En février 1944, la 9 Panzerdivision SS Hohenstaufen était en garnison dans le Gard avec son état-major installé à Nîmes. Les 28 et 29 février 1944, elle se livra à des opérations contre les maquis des Cévennes dans le Gard et en Lozère. Au cours de ces opérations, elle captura plusieurs prisonniers, résistants ou otages civils qu’elle ramena à Nîmes. Les SS s’emparèrent aussi à l’hôpital de Nîmes de deux résistants combattants du maquis Bir Hakeim de l’Armée secrète blessés lors d’un accrochage. Le 2 mars, après avoir libéré deux otages civils, des soldats de la division Hohenstaufen exécutèrent par pendaison treize prisonniers capturés dans les Cévennes à Ardaillers, Saint-Hippolyte-du-Fort et Lasalle (Gard) et les deux maquisards arrachés de leur lit d’hôpital. Ils furent pendus publiquement en trois endroits stratégiques de Nîmes.

Nîmes (Gard), plaque commémorative des pendus de l’avenue Jean-Jaurès, 2 mars 1944
Nîmes (Gard), pont de la route de Beaucaire, plaque commémorative des pendus du mars 1944.
Nîmes (Gard), plaque commémorative des pendus du pont de la route d’Uzès, 2 mars 1944
La division SS Hohenstaufen dans le Gard et l’opération contre les maquis des 28 et 29 févier 1944 :
La 9e division blindée SS Hohenstaufen engagée en 1943 sur le front de l’Est puis des Balkans, commandée par Wilhelm Bittrich (1894-1979) [il avait auparavant commandé la division blindée SS Das Reich sur le front de l’est du 14 octobre 1941 au 18 avril 1942], repliée en Belgique fut mutée dans le Gard et installa son état-major à Nîmes le 20 février 1944. Elle fut aussitôt engagée dans des actions de « nettoyage » des maquis du sud-est du Massif Central. Celles-ci commencèrent au soir du 27 février lorsqu’un détachement de cette unité quitta le chef-lieu du Gard afin d’éradiquer les maquis cévenols du Gard et de la Lozère. L’opération était menée de façon conjointe avec des éléments de l’armée allemande qui firent également mouvement depuis Mende et Florac (Lozère). Les soldats de la division Hohenstaufen partis de Nîmes avaient déterminé des objectifs qui avaient été signalés par des informateurs locaux, affiliés à la Milice ou, du moins, favorables à Vichy et hostiles à la Résistance. Tous les maquis actifs étaient susceptibles d’être éradiqués. Les SS était informés des lieux où se trouvaient les maquis, les réfractaires du STO et les « civils » qui les aidaient. La colonne SS partie de Nîmes comprenait la compagnie de la Feldgendarmerie rattachée à la division Hohenstaufen et des éléments, le 3e bataillon, du 20e régiment de grenadiers de la division (colonel Thomas Müller).. Elle était commandée par le lieutenant Ernst Guttman. Elle quitta Nîmes dans la nuit du 28 au 29 février 1944.
Le détachement de la division Hohenstaufen se dirigea vers la localité cévenole de Saint-Hippolyte-du-Fort où il arriva vers 2 heures 30 du matin. Les SS y établirent leur cantonnement et installèrent leur état-major au château de Planque. Ils savaient que des résistants étaient présents dans cette localité, mais, à partir de là, des groupes du détachement se dirigèrent vers Ardaillers, (commune de Valleraugue, Gard), Driolle (commune de Saint-Roman-de-Codières, Gard) et Lassalle (Gard.). Après une répression sanglante à Saint-Hippolyte-du-Fort, accompagnée d’une pendaison, ils retournèrent à Nîmes avec quinze prisonniers. À Nimes, ils s’emparèrent de deux blessés du maquis Bir Hakeim (AS) qui furent pendus avec les treize otages d’Ardaillers, Driolle, Lasalle et Saint-Hippolyte-du-Fort. Ces deux maquisards avaient été blessés lors d’un accrochage avec des soldats de la division Hohenstaufen à Saint-Hippolyte-du-Fort puis pris en charge par des habitants de la localité. Comme deux des otages capturés à Ardaillers ont été libérés pour des raisons inexpliquées, le nombre de pendus fut bien de quinze et non de dix-sept comme on a pu l’écrire dans nombre de publications.
