Né le 16 décembre 1905 à Relizane (Algérie), mort des suites de ses blessures ou massacré le 6 mars 1944 à Lyon (Rhône), avenue Berthelot (VII arr.) ; militaire.

Tombe de Charles Lusinchi
Tombe de Charles Lusinchi
Sépulture de Charles Lusinchi à la nécropole nationale de la Doua. Photographie : Jérôme Galichon
Charles, François Lusinchi naquit dans l’ancien département français d’Oran en Algérie. Il était le fils de Virgile, Henri Lusinchi et de Marie, Vincense, Gabrielle Laurelli. Son père était originaire de Zicavo (Corse) et sa mère de Cassaigne (Sidi Ali, Algérie). Ses parents, mariés en 1904 à Cassaigne, eurent deux autres enfants, François et Yvonne. Charles Lusinchi se maria avec Simonne, Marie, Amande Poulet. Sa fille naquit vers 1936. Il demeura 211 rue du Faubourg du Pont Neuf à Poitiers (Vienne). Militaire de profession, il devint adjudant-chef.
En mars 1944, Charles Lusinchi était en instance de divorce et vivait séparé de sa femme et de sa fille. Il résidait à l’Hôtel de Variétés, 36 avenue Berthelot (Lyon, VIIe arr.). Il était sous-officier en congé d’armistice avec le grade d’agent de 1ère classe.
En février 1944, l’indicateur Ohanes Ohanessian signala à l’agent de la Gestapo Georges Villemur les cafés du Mâconnais et de la Côte d’Or, situés au 14 et 16 cours Gambetta (Lyon, VIIe arr.), à proximité de la place du Pont (place Gabriel Péri). Il est difficile de dire quel fut le sujet précis de leur conversation. Interrogé après-guerre par la police, Ohanessian nia toute implication. Trois anciens agents de la Gestapo furent également entendus par les enquêteurs. Leurs versions à ce sujet divergent. Gabriel Gailloud, présent lors de la rencontre entre Villemur et son informateur, déclara que Ohanes Ohanessian avait dénoncé un certain Robert Attamian, « israélite et résistant » qui fréquentait ces cafés. Jacques Nicolaï affirma qu’Ohanessian avait fait un rapport sur le café de la Côte d’Or, « le signalant comme lieu de rendez-vous de certains inspecteurs pour fabrication et délivrance de fausses cartes d’identité. » Quant à Max Payot, il déclara que cette affaire devait permettre de retrouver « un chef terroriste du nom de Pompano ». Les responsables de la police allemande de Lyon furent manifestement intéressés. Après avoir pris connaissance du rapport de Georges Villemur, ils décidèrent d’organiser une importante opération.
Le 6 mars 1944, vers 14 heures, des agents de la Gestapo cernèrent les cafés de la Côte d’Or et du Mâconnais. D’après un rapport de police de février 1946, « un groupe de 4 ou 5 de ceux-ci pénétrèrent alors dans ces établissements et sous la menace de mitraillettes et de revolvers, ils vérifièrent les identités de tous les clients présents. Arrivèrent ensuite des Allemands en civil. » Gabriel Gallioud expliqua qu’il se trouvait au café de la Côte d’Or avec plusieurs autres membres de la Gestapo : l’Allemand Alfons Nordmann et les Français Jean Commeinhes, Félix Paolini et Paul Mathieu. D’après lui, se trouvaient au café du Mâconnais, Jacques Nicolaï, Serge et Max Payot. Après-guerre, Jean Commeinhes et Jacques Nicolaï nièrent avoir participé à l’affaire de la place du Pont. Pourtant, le témoin Édouard Vacher affirma les avoir vu au café de la Côte d’Or. Il précisa que parmi les hommes qui l’arrêtèrent ce 6 mars se trouvait Jacques Nicolaï : « Je me souviens que Nicolaï était armé d’une mitraillette et qu’à un certain moment il est intervenu auprès de moi pour me rappeler que je devais tenir les mains en l’air. »
