Neuf hommes ont été sommairement exécutés le 10 juin 1944 par les éléments de la division SS Das Reich. L’un d’eux laissé pour mort, a pu survivre. Sept résistants ou civils furent exécutés au lieu-dit Pentens. Les deux autres le furent en bordure de la route nationale 125

Martres-Tolosane (Haute-Garonne), bois de Pentens
Martres-Tolosane (Haute-Garonne), bois de Pentens
Stèle des fusillés du 10 juin 1944 érigée sur le lieu de l’exécution.
Photographie : André Balent, 26 juillet 1944
Martres-Tolosane, un bourg du Comminges :
Martres-Tolosane est une commune du Comminges, arrosée par la Garonne dans son cours dans le piémont pyrénéen. Elle est limitrophe du bourg de Boussens et de la commune de Roquefort-sur-Garonne (Haute-Garonne) situées à la confluence du Salat, un affluent dont le bassin versant correspond au Couserans (partie occidentale du département de l’Ariège). La vallée du Salat, entre Boussens et Saint-Girons (Ariège), est un axe de communication. En plus de la route (RN 117, aujourd’hui RD 117), existait alors un tronçon de la ligne de chemin de fer aujourd’hui déposée de Boussens à Foix.
Martres-Tolosane avait 1266 habitants en 1936 (dernier recensement avant la Seconde Guerre mondiale).
Martres-Tolosane, lieu de répression allemande dans le cadre de l’opération de la division SS Das Reich contre le maquis ariégeois de Betchat (FTPF) et celui de Cazères (Haute-Garonne) dépendant de l’AS, dans la vallée du Salat entre Boussens et Saint-Girons et dans la vallée de la Garonne dans les environs de Cazères et de Boussens :
Après le débarquement allié en Normandie, le 6 juin 1944, l’état-major allemand du groupe d’armées G commandé par le général Johannes Blaskowitz, installé au nord de Toulouse à Rouffiac-Tolosan (Haute-Garonne) décida sécuriser les communications stratégiques entre le Bassin Aquitain et la Méditerranée. Pour cette raison, il décidé d’éradiquer les maquis des Pyrénées (Ariège, Aude et Pyrénées-Orientales) et de leur piémont ainsi que ceux du sud du Massif Central (Tarn, Aveyron, Aude, Hérault, Gard, Lozère. Du mois de juin au mois d’août 1944, les forces allemandes de ces départements entreprirent des opérations contre les maquis de toutes les obédiences. Elle décidèrent aussi de « châtier » des populations civiles coupables ce connivences multiples avec les maquis. Ces opérations furent d’autant plus brutales que les unités engagées l’avaient été précédemment sur le front de l’Est, contre l’Armée rouge. C’était le cas de la 2. SS-Panzer-Division « Das Reich » durement éprouvée dans les combats contre l’Armée rouge (en particulier la troisième bataille de Kharkov, février-mars 1943 et la bataille de Koursk, juillet-août 1943). Elle fut mutée en France, au printemps 1944, dans la région toulousaine afin de reconstituer ses forces et, accessoirement, de participer à la lutte contre la Résistance et les maquis (Voir : Miremont (Haute-Garonne), 5 mai, 14 mai ; 2 juin 1944).
À partir du 10 juin 1944, quatre compagnies (environ six cents hommes) du 3e bataillon du 3e régiment blindé de grenadiers Deutschland de la division « Das Reich » commandé par le lieutenant-colonel SS Günther-Eberhard Wisliceny — cantonnées pour la plupart au sud de Toulouse, le long de l’axe reliant cette ville à Foix et aux frontières espagnole et andorrane autour de Vernet et Auterive (Haute-Garonne) —, la 9e (sous-lieutenant Philipp, muté le 4 juin à Castelmaurou (Haute-Garonne) et remplacé par le sous-lieutenant Seibert), la 10e (lieutenant Gross), la 11e (capitaine Hollmann) et la 12e (capitaine Hans Eckert) compagnies furent chargées de s’attaquer aux maquis du piémont pyrénéen de l’Ariège, de la Haute-Garonne et de la partie occidentale des Hautes-Pyrénées. Le commandant SS Helmut Schreiber qui était à la tête du 3e bataillon du régiment Deutschland était le responsable des opérations punitives contre les maquis et les populations civiles en Haute-Garonne, Ariège et Hautes-Pyrénées.
Partie le matin, la colonne se scinda à Saint-Martory (Haute-Garonne). Un détachement prit la direction de Fabas (Ariège). Un autre prit comme objectif Marsoulas (Haute-Garonne), après avoir laissé la RN 125 à Boussens. Ces deux détachements se séparèrent à leur tour en plusieurs groupes dont il est difficile de reconstituer exactement les itinéraires et la chronologie de leurs exactions. L’objectif principal de tous ces groupes était le village ariégeois de Betchat, siège d’un maquis redouté qui s’était distingué pendant les semaines précédentes par ses coups de main dans le Comminges, le long de la vallée de la Garonne et des axes routier et ferroviaire reliant Toulouse à Tarbes. Pendant cette journée du 10 juin les détachements de la division Das Reich semèrent la terreur entre Cazères, Boussens et Saint-Girons.