Ardaillers, commune de Valleraugue, Gard :
Un groupe de SS se dirigea vers Ardaillers, hameau de la vaste commune cévenole de Valleraugue. En 1943-1944, Laurent Olivès, pasteur réformé d’Ardaillers, animait le maquis école de l’Armée secrète (AS) implanté près du hameau qui regroupait nombre de réfractaires au STO (Entre autres, voir Samama Maxime). Le 29 février 1944 Ardaillers fut donc occupé par les éléments de la 9e Panzer Division SS Hohenstaufen (350 hommes environ venus avec 47 véhicules). Le convoi allemand avait été repéré lors de son passage à Ganges (Hérault). Olivès fut averti. Il prévint aussitôt la trentaine de maquisards qui se trouvaient à Ardaillers et à proximité qui partirent dans les montagnes suivis par la majorité des villageois du hameau. Les Allemands pillèrent Ardaillers et mirent le feu au mas Gibert. Ils tirèrent à la mitrailleuse et au canon contre des maquisards qui fuyaient et qu’ils ne purent atteindre et ils tuèrent par balles un habitant d’Ardaillers, Émile Nadal, qui voulait stopper l’incendie de sa maison. D’autres maisons du village atteintes par des projectiles d’artillerie prirent feu. Six habitants furent pris en otages, parmi les agriculteurs du hameau soupçonnés d’aider les maquisards et qui n’avaient pas quitté les lieux. Ils furent ensuite remis à Sipo-SD de Nîmes qui les tortura. Émile Eckhardt propriétaire du Grand Hôtel de l’Aigoual, Hénoc Nadal, Louis Carle, Désir Jeanjean, agriculteurs, firent partie des quinze pendus. Deux autres civils d’Ardaillers, Fernand et Noël Nadal, eux aussi agriculteurs, furent libérés, après avoir été eux aussi torturés, sans que l’on en sache la raison. En effet, le 2 mars, ils furent séparés des quinze hommes destinés à la pendaison alors que tous avaient été regroupés à Nîmes à l’école de la Croix de Fer, rue Bonfa, réquisitionnée par les Allemands. Leurs témoignages ont permis de reconstituer une partie du fil des événements qui jalonnèrent cette implacable répression.
Driolle, commune de Saint-Roman-de-Codières, Gard :
Ce hameau de la commune de Saint-Roman-de-Cadières était connu des Allemands pour être un lieu dont les habitants accueillaient les réfractaires du STO (Service du travail obligatoire) désireux d’intégrer un maquis. Une famille de bûcherons d’origine espagnole, les Ordines, étaient parmi les plus actifs. Deux des fils étaient eux-mêmes des réfractaires du STO. À Driolle, d’autres familles d’agriculteurs, les Soulier et les Perrier abritaient aussi des réfractaires. Les Ordines furent, après la guerre, revendiqués comme ayant été des FTPF ce qui est possible, étant entendu cependant, qu’à cette date, les FTPF n’avaient pas encore formé de maquis cette partie des Cévennes où, en revanche, le maquis de l’AS de Lasalle formé par René Rascalon. Robert Francisque et Guy Arnault le 4 