Lors de cette opération, Charles Lusinchi fut abattu par la police allemande. Le lendemain, l’officier d’artillerie André Weller fit une déposition au commissariat Jean Macé : « J’ai sous mes ordres le sieur Lusinchi Charles [...] qui depuis hier à 14 heures n’a pas reparu. […] il prenait ses repas au mess situé Grande rue de la Guillotière à hauteur de la rue Rachais. Comme à son habitude, il revenait Place du Pont consommer un café dans la salle du café du Maconnais. Vers 13 heures 45 des policiers allemands ont fait irruption dans l’établissement. Comme ils étaient en civil, et qu’ils criaient haut les mains, ce sous-officier a cru je pense avoir à faire à des terroristes et s’est jeté sur l’un d’eux pour le désarmer, et a pris la fuite. Et c’est dans la rue à la sortie du café qu’il a été mitraillé par les policiers allemands. Cet homme était un très bon chef, consciencieux et très calme. Il avait toujours donné satisfaction à ses supérieurs, et c’est avec peine que nous apprenons sa mort dans des circonstances aussi tragiques. » Lors de ces événements, les agents de la Gestapo ouvrirent également le feu sur un autre homme, Elia Elmalek*. Après-guerre, Max Payot accusa Jacques Nicolaï d’avoir tiré sur Charles Lusinchi et Elia Elmalek. Le témoin Édouard Vacher présenta une autre version des faits. Après son arrestation, il fut interrogé par un Allemand de « haute stature, blond » (était-ce Alfons Nordmann qui faisait « 1m80 », avait les « cheveux blonds ondulés » et « une très forte corpulence » ?). Cet homme mit Édouard Vacher en garde : « N’essayer pas de vous échapper, à titre d’exemple je vous indique que c’est moi qui est abattu la personne qui essayait de fuir Place du Pont ».
Charles Lusinchi et Elia Elmalek furent transportés à l’École de santé militaire, siège de la Gestapo, avenue Berthelot (Lyon, VIIe arr.). Le 7 mars, à 0h10, les Allemands exigèrent de la police française qu’elle fasse transférer les corps des deux hommes à l’Institut médico-légal de Lyon. Le commissaire de permanence de nuit se rendit avenue Berthelot : « Là, étant, sommes conduits par un policier allemand à l’aile gauche du bâtiment où reposent dans une cour le corps de deux individus baignant dans une mare de sang et ne donnant plus signe de vie. Mentionnons que ces deux individus seraient de race juive et auraient été amenés à l’École de Santé à la suite d’une fusillade qui se serait produite dans la journée du 6 mars place du Pont. L’un d’eux serait décédé à l’École de Santé, l’autre simplement blessé aurait tenté de s’enfuir au cours de son interrogatoire et aurait été abattu. Après fouille il a été découvert sur le premier individu de forte taille 1m78 environ, une montre unie, un peigne, une clé, divers papiers, une carte d’inscription chez un boulanger de l’avenue Berthelot portant le nom de : Lusinchi Charles. Ce dernier aurait séjourné à la caserne de la Vitriolerie au cours des mois de juin et juillet 1943. Sur le deuxième individu [...] il a été découvert […] divers papiers permettant de faire connaître qu’il s’agirait du nommé : Elmalah Elia [...]. Je mentionne qu’en l’absence du service allemand s’étant occupé de cette affaire (chambre 80), aucun autre renseignement d’état-civil ne peut-être fourni pour l’instant. [...]