous… personne ne se présenta.
Interrogé, au commissariat Henri Darracq se déclara sans domicile. Quant à Vaguet, il affirma ignorer que Darracq était communiste. Henri Darracq donna son adresse 24 heures plus tard. Accompagné de policiers, il ouvrit la porte de son logement situé au 3e étage du 47 rue Saint-Merri, son épouse était là. Les policiers perquisitionnèrent son modeste logement composé d’une chambre, d’une petite cuisine et d’un débarras. Ils notèrent n’avoir trouvé « aucun document ayant trait à la propagande communiste », même le matériel électoral des municipales de mai 1935 avait disparu. Furent saisis « des livres à tendance communiste, mais anciens Le Capital de Karl Marx en cinq volumes, La Galice sous la botte de Franco, édité en 1938... » Un policier nota que les ouvrages n’avaient « aucun intérêt pour l’enquête » mais saisis pour destruction. Les policiers soupçonnèrent Henri Darracq d’avoir tardé à donner son adresse, afin que sa femme ou une autre personne fasse disparaître la propagande, il affirma avoir tardé à donner son adresse parce qu’il craignait que son épouse fut inquiétée.
Incarcéré à la Santé, Henri Darracq était sorti de sa cellule le 8 septembre 1941, entendu par un juge d’instruction, celui-ci tenta à plusieurs reprises de lui faire reconnaître son engagement dans la résistance. Il nia, déclara sur procès-verbal : « Je me refuse formellement à faire toute déclaration au sujet des faits qui me sont imputés.
Je n’ai pas à vous faire savoir si j’ai repris de l’activité au sein du parti communiste.
Je ne conteste pas qu’au moment où j’ai été appréhendé, j’ai jeté à terre un papier. Je ne me souviens pas comment ce papier m’est venu entre les mains. En tout cas, je ne crois pas que ce soit Vaguet qui me l’ait donné.
Je ne savais pas que Vaguet avait repris de l’activité. Je n’ai eu aucun rapport politique avec lui. C’est tout à fait par hasard que je l’ai rencontré le 30 août ».
Il fut condamné le 8 octobre 1941 par la Section spéciale de Paris à quinze ans de travaux forcés. Envoyé pour purger sa peine à la prison de Caen en novembre, il a été fusillé le 15 décembre 1941 avec douze de ses camarades à la caserne du 43e Régiment d’artillerie de Caen, en représailles aux attentats commis à Paris contre l’armée allemande. Il laissa trois lettres simples, confiantes, courageuses à sa femme, à son fils Jean (né le 16 mai 1939) et à sa fille Claude (née le 5 mai 1940).
Son épouse Lucette Laboujonnière était née le 20 novembre 1907 à Magnac-Laval (Haute-Vienne). Ils s’étaient unis en décembre 1938. Employée des PTT, elle se syndiqua en 1929, adhéra au PCF en 1936 et fut la secrétaire du député communiste du IIIe arrondissement, André Mercier. Après l’arrestation de son mari, elle devint agent de liaison de l’Union des syndicats CGT de la région parisienne. Dirigeante syndicale de la Section fédérale Paris-Interurbain à la Libération, elle figura sur la liste des candidats aux élections législatives de novembre 1946 dans la IIIe circonscription de Paris et resta une active militante communiste. Elle mourut en 1997 à Limoges.
Les obsèques solennelles de Henri Darracq eurent lieu le 21 juillet 1945 au cimetière municipal d’Ivry-sur-Seine.
Son fils Jean Darracq, pupille de la Nation, refusa dans une lettre au président Coty de janvier 1957, comme cent trente fils de martyrs, de faire son service militaire sous les ordres du général Speidel, commandant en chef des troupes terrestres de l’Otan. Ce général colonel en 1941 adjoint de Otto Von Stülpnagel commandant des forces d’occupation avait participé à la mise en place de la répression en 1941 et 1942 et se retrouvait au titre de l’Otan commandant de l’Armée française intégrée dans l’alliance (voir pour plus de détails la biographie de Louis Marty). Sursitaire, il fit son service militaire en 1963 en Mauritanie après les instructions de Jacques Chaban Delmas, ministre de la Guerre en 1958 qui avait reconnu les motifs de ce refus et décidé d’affecter les fils de fusillés et déportés signataires hors du commandement de l’Otan en territoire d’outre-mer. Jean Darracq devint secrétaire de l’Association des familles de fusillés.
Henri Darracq fut déclaré Mort pour la France et décoré de la Croix de Guerre 1939-1945 avec palme à titre posthume le 3 novembre 1964. Son nom figure sur des plaques au carré des fusillés du cimetière municipal d’Ivry, rue Sainte-Anastase à Paris (IIIe arr.), sur le monument aux morts de la commune de Bonnegarde (Landes). Henri Darracq a été homologué Interné résistant.
Sa fille Claude, se maria en 1961 avec Norbert Gentil, fils du fusillé Aristide Gentil.
Son fils Jean, est président de l’Association des familles de fusillés.
Sources

SOURCES : AN Z/4/8 (dossier 97). – Arch. PPo. BS GB 59, 77W 1731. Bureau Résistance, GR 16 P 158140. – RGASPI, Moscou, 495 270 2465 : autobiographie du 17 novembre 1937, une fiche d’évaluation. – DAVCC, Caen. – J. Quellien (sous la dir.), Livre mémorial des victimes du nazisme dans le Calvados, op. cit.La Voix du 3e, 1er avril 1945, 1er mai 1945, 29 novembre 1946. – La Voix des cuisiniers, no 33, août 1947. – Renseignements communiqués par Jean Darracq en 1984, 2007 et 2015.

Iconographie
ICONOGRAPHIE : Centre de Recherche d’histoire quantitative, Livre Mémorial des victimes du nazisme dans le Calvados, Conseil général du Calvados, 2004, p. 62.

Jean-Pierre Besse, Daniel Grason, Claude Pennetier

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