août 1943, très mobile, était particulièrement actif . Les réfractaires regroupés à Driolle étaient destinés à intégrer cette formation. Lorsque la colonne de la division Hohenstaufen arriva à Driolle au petit matin du 28 février 1944 (une heure après son départ de Saint-Hippolyte-du-Fort), la maison des Ordines abritait deux réfractaires du STO : Fernand Broussous et Jean-Louis Baudouin. Les deux fils Ordines, Henri, l’aîné et Jean étaient eux aussi réfractaires au STO. Henri Ordines eut le temps de s’enfuir et eut ainsi la vie sauve. Les autres habitants ou résidents temporaires de Driolle furent arrêtés. La maison des Ordines fut la première à être investie par les Allemands. Miguel Ordines et sa femme Isabel, née San Jaime, furent arrêtés ainsi que leur fils cadet, Jean, et les deux réfractaires au STO qu’ils hébergeaient, Fernand Broussous* et Jean-Louis Baudouin. Chez les Soulier, ils arrêtèrent la mère, le fils, Fernand, et un visiteur qui ignorait qu’il avait été entre temps convoqué au STO et qu’il était considéré comme réfractaire, Roger Mathieu originaire de Calvisson (Gard). Par contre, il laissèrent libres M. Perrier et sa fille. Les habitants de Driolle arrêtés furent conduits au château de Planque à Saint-Hippolyte-de-Fort. Ils les « interrogèrent » et décidèrent que Fernand Broussous serait pendu au pont de la voie ferrée qui traverse la route de Saint-Hippolyte-du-Fort à Lasalle, ce qui fut rapidement fait. Fernand Soulier que les Allemands prient comme guide afin de les amener à un cantonnement du maquis de René Rascalon fut abattu par eux au mas des Fosses (commune de Colognac, Gard). L’Alsacien René Kieffer replié dans le Gard travaillait comme bûcheron dans les Cévennes. Domicilié à Saint-Hippolyte-du-Fort, il était en contact avec les habitants de Driole et le maquis (AS) de René Rascalon alors cantonné près de Lasalle. Ce fut lui qui amena Jean-Louis Baudouin chez les Ordines. Il fut adjoint aux prisonniers, résistants ou otages civils que les Allemands avaient capturés à Driolle, Ardaillers et Lasalle (Gard) et qui étaient retenus au château de Planque, leur état-major de « campagne » dans cette ville. Ils furent amenés à Nîmes. Les femmes, dont Isabelle Ordines, femme de Miguel, furent incarcérées à la prison de la ville puis à Marseille (Bouches-du-Rhône) d’où elles furent extraites sans explications trois mois plus tard. Les hommes capturés à Driolle, sauf Broussous* déjà pendu à Saint-Hippolyte-du-Fort et Soulier exécuté aux Fosses, à Colognac, furent regroupés avec les otages capturés à Ardaillers (commune de Valleraugue, Gard) (Voir par exemple Louis Carle) et à Lasalle. Plus tard, ils furent rejoints par les deux maquisards de Bir Hakeim blessés dans un affrontement avec les Allemands à Saint-Hippolyte-du-Fort et capturés à l’hôpital de Nîmes.
