Né le 1er janvier 1902 à Stankowo (Prusse, Allemagne jusqu’en 1918 ; Pologne à partir de cette date ; aujourd’hui rattaché à la commune de Gostyń) ; pendu le 2 mars 1944 à Nîmes (Gard) ; fonctionnaire au consulat de Pologne à Paris jusqu’en 1940 ; directeur du Centre d’accueil polonais n° 67 bis de Lasalle (Gard)

Jan (« Jean » sur son acte décès dressé en mairie de Nîmes) Jankowski (initialement orthographié « Yankowski » sur l’acte de décès. Une mention en marge de cet acte fait état du jugement du tribunal civil de Nîmes rendu le 5 décembre 1945 et transcrit sue le registre de l’état civil le 28 de ce mois : « (…) le défunt sera identifié comme étant JANKOWSKI au lieu de Yankowski ») était le fils de Jean (« Jean » sur son acte décès dressé en mairie de Nîmes) et de Jadwiga (« Edwige » en français, écrit de façon erronée « Jaduwiga » sur l’acte de décès de son fils) Laezna. Jan Jankowski était marié avec Wladyslawa (prénom transcrit de façon erronée « Kladyslawa ») Dering.
Jan Jankowski était né dans un village de la Posnanie, région annexée au royaume de Prusse qui fut intégrée dans la Pologne reconstituée comme État souverain en 1918. Il fut employé dans les services diplomatiques et consulaires polonais. Avant la Seconde Guerre mondiale, il était un des fonctionnaires du consulat de Pologne à Paris. Il habitait dans le XVIIe arrondissement, 16 rue de la Félicité.
Plus tard (« réfugié » dans la « zone sud » comme beaucoup de ses concitoyens fidèles au gouvernement polonais de Londres ?), il intégra le Centre d’accueil polonais n° 67 bis créé en juin 1942 dans les Cévennes gardoises à Lasalle dont il devint le directeur. Ce centre était contrôlé par le ministère du Travail de Vichy représenté par un fonctionnaire. Il rassembla d’abord 46 Polonais en provenance d’Hyères (Var) qui s’y installèrent en novembre 1942. Par la suite, en février 1943, 23 autres Polonais jusque là établis à Vernet-les-Bains (Pyrénées-Orientales) complétèrent cet effectif. Ces Polonais formaient une population composite, rassemblant à la fois des travailleurs manuels et des intellectuels. Tous fournirent de la main d’œuvre à l’économie locale. Certains furent employés dans les entreprises de l’industrie cévenole (textile). D’autres furent embauchés chez des paysans où, occupant des emplois de « bouscatiers » (terme occitan désignant des travailleurs occupés à des tâches de bucheronnage). Pendant cette période, ces « bouscatiers » participaient souvent à la fabrication de charbon de bois. Ils étaient logés à la villa des Glycines de Seyne. Bien intégrés, ils avaient de bons rapports avec la population lasalloise.
Le 28 février 1944, un groupe de Feldgendarme SS de la Panzerdivision Hohenstaufen depuis peu cantonnée à Nîmes se détacha de la colonne puissamment armée (des blindés dont deux chars Tigre) qui disposait d’informations précises et fiables. Elle était chargée de « nettoyer » les Cévennes de la présence des maquis d’obédiences diverses qui s’y étaient formés. Ce groupe se dirigea vers la bourgade de Lasalle. Ils savaient qui interpeler parmi les résistants français. Elle avait aussi l’intention d’opérer des arrestations au Centre d’accueil polonais. Sans doute les Allemands avaient été informés par des collaborationnistes locaux de l’intention qu’avaient nombre de Polonais d’intégrer le maquis de l’Armée secrète formé initialement à l’Aire de Côte par René Rascalon. Le 1er décembre 1945, Guy Arnault, un des adjoints de Rascalon à la tête du maquis, déclara que, en janvier 1944, il avait eu un entretien avec Jankowski : « Il a été convenu entre nous que les Polonais de ce Centre rejoindraient mon maquis à la première alerte les concernant ». Cette alerte se produisit le 28 février et se termina avec l’arrestation de Jankowski et de trois autres Polonais. De son côté, le docteur Georges Salan, dirigeant des MUR du Gard et auteur de la première monographie (1954) sur les pendus de Nîmes a expliqué que les Polonais de Lasalle redoutaient d’être requis pour le STO et que des réseaux de la Résistance polonaise, présents dans le Midi de la France, avait eu des contacts avec des Polonais du Centre. Il ajoutait cependant, que, en ce qui concerne ce dernier point, il n’y avait rien d’établi de façon sûre.
