Né le 25 juillet 1923 à Clichy-la-Garenne (Seine, Hauts-de-Seine), mort le 14 décembre 1943 à Paris (XVIIe arr.) ; photograveur ; résistant FTP, l’un des acteurs de la lutte armée communiste sur Paris ayant la plus grande longévité dans l’action.

Sous l’Occupation, Jean Debrais, dont le père était employé de bureau, était toujours domicilié chez ses parents 24 rue d’Orsel à Paris (XVIIIe arr.). Ces derniers ignoraient ses adresses dans la clandestinité. Membre du Centre laïque des auberges de jeunesse, il fut recherché par la police dès le début de 1941. Il entra « officiellement » à l’Organisation spéciale en novembre 1941, devint l’un des chefs de groupe et en prit la direction après le départ en Province de Pierre Georges (futur Colonel Fabien).
Il fut l’un des acteurs ou l’un des organisateurs de très nombreuses actions : vol de 30 kilos d’explosifs en novembre 1941 dans une carrière entre Creil et Chantilly, attentat du 28 janvier 1942 contre une brasserie du faubourg Montmartre, attentat du 22 février 1942 contre un camion allemand à Paris (XVIIIe arr.), attentat du 1er mars 1942 contre une école où était installé un cantonnement allemand rue Tanger au cours duquel un soldat allemand fut tué, l’engin n’explosa pas, tentative d’attentat place Wagram à Paris le 8 mars 1943. Il fut l’un des trois résistants qui échappèrent aux arrestations de mars 1942.
Il était avec Victor Rousseau le 11 mai 1942, ils déposèrent de fortes charges explosives dans le sous-sol du central des PTT au 103 rue de Grenelle, à 15 heures 50 une violente explosion se produisit occasionnant des dégâts importants. Toujours avec Victor Rousseau, il mena une action le 29 mai 1942 à 11 heures 43, une explosion se produisit au café-tabac boulevard du Palais (IVe arr.), l’engin tua un garçon de café. Un mandat d’arrêt était émis pour sa participation à la destruction de voies ferrées le 23 février 1943 à Montargis, un second mandat d’arrêt émanant avait été émis le 5 mars 1943. Il a participé à un attentat contre la caserne des gardes à Courbevoie, à une tentative d’assassinat contre Albert Vassart et, avec Roeckel, il avait tué le chef adjoint de la Brigade spéciale 2, Tissot.
La police écrivait : « Chef terroriste très dangereux, auteur de plusieurs attentats, toujours armé et se sachant recherché. Peut être entouré d’autres terroristes chargés d’assurer sa protection. »
On le retrouva responsable d’un groupe spécial des FTP dans l’inter-région parisienne, groupe chargé de la destruction par sabotage des voies ferrées mais aussi d’autres actions contre les collaborateurs. Il assura la direction de ce groupe spécial jusqu’à l’hiver 1943 et fut alors remplacé par François (Franz) Roeckel (Rageac). Ce retour à la base intervint, semble-t-il, à la suite d’un désaccord avec Roeckel.
Jean Debrais, avait à quatre reprises échappé à l’arrestation et qui, à la dernière tentative en date à Malakoff, avait tiré sur les inspecteurs, était recherché. Un FTP interpellé, sévèrement tabassé au cours de son interrogatoire parla, il avait rendez-vous avec Jean Debrais. Quatre inspecteurs de la BS2 furent chargés par Henocque de se rendre le 14 décembre 1943 au Square Louis XVI, en vue d’appréhender le nommé Jean Debrais dit Roger avec lequel Eugène Cas devait avoir rendez-vous à 17 heures.
Jean Debrais était sur place, l’un des inspecteurs le ceintura, il réussissait à se dégager et à prendre la fuite par la rue d’Anjou, il aurait dans le même temps mis la main dans la poche intérieure de son veston.
Un inspecteur aurait prononcé la sommation réglementaire : « Halte police ! ». Debrais se serait retourné pistolet à la main. Un policier tira dans sa direction à trois reprises, touché il s’affaissa à la hauteur du 35 rue d’Anjou. Le car Police-Secours transporta Jean Debrais à l’hôpital Marmottan, un interne constata sa mort d’une balle au cœur.
Furent saisis sur lui un pistolet automatique calibre 6,35 mm approvisionné ; une boîte d’allumettes contenant huit cartouches 6,35 mm ; deux fausses cartes d’identité l’une au nom de Pierre Roger Régnier né le 25 juillet 1918 à Clichy (Seine) revêtue des cachets de la Préfecture de police, l’autre au nom de Daniel Henri Dessalle, né le 25 juillet 1918 à Clichy demeurant 8 rue des Réservoirs à Versailles, portant le cachet de la Police d’État de Versailles ; une carte d’identité de la SNCF au nom d’André Plisson né le 25 juillet 1918 à Clichy, demeurant 36 rue Carnot à Alforville ; une carte de membre actif du P.U.C. au nom de Debrais ; une carte de bicyclette au nom de Pierre Leroy, demeurant 12 rue du Belvédère à Palaiseau, portant le cachet de la police de Seine-et-Oise ; une carte d’alimentation au nom de Régnier portant le cachet de la mairie du XXe arrondissement ; deux plans dessinés sur deux feuilles de papier transparentes portant l’empreinte de cachets officiels ; six feuilles d’autorisation de transport portant le cachet de Nogent-sur-Marne ; deux bons d’achats en blanc portant le cachet de la mairie du XXe arrondissement ; plusieurs cartes d’alimentation (viande, matières grasses, pain) et deux vignettes pour le renouvellement de la carte de tabac.