Les Polonais de Lasalle :
Le Centre d’accueil polonais n° 67 bis de Lasalle (Gard) était aussi un objectif des SS de la division Hohenstaufen. Ce centre avait été créé en juin 1942 dans cette bourgade des Cévennes gardoises. Il était contrôlé par le ministère du Travail de Vichy représenté par un fonctionnaire. Il rassembla d’abord 46 Polonais en provenance d’Hyères (Var) qui s’y installèrent en novembre 1942. Par la suite, en février 1943, 23 autres Polonais jusque-là établis à Vernet-les-Bains (Pyrénées-Orientales) complétèrent cet effectif. Ces Polonais formaient une population composite, rassemblant à la fois des travailleurs manuels et des intellectuels. Tous fournirent de la main d’œuvre à l’économie locale. Certains furent employés dans les entreprises de l’industrie cévenole (textile). D’autres furent embauchés chez des paysans où, occupant des emplois de « bouscatiers » (« bûcherons » en occitan) qui participaient souvent à la fabrication de charbon de bois. Ils étaient logés à la villa des Glycines de Seyne. Bien intégrés, ils avaient de bons rapports avec la population lasalloise. Le centre était dirigé par Jan Jankowski, ancien fonctionnaire du consulat de Pologne à Paris. De son côté, le docteur Georges Salan, dirigeant des MUR du Gard et auteur de la première monographie (op. cit., 1954) sur les pendus de Nîmes a expliqué que les Polonais de Lasalle redoutaient d’être requis pour le STO et que des réseaux de la Résistance polonaise, présents dans le Midi de la France, avait eu des contacts avec certains d’entre eux. Il ajoutait cependant, que, en ce qui concerne ce dernier point, il n’y avait rien d’établi de façon sûre. Il faut savoir, en effet, que le maquis de l’AS dirigé par René Rascalon était présent dans les environs de Lasalle. Le 1er décembre 1945, Guy Arnault, un des adjoints de Rascalon à la tête du maquis, déclara que, en janvier 1944, il avait eu un entretien avec Jankowski : « Il a été convenu entre nous que les Polonais de ce Centre rejoindraient mon maquis à la première alerte les concernant ». Cette alerte se produisit le 28 février et se termina avec l’arrestation de Jankowski et de trois autres Polonais, Józef Damasczewycz, Jean Lukawski et Stanislaw Rasjanowicz.
Les Allemands qui se dirigèrent vers Lasalle savaient qui interpeller parmi les résistants français. Ils avaient aussi l’intention d’opérer des arrestations au Centre d’accueil polonais. Sans doute les Allemands avaient été informés par des collaborationnistes locaux de l’intention qu’avaient nombre de Polonais d’intégrer le maquis de l’Armée secrète présent près de Lasalle. Lorsqu’ils y furent arrivés, ils voulurent d’abord capturer les résistants « notoires » ou des sympathisants dénoncés par les collaborationnistes de cru comme les époux Dagnières, miliciens (que des maquisards exécutèrent). Charlotte Monteux, couturière, eut le temps d’avertir son fils, maquisard (FTPF). Les Allemands pillèrent sa maison et l’atelier où, avec son mari, tailleur, ils confectionnaient des vêtements pour les maquis. Ils pénétrèrent aussi dans la maison du boucher Arthur Martin qui ravitaillait les maquis. Absent il put se cacher. Au centre polonais d’accueil, ils ne purent saisir que les hommes qui y étaient restés car les autres s’étaient dispersés avant l’arrivée des SS. Entre 8 et 10 heures, installés à la gendarmerie, les SS rassemblèrent environ quarante personnes dont les quatre Polonais, Mme Monteux et sa mère, Émilie Dours. Vers 16 heures, toutes les personnes interrogées à la gendarmerie furent libérées, sauf les quatre Polonais, Mme Monteux et sa mère sous le prétexte qu’elles auraient été juives. Embarqués dans un camion, les six résidents de Lasalle furent conduits à Saint-Hippolyte-du-Fort où les personnes capturées à Driolle (Voir Ordines Jean) montèrent dans le véhicule. Transportés à Nîmes au quartier Vallongue, ils furent séparés. Les femmes furent transportées à Marseille à la prison des Baumettes d’où elles furent libérées trois mois plus tard avec Claire Trintignant, épouse de Raoul Trintignant et d’autres Gardoises comme Isabelle Ordines, épouse de Miguel et mère de Jean.