La 10e compagnie se distingua par le massacre de vingt-sept civils à Marsoulas et d’autres exactions isolées. Ce fut elle qui se rendit coupable des exécutions sommaires de Martres-Tolosane.
Les exécutions de sept hommes, résistants ou civils à Pentens :
Michel Goubet (op. cit.) ne parle pas seulement des SS de la division Das Reich. En ce qui concerne les otages exécutés à Pentens, il évoque un groupe de militaires allemands venus de Saint-Girons (Ariège), accompagnés de policiers de la Sipo-Sd et de la Milice de cette ville. Selon lui, les fusillés de Pentens à Martres-Tolosane, y ont été amenés dans la camionnette qu’ils réquisitionnèrent après avoir arrêté Vincent Laffite et Charles Boubila. Toutefois, Guy Penaud dans son ouvrage sur la division Das Reich(op.cit., 2005) et Claude Delpla, historien de la Seconde guerre mondiale en Ariège, dans diverses notes manuscrites, impliquent implicitement dans ces enlèvements des éléments de la colonne de la Das Reich. Le véhicule automobile qui avait conduit les otages à Pentens fut retrouvé à proximité du lieu d’exécution avec les pneus crevés.
Quoiqu’il en soit, les otages furent fusillés à Pentens vers 21 heures par des éléments de la 10e compagnie du régiment Deutschland de la 2 SS Panzer Division « Das Reich » commandés par le lieutenant Gross (Penaud, op. cit., p. 386).
Ils étaient au nombre de sept :
Charles BOUBILA
Stanislas DUDKOWSKI
Valentin LAFFITE
Aimé LOUBON
Joseph ROUMENS
Claude SALMON
un inconnu
Deux d’entre eux étaient des résistants avérés : Aimé Loubon, membre du Corps franc Pommiès (ORA) et Claude Salmon, également membre du Corps franc Pommiès, mais aussi agent du réseau Alliance.
Les autres étaient vraisemblablement tous des civils, y compris, peut-être l’inconnu qui n’a pas été identifié.
Charles Boubila, Valentin Lafitte et Joseph Roumens résidaient en Ariège, dans le Couserans. Roumens qui habitait Perpignan (Pyrénées-Orientales) avait eu la mauvaise idée de se réfugier dans un petit village couseranais, Fabas. Les autres habitaient des communes du Comminges (Haute-Garonne) proches de Boussens.
Les exécutions de Ferdinand Nougué et de W. Brussilowski :
La colonne de la division Das Reich sema aussi la terreur à Salies-du-Salat (Haute-Garonne). Après avoir perquisitionné chez l’ancien maire (socialiste SFIO, démis par Vichy) de la commune, Ferdinand Nougué âgé de quatre-vingts ans, des soldats trouvèrent trois jeunes de la commune qui s’apprêtaient à rejoindre un maquis (Robert Marbrel, dix-huit ans ; Jean Rives, dix-neuf ans ; Lucien Trubert, vingt-et-un ans). Ils s’emparèrent des quatre hommes et, au passage, d’un voisin de Nougué, W. Brussilowski, Russe, ancien combattant de la Première Guerre mondiale. Ils furent amenés à 5 kilomètres, à Saint-Martory (Haute-Garonne) — localité où ils considéraient que la police française était passée du côté des « terroristes » — où ils se livrèrent à une mascarade… macabre puisque les trois jeunes, invités à s’enfuir, furent tués par une rafale de mitrailleuse.. Ils se dirigèrent ensuite à Martres-Tolosane. Brussilowski fut abattu sur le bord de la RN 125, touché par plusieurs balles. Les Allemands considérèrent qu’il était mort. Un peu plus loin, toujours sur le bord de la même route, ils exécutèrent Ferdinand Nougué. Ces deux exécutions eurent lieu vers 23 heures à l’entrée ouest de Martres-Tolosane.
Brussilowski n’avait été que blessé. Baignant dans son sang, il reçut les premiers soins du médecin de Martres-Tolosane, le docteur André Courtade, avant d’être envoyé à l’hôpital de Saint-Gaudens (Haute-Garonne) où il fut pris en charge par un résistant, le docteur Bergès.. Peu avant la salve fatidique, il s’était adressé à ses bourreaux : « J’ai compris que tout était perdu. C’est alors seulement qu je leur ai dit ce que j’avais dans le cœur, toute ma haine et tout mon mépris. À ma question de ce qu’ils allaient faire de moi, l’un d’eux m’a dit : que voulez-vous qu’on fasse de vous , des conserves ? »
NOUGUÉ Ferdinand
(BRUSSILOWSKI W., laissé pour mort, a survécu)
Sources

Arch. dép. Ariège, 64 J 23, fonds Claude Delpla, diverses notes manuscrites de Claude Delpla, d’après des archives et des témoignages. — Michel Goubet, « La répression allemande et milicienne dans la vallée du Salat et aux alentours. 10 et 11 juin 1944 » in La résistance en Haute-Garonne, CDROM, Paris, AERI (Association pour des études sur la résistance intérieure). — Guy Penaud, La « Das Reich » 2e SS Panzer Division, préface d’Yves Guéna, introduction de Roger Ranoux, Périgueux, La Lauze, 2e édition, 2005, 558 p. p. 386, p. 521.

André Balent

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