. Faisons transporter les corps à l’Institut médico-légal […]. Les objets ayant appartenu au sieur Lusinchi Charles ont été remis à Monsieur le Juge de Paix du 7ème arron. et ce magistrat a en outre été requis de procéder à l’apposition des scellés sur le local occupé par Lusinchi, 36 avenue Berthelot à Lyon, où se trouvent encore les objets lui appartenant, aux fins de mesures conservatoires. […] Le frère de Lusinchi, gardien de la Paix […] est informé par les soins de M. le commissaire central de Lyon. [...] » Semble-t-il, c’est donc blessés que Charles Lusinchi et Elia Elmalek furent conduits au siège de la Gestapo. La flaque de sang qu’observa le commissaire semble corroborer cette version des faits. Et, plus encore, la déclaration que Max Payot fit après-guerre semble la confirmer : « J’ai omis de vous dire qu’en février 1944 lors d’une descente de police allemande au café du Mâconnais (Cours Gambetta) Nicolaï a ouvert le feu sur un des consommateurs qui s’enfuyait en blessant deux qui décédèrent quelques heures plus tard au S.D. » L’explication selon laquelle il y eut tentative d’évasion semble par contre plus sujette à caution. Elle était souvent brandie par les Allemands lorsque des policiers français étaient convoqués avenue Berthelot pour faire évacuer des corps. Elle paraissait souvent douteuse (Gabriel Lagay, Paul Rolland, Nersès Aladjadjian) ou se révélait clairement fausse (l’exécution du 10 janvier 1944). Les circonstances précises de la mort de Charles Lusinchi et d’Elia Elmalek restent donc incertaines. L’un d’eux fut-il déposé inconscient dans cette cour où il succomba à ses blessures ? L’autre fut-il interrogé et achevé dans cette même cour ? Les deux victimes furent-elles achevées ? Succombèrent-elles toutes deux à leurs blessures ? Toutes les hypothèses sont possibles. Précisons que d’après les certificats de décès, le corps d’Elia Elmalek portait deux blessures par balles à la poitrine et celui de Charles Lusinchi, de multiples blessures par balles, au moins sept au thorax et à l’abdomen, les unes « pénétrantes », les autres « transfixiantes » (traversantes).
Cette opération de la Gestapo fit d’autres victimes. De nombreuses personnes furent arrêtées. L’une d’elles fut exécutée quelques semaines après. Les autres furent déportées. La capture d’un résistant entraîna d’autres arrestations en cascade, notamment celle de l’historien Marc Bloch.
Le 7 mars 1944, le corps de Charles Lusinchi fut identifié à l’Institut médico-légal par André Weller et le directeur du Dépôt régional, Service du Matériel, ex Parc d’artillerie.
Le 9 mars, fut dressé son acte de décès. Il mentionne que Charles Lusinchi est mort au 14 avenue Berthelot.
Charles Lusinchi fut inhumé le 13 mars 1944 au cimetière de la Guillotière (Lyon). Il fut exhumé en septembre 1957 pour être enterré à la nécropole nationale de la Doua (Villeurbanne, Rhône), carré A, rang 12, sépulture 40. Sa tombe porte l’inscription « Lusinchi Charles adj[udant] chef Mort pour la France le 7-3-1944 »
Il fut reconnu Mort pour la France « des suites de ses blessures » mais ne fut pas homologué résistant. Le nom de Charles Lusinchi, adjudant-chef, est gravé sur le monument aux morts de Zicavo. Il s’agit vraisemblablement de lui étant données ses origines familiales.
Voir l’article sur l’affaire de la place du Pont
Sources

SOURCES : Arch. Dép. Rhône, 394W240 (dossiers Ohanessian, Gallioud, Nicolaï), 3808W958, 3808W25, 45W50, 3335W22, 3335W8 (Charles Lusinchi, Elia Elmalek, Salomon Hasson).— Arch. Mun. Lyon, acte de décès de Charles Lusinchi, 1899W15 (convoi funéraire).— Arch. Nat. d’outre-mer, acte de naissance de Marie Laurelli.— Site Internet Geneanet.— Mémorial Genweb.— Mémoire des hommes.

Jean-Sébastien Chorin

Version imprimable