Dans son portefeuille mille cinq cent soixante-sept francs et soixante-dix centimes étaient découverts et mille cinq cents francs dans un second portefeuille. D’autres objets furent saisis : une clef, un couteau, une lime à ongles, des photographies, deux portes cartes vides et une serviette en moleskine.
Le père de Jean Debrais, Émile, employé de bureau, reconnut le corps de Jean Debrais son fils le 16 décembre 1943 à l’hôpital Marmottan. Il a été entendu par la police, il déclara : « Mon fils avait quitté le domicile paternel en avril 1942, et depuis nous étions restés sans nouvelles de lui, sa mère et moi. »
« Depuis que notre fils nous a quittés, nous n’avons jamais rien su de son domicile et de ses occupations. »
Émile Debrais son père, témoigna le 1er février 1945 devant la commission rogatoire chargé d’entendre les victimes de l’activité de l’inspecteur L. l’un de ceux qui était rue d’Anjou. Il déclara : « Le 16 décembre 1943, j’ai reçu une note du Commissariat de police du quartier de la Madeleine, m’enjoignant de me présenter à l’hôpital Marmottan aux fins de reconnaître mon fils qui y était décédé. Effectivement j’ai bien reconnu mon fils, ensuite je me suis rendu au commissariat de la rue d’Anjou où ma femme et moi avons été reçus par le commissaire. »
« Nous avons demandé au commissaire dans quelles circonstances mon fils avait trouvé la mort, il nous a déclaré qu’il avait été abattu au moment de son arrestation par des inspecteurs, je lui ai demandé le motif de cette arrestation, à ce moment le Commissaire nous a dit « Laissons les sentiments de côté et il parait que vous saviez ce que votre fils faisait ». Ma femme et moi avons dit que nous étions dans l’ignorance complète des agissements de notre fils qui nous avait quittés depuis 18 mois environ pour se rendre en zone libre. Le Commissaire nous a informés que notre fils faisait partie d’un groupe « terroriste communo-gaulliste » et qu’il avait plusieurs attentats à son actif et qu’il était porteur d’un revolver. »
« Je serais désireux de rentrer en possession des objets dont mon fils était porteur au moment de son arrestation. »
« Je porte plainte contre les inspecteurs qui ont procédé à l’arrestation de mon fils et contre celui ou ceux qui ont tiré sur lui. »
Jean Debrais fut homologué à titre posthume lieutenant des Forces françaises de l’intérieur (FFI) et Interné résistant.
Deux plaques commémoratives honorant sa mémoire ont été posées :
Au 35 rue d’Anjou à Paris (VIIIe arr.), « Ici est tombé en service commandé Jean-Roger Debrais lieutenant FTPF sous les balles des policiers français de la brigade spéciale au service de l’ennemi le 14 décembre 1943 à l’âge de 20 ans. »
Place Suzanne Valadon sur la façade extérieure de l’École primaire spéciale privée Valadon à Paris (XVIIIe arr.), « Dans cette école Jean Roger Debrais a appris l’amour de la patrie – Jeune FTPF il est mort pour elle le 14 décembre 1943 sous les balles de l’ennemi – Il avait vingt ans. »
Sources

SOURCES : Arch. PPo. BS2 carton 28 (transmis par Gérard Larue), PCF carton 15 rapport hebdomadaire des Renseignements généraux du 20 décembre 1943. – 77 W 5349-292008, KB 64, BA 1747, BA 1752. – Bureau Résistance GR 16 P 162444. – Jean-Marc Berlière, Franck Liaigre, Le sang des communistes, les bataillons de la jeunesse dans la tourmente, automne 1941, Fayard 2004 – Jean-Marc Berlière, Franck Liaigre, Liquider les traîtres, la face cachée du PCF 1941-1943, Robert Laffont, 2007. – Frédéric Charpier, Les RG et le parti communiste, op. cit., p. 50-51 (publie un rapport sur sa mort le 14 décembre 1943 à 17 heures, tué d’une balle dans le coeur par des policiers de la BS2. – Fiches de police de l’occupation (Arch. PPo.) concernant les militants communistes recherchés, communiqué par Guillaume Bourgeois. – Site internet GenWeb.

Jean-Pierre Besse, Daniel Grason

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