Le 26 août 1944, en Forêt du Rouvray, sur la commune de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Inférieure, Seine-Maritime), l’armée allemande, battant en retraite suite à la bataille de Normandie, exécute sept combattants FTP-FFI ainsi que huit civils comprenant un enfant de treize ans.

Stèle datant de 1964 en hommage aux fusillés dans la Forêt du Rouvray
Stèle datant de 1964 en hommage aux fusillés dans la Forêt du Rouvray
A la fin août 1944, l’armée Allemande remonte vers le nord de la France reculant devant l’avance des Forces Alliées débarquées sur les côtes normandes en juin ; tous les ponts entre Le Havre et Rouen sont détruits, et plus aucun bac ne fonctionne, il leur faut donc se diriger vers ce qu’ils espèrent être le dernier pont encore debout à Rouen pour traverser la Seine, et pour cela, franchir le massif forestier du Rouvray.
Les forces en présence :
Gontran Pailhès : « Le Commandant Capdeville responsable des FFI (Forces Françaises de l’Intérieur) de la rive gauche de Rouen, commence le nettoyage de son secteur : un groupe de choc sous les ordres du capitaine Henri Banse, attaque un ennemi dix fois supérieur en nombre et dont les batteries sont installées sur la côte du Nouveau Monde. Henri Banse, donne l’ordre à la compagnie FTP du capitaine Fradin d’aller récupérer des armes et du matériel se trouvant dans des camions allemands paraissant abandonnés, au lieu-dit « le Chapeau à cornes » au cœur de la forêt du Rouvray.
Sept hommes partent à bicyclette et arrivent en forêt « à la maison du garde » dans l’après-midi (entre 16 heures et 17 heures 30 selon les témoignages). Ils sont surpris en pleine opération, faits prisonniers et fusillés immédiatement sur place, par une unité de Waffen SS appartenant à la Division « Das Reich » (cf Gaston Pailhes – Rouen et sa région pendant la guerre – 1939 – 1945). « 
Inconscients du danger, des civils de Saint-Etienne-Rouvray, espérant pour leur part récupérer des vivres ou d’autres marchandises dans des camions allemands abandonnés, montent à leur tour en forêt le 26 août et sont abattus eux aussi, sans distinction de sexe ou d’âge.
Bilan de l’attaque :
Au final, l’attaque coordonnée des unités de FFI de la rive gauche de Rouen permet de faire 1500 prisonniers Allemands, de s’emparer de 1300 chevaux et d’un matériel considérable. Mais le bilan en pertes humaines est extrêmement lourd.
Qui sont les 7 combattants FTP/FFI tombés le 26 août 1944 ?
Quatre d’entre eux sont domiciliés à Sotteville-lès-Rouen, les trois autres à Saint-Etienne-du-Rouvray ; certains ont des liens professionnels (même employeur : les Chemins de Fer pour Léon Blondel, Pierre Fiant et Bernard Flament, les deux plus jeunes du groupe), d’autres ont des liens familiaux (les deux frères Lucien et Marcel Carpentier). Ils ont entre 53 et 24 ans, et appartiennent à la même compagnie de FTP (Francs Tireurs et Partisans Français) dirigée par le Capitaine Fradin :
Léon BLONDEL : âgé de 53 ans, marié, il est employé à la SNCF et habite 2 rue Tirard à Sotteville-lès-Rouen ; son acte de décès indique qu’il est mort vers 16 heures le 26 août 1944. Il est reconnu membre des FFI - mouvement FTPF -du 20 août au 26 août 1944 (cf Registre Matricule, Archives Départementales 76), et possède un dossier au Service Historique de la Défense (SHD) à Vincennes (GR 16 P 65306)
Lucien CARPENTIER : âgé de 45 ans, marié, il est camionneur et vit lui aussi à Sotteville-lès-Rouen 122 rue de la République ; son acte de décès indique qu’il est mort vers 16 heures le 26 août 1944. Reconnu membre des FFI, son dossier au SHD Vincennes porte le N° GR 16 P 107952.
Marcel CARPENTIER : il a été mobilisé de septembre 1916 à septembre 1919 ; âgé de 48 ans, c’est le frère de Lucien, engagé à ses côtés et mort le même jour et dans les mêmes circonstances que lui. Il est marié, et exerce la profession de mécanicien. Lui aussi est Sottevillais, 45rue des épis. Son acte de décès indique qu’il est mort vers 16 heures le 26 août 1944. Reconnu membre des FFI, son dossier au SHD Vincennes porte le N° GR 16 P 107970.
Léonard CORDEMANS : âgé de 41 ans, marié, il est chauffeur d’usine. Il habite rue Rondeaux prolongée à Saint-Etienne-du-Rouvray. Son acte de décès indique qu’il est mort vers 16 heures le 26 août 1944. Reconnu membre des FFI, son dossier au SHD Vincennes porte le N° GR 16 P 142212.
Pierre FIANT : âgé de 30 ans, il est marié et père d’une petite fille, Yvette. Employé des Chemins de Fer (mécanicien de locomotive), il vit à Saint-Etienne-du-Rouvray, rue de Paris. Dans son livre, Rouen et sa région pendant la guerre 1939/1945, Gontran Pailhès le nomme par erreur Pierre Friant.
Une demande de reconnaissance de sa qualité de FFI semble avoir été déposée en sa faveur auprès des instances compétentes, après la Libération, mais le dossier (GR 16 P 223335) semble peu documenté.
