Bellevue-La-Montagne (Haute-Loire), 18 août 1944
18 août 1944, les troupes allemandes stationnées au Puy (Haute-Loire), en repli vers Saint- Etienne, affrontèrent les maquisards du Camp FTP Wodli, l’un des plus importants et actifs de la région.
En juillet et août 1944, sous le commandement du colonel Gévolde, les Forces Françaises de l’Intérieur avaient multiplié les engagements contre les troupes allemandes au nord de la Haute-Loire. Les Francs-tireurs et partisans du camp Wodli étaient parmi les plus actifs ; au mois d’août, Wodli allait rassembler près de 1000 hommes, certains arrivés de fraîche date, notamment après les combats du Mont-Mouchet.
A l’été 1944, la garnison allemande du Puy comptait environ un millier d’hommes dont 300 Tatars de la Volga. A la mi-août, les officiers attendaient l’ordre de quitter le Puy pour rejoindre Lyon et le nord de la France. Un premier départ de 800 personnes - des militaires et miliciens et leurs familles - eut lieu le 18 août. Vers 11 heures, un premier convoi prit la direction de Saint-Paulien (Haute-Loire) par la montée de l’Ermitage et la nationale 102 pour rejoindre Saint-Etienne (Loire) ; un second allait suivre vers 18 heures. L’État-Major des FFI alerté dès la première heure, décida d’une part de tenter de fixer au Puy les soldats restants, d’autre part de harceler les colonnes en retraite. Les troupes allemandes, avec des voitures lourdement chargées et des camions en état médiocre, avançaient lentement, ralenties par le sabotage de ponts qui les contraignaient à modifier fréquemment leur itinéraire.
Au matin du 18 août, Théo Vial-Massat, commandant du camp Wodli, avait pris le train à Craponne-sur-Arzon (Haute-Loire), pour participer à une réunion de l’Inter-Région FTP à Saint-Etienne. Vers 14 heures, à la Chaise-Dieu (Haute-Loire), son adjoint Antoine Angéli dit John, fut informé qu’une colonne allemande se dirigeait vers Bellevue-la-Montagne. Une première escarmouche avait eu lieu à Saint-Geneys-près-Saint-Paulien (Haute-Loire) où un détachement FTP avait dû décrocher sous les tirs de mortiers avec un blessé dans ses rangs. John décida de tendre une embuscade à l’ennemi. Une trentaine de maquisards grimpèrent dans un autocar tandis qu’une traction-avant Citroën et une moto ouvraient la route. Au centre de Bellevue-La-Montagne, John prit contact avec le commandant Lombard et le lieutenant Massard, tous deux FTP et sur leurs indications, le car s’engagea sur la route du Puy tandis que la voiture et la motocyclette repartaient vers la Chaise-Dieu pour mobiliser des renforts.
Trois hommes étaient installés sur le toit du car avec un fusil-mitrailleur. John, Cellou et Bernard Capuano dit Adrien, étaient juchés sur le marchepied à droite du chauffeur, les autres occupaient les sièges. A la lisière d’un champ moissonné, ils voulurent descendre et rejoindre un bosquet qui leur servirait d’abri. Trahison ou carence d’informations sur les positions de l’ennemi ? Les allemands étaient déjà là et ouvrirent le feu. John, gravement blessé, appela ses hommes au repli et tenta de les couvrir avec sa Sten ; pour ne pas être pris vivant, il se logea une balle dans la tête. Un petit groupe, dont Adrien, réussit à se sortir d’affaire en louvoyant entre les gerbes de blé et rejoignit le village.
Dix maquisards étaient morts au combat, de très jeunes engagés dans la Résistance et leurs deux lieutenants Antoine Angéli et Marcel Thévenet. Leurs funérailles accompagnées par une foule nombreuse se déroulèrent le 19 août 1944 à la Chaise-Dieu (Haute-Loire).
Dans les jours qui suivirent, les sabotages de voies de communication et les échauffourées s’accentuèrent. Les hommes du Camp Wodli étaient fatigués et exsangues. Des plateaux du Velay et Forez allaient cependant converger les soldats FFI . Le 22 août 1944, après de rudes combats, la reddition de la troupe allemande fut actée à Estivareilles (Loire).
Aucun acte de décès ne fut dressé à l’issue des combats. Les démarches pour faire reconnaître ces décès furent longues (au moins 1957) et parfois difficiles. En effet, les corps ayant été inhumés à La Chaise-Dieu (Haute-Loire), l’administration sollicita plusieurs fois le maire de cette commune pour dresser des actes de décès qui ne relevaient pas de sa compétence
Les morts au combat de Bellevue-La-Montagne :
ANGELI Antoine, Mathias, [pseudonyme dans la Résistance, John]
BONNET Pierre [pseudonyme dans la résistance : Victor]
BOUDIER Théophyle, Louis, Léon [Mazarguin]
DORON Georges, Cyrille [Hubert]
DUMOND René, [Pépé]
GIDROL Jean, Marie, [André]
JOUVINROUX Marc, alias Jim
KORMILCEVAS Vladimir [pseudonyme dans la Résistance : Mimile]
MIALON Marie, Régis, [César]
THÉVENET Marcel, Julien, Gaston [Pseudonyme dans la résistance : Cellou, Comte de Saint-Gilles]
Une stèle commémorative est élevée à Bellevue-La-Montagne sur la route départementale 906, au hameau de Peugnet à quelques dizaines de mètres du bosquet où eut lieu le combat. Figurent également sur cette stèle les noms de MARTINEZ Candido [pseudonyme dans la résistance : Charles], de PELNARD CONSIDERÉ Jean-Noël [pseudonyme dans la résistance : Noël] et PRADON Étienne, résistants de l’Armée secrète, tombés non loin le 12 août 1944 et de CHEVALIER Émile [pseudonyme dans la résistance : Marius] fusillé à Craponne- sur-Arzon (Haute-Loire) le 19 août 1944.
SOURCES : AVCC Caen, AC 21P158336. Dossier Marcel Thévenet .— Arch. Dép. Haute-Loire : cotes 300J11, 300J38. – Arch. Dép. Loire : archives Gentgen, cote 11J. — Bernard Capuano, Itinéraire d’un enfant de Rive-de-Gier dans La Résistance, Bulletin spécial de l’Amicale des Anciens Résistants et Amis de Rive-de-Gier, année 2013. — Site Mémoire des Hommes.
Michelle Destour