Les deux maquisards de Bir Hakeim :
Le 25 février, Jean Mallet, un des adjoints de Jean Capel alias « Commandant Barot », chef du maquis Bir Hakeim (AS), reçut de ce dernier l’ordre de quitter La Vacquerie (Hérault) avec un groupe de maquisards qui s’y trouvaient. Ils devaient gagner le mas de Serret (Labastide-de-Virac, Ardèche) où était cantonné le « groupe-maquis » principal de Bir Hakeim. Ils ne se doutaient pas que, le lendemain, ils allaient subir une attaque allemande. Le 29, Paul Demarne, Jean Mallet et Marcel de Roquemaurel* prirent la tête de ce groupe. Ils avaient à leur disposition une camionnette et une automobile de tourisme. Parmi eux, se trouvait un déserteur du maquis, Nougaret, qui avait été repris et que l’on amenait au mas de Serret afin de le juger. Ils ignoraient que les Allemands avaient investi le secteur de Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard), traquant d’autres maquis, notamment celui de René Rascalon (AS). Le convoi en provenance de La Vacquerie fut arrêté par un barrage allemand à l’entrée de Saint-Hippolyte-du-Fort, en provenance de Ganges (Hérault). Le convoi força le barrage en tirant sur les Allemands. Après avoir essuyé une fusillade pendant leur traversée de la ville, les deux véhicules furent immobilisés, l’un à la place centrale, l’autre sous le viaduc du chemin de fer sous l’arche duquel se balançait toujours le cadavre de Fernand Broussous*. Les hommes de Bir Hakeim purent se disperser et se cacher. Toutefois, l’un d’entre eux, Robert Rosse fut abattu. Si le déserteur Nougaret en profita pour s’éclipser et se rendre aux Allemands à qui il donna de précieuses informations sur Bir Hakeim. Fortuné Donati et un autre « biraquin », Albert Lévêque furent blessés et purent cependant échapper à la chasse à l’homme. À la recherche des maquisards, les Allemands firent réunir tous les hommes de la commune et demandèrent au maire, Monpeyssen de lui signaler les étrangers à la commune. Le premier magistrat fit passer les maquisards, mais aussi des Juifs résidant clandestinement dans sa ville, comme étant des concitoyens connus de lui et en règle.
Lorsque les Allemands évacuèrent le centre-ville, Donati et Lévêque furent transportés à l’hospice où ils furent soignés par les docteurs Roman et Benkowski. Ils étaient gravement atteints et nécessitaient une opération chirurgicale. Aussi les médecins pensèrent qu’il serait plus judicieux de les transporter à l’hôpital de Nîmes. Le maire réquisitionna une ambulance.
Les deux « biraquins » furent conduits à Nîmes accompagnés par Sœur Marie-Rose, supérieure de l’hospice des vieillards. Elle fit le nécessaire pour obtenir leur entrée à l’hôpital Gaston-Doumergue. Ils furent pris en charge par le docteur Jean Étienne, chirurgien. Bourguignon, infirmier et balayeur de l’hospice de Saint-Hippolyte, pétainiste, s’empressa de communiquer le départ des deux maquisards au chaisier Saumade, le collaborationniste de Bourras qui avait déjà dénoncé Miguel et Jean Ordines aux Allemands. Le 2 mars 1944, vers 16 heures 30, des Feldgendarmes de la division SS Hohenstaufen pénétrèrent à la salle du premier étage de l’hôpital affecté à la chirurgie. Ils exigeaient qu’on leur remît Donati et Lévêque. Mais le docteur Jean Étienne les convainquit de ne pas amener les deux patients. D’autres SS surgirent quelque temps après et s’emparèrent des deux hommes à qui le médecin eut le temps d’administrer des calmants. Ils enveloppèrent Donati et Lévêque dans leurs couvertures et les menèrent à l’école de la Croix de Fer d’où ils partirent avec d’autres hommes afin d’être pendus. On sut qu’ils le furent au pont du chemin de fer, route d’Uzès. En effet, leur état et leur accoutrement permit de les identifier et de connaître le lieu de leur supplice ce qui ne fut pas le cas des autres pendus.