La mention « Mort pour la France » a été apposée sur son acte de décès le 2 décembre 1946. Son nom figure sur la grande stèle commémorative de la gare SNCF de Rouen rive droite, et les auteurs du livre-mémorial « Cheminots victimes de la Répression – 1940/1945 » lui ont consacré un article, page 607 de leur ouvrage.
Bernard FLAMENT : c’est le plus jeune de tous. Agé de 24 ans, marié, il est ajusteur aux Chemins de Fer, où il a effectué son apprentissage, et vit 302 rue Gambetta à Saint-Etienne-du-Rouvray. Il s’est engagé dans l’aviation au début de la guerre, mais a été détaché à la Reichsbahn (chemins de fer Allemands) et envoyé à Munich. Revenu en France, il s’engage dans les FTP.
La mention « Mort pour la France » a été apposée sur son acte de décès le 2 décembre 1946. Son nom figure sur le monument aux morts des ateliers de Sotteville Quatre-Mares et sur la grande stèle commémorative de la gare SNCF de Rouen rive droite. Les auteurs du livre-mémorial « Cheminots victimes de la Répression – 1940/1945 » lui ont consacré un article, pages 610/611 de leur ouvrage.
Reconnu membre des FFI, son dossier au SHD Vincennes porte le N° GR 16 P 225259.
Gaston QUIBEL : âgé de 29 ans, il est Maréchal des Logis et habite 112 rue du Docteur Apvrille à Sotteville-lès-Rouen. Devenu orphelin de père en 1918, il est adopté par la Nation en janvier 1920.
Son acte de décès indique qu’il est mort vers 16 heures le 26 août 1944.
Il est reconnu membre des FFI, rattaché à la famille des « Déportés et Internés de la Résistance », avec le statut d’Interné Résistant. Il a reçu la médaille de l’Ordre de la Libération à titre posthume, décret du 03/06/1960 publié au JORF le 10/06/1960.
Il possède deux dossiers au SHD ; l’un à Vincennes, cote GR 16 P 495501 ; le second à Caen, cote AC 21 P 649727.
Quelques mots sur les victimes civiles de la Forêt du Rouvray :
Le journal de Rouen en fournit une liste sous le titre « Saint-Etienne-du-Rouvray, Les Allemands ont assassiné seize personnes au cours de leur retraite » article paru après le 31 août 1944. La liste mélange les noms des FFI tués au combat, et ceux de victimes civiles ; elle comporte une erreur et un oubli : une erreur, car elle annonce 16 victimes, mais elle en énumère 17. Un oubli : elle ne cite pas le décès de Pierre Fiant, pourtant tué en même temps et au même endroit que ses 6 camarades FTP.
Après soustraction des noms des FFI, il reste ceux de 8 personnes, simples habitants de Saint-Etienne qui n’avaient pas pris conscience de la dangerosité de leur présence, en ces circonstances, dans une forêt qui leur était familière :
FERREIRA-MOYO Jean-Claude, 13 ans, 38 rue Félix Faure – tué à l’entrée de la forêt près de la maison forestière
VIDEIRA Bruno, 56 ans rue Marcel Paul, tué à l’entrée de la forêt près de la maison forestière
ROELANT Georges, 19 ans rue Emile Zola, tué à l’entrée de la forêt près de la maison forestière
LEROY Marcel, 33 ans, rue Emile Zola, tué à l’entrée de la forêt près de la maison forestière
CELLIER Marie-Louise, 59 ans, rue Emile Zola, tuée à l’entrée de la forêt près de la maison forestière
VISCONTI Jules, 46 ans, rue Henri Gaudel, tué à l’entrée de la forêt près de la maison forestière
LEBRET Louise, 47 ans, chemin du Bon Clos tuée à l’entrée de la forêt près de la maison forestière
DEMEAUX Camille, 45 ans, route de Couronne, tué à l’entrée de la forêt près de la maison forestière
Le Journal de Rouen complète son énumération en y ajoutant les décès de Maurice Blot, tué dans l’enceinte de l’Hôpital du Rouvray le 26 août également, de Germain Gaudu, 17 ans, et André Havard, 44 ans, habitants du quartier de La Chapelle, tués le 25 août selon le journal de Rouen, ou le 26 selon le témoignage de M. Sevestre, habitant de St Etienne du Rouvray..
Le FFI Christian Josse, pris les armes à la main, a été porté disparu pendant les combats, son corps n’a pas été retrouvé (Gontran Pailhès).
Les corps des FFI tombés au combat le 26 août, puis ceux des victimes civiles, ont été sortis de la forêt par la population de St-Etienne, sous la conduite des membres de la Croix-Rouge Française et des membres de la Défense Passive (témoignages de M. Jean Lebret et de M. Sevestre).
Selon le journal de Rouen, « toutes les malheureuses victimes furent inhumées par les soins et aux frais de la Ville, les obsèques ayant eu lieu le 29 août 1944, à 9 h au cimetière. Un service religieux à la mémoire des Fusillés a été célébré le mercredi à 10 heures, par l’abbé Debarbieux, en présence de M. Crestey, Maire, Jean Morisse , chef de la Résistance, des FFI, , de représentants de la Croix Rouge et des Sociétés locales ».
Sources

SOURCES : Atelier Histoire et Patrimoine de Saint-Étienne-du-Rouvray
Centre Georges Déziré – 02 35 02 76 90
271 rue de Paris – 76800 SER
groupe.histoire76800@laposte.net
Catherine VORANGER - Antoine HARDY

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