Arrivés à Lasalle, les Allemands voulurent d’abord capturer les résistants « notoires » ou des sympathisants dénoncés par les collaborationnistes de cru comme les époux Dagnières, miliciens (que des maquisards exécutèrent). Charlotte Monteux, couturière, eut le temps d’avertir son fils, maquisard (FTPF). Les Allemands pillèrent sa maison et l’atelier où, avec son mari, tailleur, ils confectionnaient des vêtements pour les maquis. Ils pénétrèrent aussi dans la maison du boucher Arthur Martin qui ravitaillait les maquis. Absent il put se cacher. Entre 8 et 10 heures, installés à la gendarmerie, les SS rassemblèrent environ quarante personnes dont les quatre Polonais alors présents au Centre d’accueil de Lasalle, Mme Monteux et sa mère, Émilie Dours. Vers 16 heures, toutes les personnes interrogées à la gendarmerie furent libérées, sauf les quatre Polonais, Mme Monteux et sa mère sous le prétexte qu’elles auraient été juives. Embarqués dans un camion, les six résidents de Lasalle furent conduits à Saint-Hippolyte-du-Fort où les personnes capturées à Driolle (Voir Ordines Jean) montèrent dans le véhicule. Transportés à Nîmes au quartier Vallongue, ils furent séparés. Les femmes furent transportées à Marseille à la prison des Baumettes d’où elles furent libérées trois mois plus tard avec Claire Trintignant, épouse de Raoul Trintignant et d’autres Gardoises comme Isabelle Ordines, épouse de Miguel et de Jean.
Les hommes capturés à Driolle, sauf Broussous déjà pendu à Saint-Hippolyte-du-Fort furent regroupés avec les otages capturés à Ardaillers (commune de Valleraugue, Gard) (Voir par exemple Louis Carle) et à Lasalle. Plus tard, ils furent rejoints par les deux maquisards de Bir Hakeim blessés dans un affrontement avec les Allemands à Saint-Hippolyte-du-Fort et capturés à l’hôpital de Nîmes. Le 2 mars 1944, certains otages furent séparés des quinze hommes destinés à la pendaison alors que tous avaient été regroupés à l’école de la Croix de Fer, rue Bonfa, réquisitionnée par les Allemands. Le même jour, ils furent pendus à Nîmes, en trois lieux différents de la ville .Un témoin, le pâtissier Faucher, dont la maison faisait face à la cour de l’école put observer la scène. Le lieutenant SS Ernst Güttmann, Feldgendarme, chef du détachement cantonné à l’école de la Croix-de-Fer — et qui avait participé, les jours précédents, à l’expédition dans les Cévennes —, assista au départ des hommes destinés à la pendaison dirigea, le lendemain, le peloton d’exécution de SS qui massacra quinze villageois du hameau des Crottes (Ardèche). Les quinze hommes furent pendus dans trois endroits différents de Nîmes, aux principales sorties de la ville (routes d’Uzès, 3 ; de Montpellier : avenue Jean-Jaurès à son intersection avec la route de Montpellier, 6 ; de Beaucaire, 6). Les pendus furent hissés sur le toit des camions. Les cordes étaient attachées à des arbres (avenue Jean-Jaurès, alors avenue de la Camargue) ou sous un pont de chemin de fer, les camions reculaient afin de provoquer la mort des suppliciés qui portaient tous une pancarte avec l’inscription : « Ainsi sont traités les terroristes français ».
Les actes de l’état civil de Nîmes n’indiquent pas les lieux exacts des décès. Ils se contentent de signaler simplement l’heure approximative (« vers dix-huit heures »). Les corps auraient dû être exposés pendant 24 heures. Toutefois, l’indignation de la grande majorité de la population nîmoise, incita les forces d’occupation à écourter la durée de l’exposition. Le général Wilhelm Bittrich, commandant de la division Hohenstaufen aurait peu apprécié le principe d’exécutions publiques de « terroristes » par pendaisons. Il fit détacher les cadavres des pendus et les fit enterrer peu après en un lieu inconnu. Le préfet du Gard, le très pro-allemand Chiappe, conscient de l’émoi des Nîmois, fit aussi pression afin de détacher les pendus au plus tôt. Un agriculteur de Jonquières-Saint-Vincent (Gard), dans la vallée du Rhône, Joseph Quiot, surprit des soldats allemands en train d’enterrer des cadavres dans un champ de luzerne. Deux jours plus tard, le propriétaire du champ, Louis Dany vérifia la présence de cadavres. Il prévint la préfecture du Gard. Les cadavres furent exhumés après la Libération. Jan Jankowski fut déclaré « mort pour la France » (lettre du ministère des Anciens combattants et victimes de guerre du 22 décembre 1949, mention retranscrite en marge de l’acte de décès de Jan Jankowski le 5 janvier 1950). Il fut inhumé à Nîmes, au cimetière Pont-de-Justice, dans le carré 10 D, dans le rang C 2, tombe n° 1.
Voir : Nîmes (Gard), Pendaisons publiques, 2 mars 1944
Sources

SOURCES : Arch. com. Nîmes, acte de décès de Jan Jankowski et mentions marginales. — Gérard Bouladou, Les maquis du Massif Central méridional 1943-1944. Ardèche, Aude, Aveyron, Gard, Hérault, Lozère, Tarn, Nîmes, Lacour Rediviva, 2006, 617 p. [p. 149]. — Claude Émerique, « Les pendus de Nîmes », in La Résistance dans le Gard, Paris, AERI, CDROM et livret d’accompagnement, 36 p. Paris, 2009. — (Georges Salan), Les Pendus de Nîmes, Nîmes, Mouvement de libération nationale, fédération Gard-Lozère, Imprimerie artistique, 1954, 48 p.[pp. 2, 18-22], — Aimé Vielzeuf, Bloc-notes 44 (Dans le Gard, en attendant la liberté), Nîmes, Lacour, 1994, 150 + XXXII p. [voir plus particulièrement les pp. 27-29 et 31-33]. — Aimé Vielzeuf, En Cévennes et Languedoc Au temps des longues nuits, Nîmes, Lacour-Rediviva, 2002, 275 p. [pp. 127-133, p. 152]. — Site MemorialGenWeb consulté le 11 décembre 2019.

André Balent

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