Les pendaisons publiques :
Quinze hommes furent donc pendus à Nîmes le 2 mars 1944. Un témoin, le pâtissier Faucher, dont la maison faisait face à la cour de l’école put observer la scène. Le Feldgendarme Guttmann, chef du détachement cantonné à l’école de la Croix-de-Fer, assista au départ des hommes destinés à la pendaison dirigea, le lendemain, le peloton d’exécution de SS qui massacra quinze villageois du hameau des Crottes (Ardèche). Les quinze hommes furent pendus dans trois endroits différents de Nîmes, aux principales sorties de la ville (routes d’Uzès, 3 ; de Montpellier : avenue Jean-Jaurès à son intersection avec la route de Montpellier, 6 ; de Beaucaire, 6). Les pendus furent hissés sur le toit des camions. Les cordes étaient attachées à des arbres (avenue Jean-Jaurès, alors avenue de la Camargue) ou sous un pont de chemin de fer, les camions reculaient afin de provoquer la mort des suppliciés qui portaient tous une pancarte avec l’inscription : « Ainsi sont traités les terroristes français ».
Inhumation clandestine, découverte des corps et identification des victimes :
Les actes de l’état civil de Nîmes n’indiquent pas les lieux exacts des décès. Ils se contentent de signaler simplement l’heure approximative (« vers dix-huit heures »). Les corps auraient dû être exposés pendant 24 heures. Toutefois, l’indignation de la grande majorité de la population nîmoise, incita les forces d’occupation à écourter la durée de l’exposition. Le général Wilhelm Bittrich, commandant de la division Hohenstaufen aurait peu apprécié le principe d’exécutions publiques de « terroristes » par pendaisons. Il fit détacher les cadavres des pendus et les fit enterrer peu après en un lieu inconnu.
Le préfet du Gard, le très pro-allemand Angelo Chiappe, conscient de l’émoi des Nîmois, fit aussi pression afin de détacher les pendus au plus tôt. Un agriculteur de Jonquières-Saint-Vincent (Gard), dans la vallée du Rhône, Joseph Quiot, surprit des soldats allemands en train d’enterrer des cadavres dans un champ de luzerne. Deux jours plus tard, le propriétaire du champ, Louis Dany vérifia la présence de cadavres. Il prévint la préfecture du Gard. Les cadavres furent exhumés après la Libération.
Tous furent rapidement identifiés, sauf un. Pendant dix ans, un des corps demeura celui de l’Inconnu de Nîmes. L’enquête menée par Georges Salan, ancien responsable des MUR du Gard, permit son identification. Il s’agissait de René Kieffer, Alsacien replié dans les Cévennes. Salan publia son nom dans sa brochure (op. cit., 1954) où, le premier, il fit le point sur les pendaisons de Nîmes.
Tous les pendus de Nîmes, sauf Kieffer, furent inhumés à Nîmes, au cimetière Pont de Justice, dans le carré 10 D. Le corps de Kieffer fut transporté à Saumane (Gard) à La Carrière, où les anciens du maquis (AS) d’Aire-de-Côte (Voir Rascalon René ) avaient projeté d’établir le cimetière des combattants de leur maquis. De fait, en plus de de la dépouille de Kieffer, on n’enterra à la Carrière de Saumane que celle de Marcel Bonnafoux (1910-1944), un des chefs du maquis (AS) d’Aigoual-Cévennes, successeur du maquis d’Aire-de-Côte) tué au combat du Vigan (Gard) le 16 août 1944.
Le lendemain, les Feldgendarmes qui pendirent publiquement quinze personnes, civils ou résistants à Nîmes, participèrent à une action contre le maquis Bir Hakeim à Labastide-de-Virac (Ardèche). Les maquisards étant partis du hameau des Crottes où ils avaient établi leur cantonnement, les Allemands massacrèrent quinze civils, les habitants du hameau, indépendamment de leur âge et de leur sexe.
