L’après-midi du 14 août 1944, 20 maquisards du Vercors faits prisonniers à Villard-de-Lans (Isère) au cours des jours précédents furent sommairement exécutés à l’angle de la rue Ampère et du Cours Berriat à Grenoble (Isère) en représailles à l’exécution de deux soldats allemands.

Monument commémoratif, Square des Fusillés, Grenoble
Monument commémoratif, Square des Fusillés, Grenoble
Photo : Jean-Luc Marquer
Monument commémoratif, Square des Fusillés, Grenoble
Monument commémoratif, Square des Fusillés, Grenoble
Photo : Jean-Luc Marquer
Le 14 août 1944 vers 11 heures à Grenoble (Isère), deux résistants abattirent deux soldats allemands à proximité du café de Rose Sirvin (153 cours Berriat). En représailles, des soldats allemands et des miliciens - sous la direction de Guy Éclache, membre de JEN (Jeunes de l’Europe nouvelle) - firent irruption dans le café et ordonnèrent aux habitants de s’aligner sur le trottoir afin d’obtenir des renseignements.
Le calme revint dans le quartier vers 14 heures.
L’écho paroissial de Villard-de-Lans (Isère), dans son numéro de juin-juillet 1945 livre le témoignage d’un gardien de la paix de la ville de Grenoble qui fut présent sur les lieux de l’exécution.
« Après-midi, vers 15 heures, la Police municipale est alertée.
Cinq gardiens de la paix doivent se rendre au lieu où les deux soldats allemands ont été tués. À partir de 15h30 ils montent la garde sur le trottoir à l’angle du cours Berriat et de la rue Ampère.
À 15h50 arrivent des détachements de troupes. Ils se répartissent dans les rues avoisinantes, au nombre d’environ 150 soldats.
À 16 heures arrivent des voitures de la police avec des officiers. À 16h10, un camion militaire bâché s’arrête au carrefour, au milieu de la chaussée. À ce moment, les troupes font barrage.
Une vingtaine de soldats allemands sortent de l’intérieur du camion et se rangent de chaque côté de la voiture.
Cinq d’entre eux se détachent du groupe, armés de mitraillettes et se placent sur le bord du terrain vague qui sépare le cours Berriat des Établissements Bouchayer et Viallet.
Un sous-officier allemand donne un ordre. Cinq jeunes Français descendent du camion. Chacun d’entre eux est aussitôt dirigé et accompagné par un soldat allemand vers le peloton d’exécution. Les jeunes gens se rendent très bien compte de ce qui les attend. Ils marchent d’un pas décidé, quelques uns presque au pas gymnastique. Les uns sont tenus au collet par leur sentinelle, les autres non.
On les fait aligner face au mur des Établissements Bouchayer, à une quinzaine de mètres du trottoir.
Les cinq soldats armés de mitraillettes se placent chacun derrière une victime.
Le sous-officier donne un signal par coup de pistolet. Chaque soldat lâche une rafale de mitraillette un demi-seconde l’un après l’autre. Les corps tombent, la plupart face en avant, d’autres en arrière.
Immédiatement après ces rafales, huit ou dix jeunes gens se précipitent pour descendre d’eux-mêmes du camion. On en laisse descendre que cinq, les autres sont refoulés au fond du camion. Les cinq se dirigent d’eux-mêmes vers les corps de leurs camarades. Ils se mettent sur la même ligne que ceux qui viennent de tomber. Et ils tombent dans les mêmes conditions.
Puis cinq autres viennent se placer face aux corps des cinq premiers. Ils tombent sur les corps de leurs camarades. Et c’est au tour des cinq derniers.
Le sous-officier acheva chacun d’un coup de pistolet à la tête.
 »
Le rapport du commissaire de police qui se rendit sur les lieux mentionne que les témoins de l’exécution furent surpris par le calme des victimes qui ne proférèrent aucun cri et donnèrent l’impression d’avoir été préalablement "dopées" (Sic).
Privées de tout élément d’identification, leurs dépouilles restèrent volontairement à la vue des passants jusqu’à la tombée de la nuit pour servir d’exemple.
Les soldats allemands en faction affirmèrent que les victimes étaient des ressortissants espagnols et polonais arrêtés durant les opérations dans le Vercors.
Le service de l’identité judiciaire photographia les corps et prit les empreintes digitales.
À partir de 20 heures, les jeunes des équipes d’urgence de la Croix-Rouge française aidèrent à la mise en bière des corps qui furent emmenés au dépositoire des pompes funèbres.
Une cérémonie cultuelle fut organisée au dépositoire municipal le 17 août 1944 à 9 heures à l’initiative de Félix Esclangon, adjoint au Maire, successeur du doyen Gosse à la tête de l’I.P.G..
Les corps furent enterrés l’après-midi au cimetière du Grand Sablon à La Tronche (Isère).
Le 3 septembre 1944, toutes les victimes avaient été identifiées, et il fut décidé de les exhumer pour transporter les dépouilles à Villard-de-Lans, d’où était originaire la plupart des fusillés.
Cela fut fait le 6 septembre 1944. Les cercueils furent transportés par deux camions des Forces françaises de l’Intérieur le 7 septembre 1944 et joints à ceux venant de Vassieux (aujourd’hui Vassieux-en-Vercors, Drôme) pour une cérémonie mortuaire.
Un monument fut érigé sur le lieu de l’exécution qui prit le nom de Square des Fusillés.


Liste des victimes :
ALBERTO Jacques
ARNAUD Joseph, Jean, Alfred
ARRIBERT-NARCE Henri, Séraphin
BELLE Paul
BERTHOIN Henri
BONNET Robert
BONNET-BALLON Joseph, Alfred
BRENAUT Louis, Marie
CHABERT Marcel
GAILLARD Henri
GIRARD-BLANC Jean, Jules
GUILLOT Emile
MAGNAT Gérard, Jean, Pierre, Fernand
MONDEL David, Roger
REPELLIN Marius
ROCHAS Pierre
RONZA-PASCAL Marcel
SALLIQUET Henri, Lucien, Alfred
SALVI Pierre
VARONI Giovanni, Virgilio


Voir : Grenoble, d’octobre 1943 à août 1944
Sources

SOURCES : Arch. Mun. Grenoble 4H70 — Arch. dép. Rhône, Mémorial de l’Oppression : 3808W 534 — Mémorial GenWeb

Jean-Luc Marquer, Annie Pennetier

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