Le procès de Marseille (juin 1953) :
Les responsables des pendaisons de Nîmes et du massacre des Crottes, le général Wilhelm Bittrich et le major Ernst Guttmann, comparurent devant le tribunal militaire de Marseille] (Bouches-du-Rhône). Bittrich, fait prisonnier par les Américains, , libéré en 1947 fut réclamé comme criminel de guerre par la France en 1948. Bittrich était également recherché comme criminel de guerre par la Yougoslavie. Il expliqua que, le 2 mars 1944, il n’apprit les pendaisons que tard dans la soirée, ayant été absent de Nîmes pendant la journée. Il affirma avoir eu une altercation très violente avec le colonel Müller, commandant du 20e régiment de grenadiers. Il expliqua qu’il avait donné l’ordre de faire disparaître les corps. La déposition d’officiers qui témoignèrent en faveur de Birttrich fut contredite parfois par les frères Nadal, les deux otages d’Ardaillers inexplicablement libérés. Guttmann, pour sa part, reconnut avoir donné l’ordre de faire pendre les détenus dans l’école de la Croix de Fer. Ce fut aussi lui qui commanda l’exécution des habitants des Crottes mais accusa le lieutenant Peters, tué dans la bataille de Normandie, de lui avoir donné l’ordre de prendre le commandement du peloton qui exécuta les habitants du hameau.
Le verdict fut rendu le 23 juin 1953. Bittrich fut condamné à cinq ans de réclusion et immédiatement libéré car il avait été détenu en prison préventive depuis janvier 1948.. Il bénéficia de remises de peines.
Des plaques commémoratives rappellent les pendaisons de Nîmes. Elles furent apposées après la Libération à proximité des lieux des pendaisons. Une plaque indique le nom de Kieffer sur sa tombe à Saumane. Elle a été apposée après son identification en 1954.
Les pendus de Nîmes :
Otages capturés à Ardaillers :
CARLES Louis
ECKHARDT Émille
JEANJEAN Désir
NADAL Énoc
Résistants et civils capturés à Driolle :
BAUDOUIN Jean-Louis
MATHIEU Roger
ORDINES Jean
ORDINES Miguel
Résistant capturé à Saint-Hippolyte-du-Fort :
KIEFFER René
Polonais arrêtés à Lasalle :
DAMASEWYCZ Jósef
JANKOWSKI Jan
LUKAWSKI Jean
RASJANOWICZ Stanislaw
Maquisards de Bir Hakeim extraits de leur lit d’hôpital à Nîmes :
DONATI Fortuné
LÉVÊQUE Albert
Sources

SOURCES : Sources particulières des diverses notices biographiques. — Gérard Bouladou, Les maquis du Massif Central méridional 1943-1944. Ardèche, Aude, Aveyron, Gard, Hérault, Lozère, Tarn, Nîmes, Lacour Rediviva, 2006, 617 p. [En particulier, pp. 149-150, p. 320]. — Claude Émerique, « Les pendus de Nîmes », in La Résistance dans le Gard, Paris, AERI, CDROM et livret d’accompagnement, 36 p. Paris, 2009. — [Georges Salan], Les pendus de Nîmes, Nîmes, Mouvement de Libération nationale Fédération Gard-Lozère, 1954, 48 p. — Aimé Vielzeuf, Bloc-notes 44 (Dans le Gard, en attendant la liberté), Nîmes, Lacour, 1994, 150 + XXXII p. — Aimé Vielzeuf, En Cévennes et Languedoc. Au temps des longues nuits, Nîmes, Lacour, 2002, 276 p, le chapitre III, « De l’affaire de Saint-Hippolyte-du-Fort aux pendaisons de Nîmes (28 février-2 mars 1944) », pp. 104-195. — René Maruéjol, Aimé Vielzeuf, Le maquis Bir Hakeim, nouvelle édition augmentée, préface d’Yves Doumergue, Genève, Éditions de Crémille, 1972, 251 p.. — Site MemorialGenWeb consulté le 23 octobre 2019. — Site MemorialGenWeb consulté le 4 novembre 2019.

André Balent

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