Né le 13 avril 1904 à Saint-Julien (Rhône), exécuté après condamnation le 4 octobre 1943 à Cologne (Allemagne) ; agent SNCF ; militant communiste ; résistant ; déporté NN.

Mariage de Antoine et Suzanne Berthier, 2 juin 1923.
Archives de Jeanine Berthier.
Fils de Charles Berthier et de Marie Florence David, Antoine Berthier naquit à Saint-Julien, un petit village viticole dans le département du Rhône. Il épousa le 2 juin 1923 Suzanne Herry, à Nayemont-les-Fosses (Vosges) le village natal de cette dernière. Le couple s’installa le 1er décembre 1929 à Jarny (Meurthe-et-Moselle) au n° 3 de la rue de la Renaissance. Il eut cinq enfants. Antoine était aiguilleur au dépôt SNCF de cette ville.
Sous le Front Populaire, il était adhérent au syndicat CGT des cheminots. Le juge d’instruction de Briey rapporta le 9 mai 1942 que « ce dernier (…) n’avait jamais été inscrit au parti communiste » mais Camille Thouvenin, qui fut l’un des trois membres de la direction clandestine du parti communiste, prit contact avec lui au début de l’année 1941.
En mai 1941, Antoine fit « la connaissance d’un individu dont (il) ignore le nom et qu’ (il) n’a jamais revu ; il (lui) demande d’être le dépositaire de tracts communistes. (Il) accepta immédiatement car la lecture de brochures communistes (l’) avaient donné à croire que ce parti avait raison ». Depuis cette date, chaque mois, il retira à la gare de Jarny un colis de tracts ou de brochures venant de Paris selon une procédure très sécurisée. Une lettre lui parvenait précisant la date d’arrivée d’un colis, accompagnée d’un bulletin de bagage à retirer et d’un mot de passe, en général le nom d’une ville ou un prénom. Le colis était expédié de Paris par une personne fictive. Il était destiné à Jarny à une personne tout aussi fictive. Antoine muni du bulletin de bagage se chargeait de retirer le colis de tracts le jour prévu, de le mettre à l’abri chez lui (le plus souvent dans sa cave) après l’avoir fractionné en deux paquets égaux. Ils étaient remis à deux personnes ne résidant pas à Jarny, inconnues de lui, jamais les mêmes, qui venaient les retirer toujours à des moments différents, les paquets étant remis après échange du mot de passe. Sur l’emballage, il grattait le nom de l’expéditeur de Paris et celui du destinataire, « par mesure de précaution, afin d’éviter l’expertise des écritures. ». Les lettres venues de Paris étaient systématiquement détruites après réception.
La vie du couple bascula dans la nuit du 30 avril au premier mai 1942. Antoine avait réceptionné un colis de tracts le 28 avril 1942. Il s’agissait de « papillons qui devaient être distribués pour le 1er mai ». Un autre paquet de brochures polycopiées lui avait été remis par un « individu qui n’était pas du pays » le 30 avril au matin, à la sortie de la gare où il était allé passer une visite médicale. Personne ne se présenta pour les retirer. Ce soir-là, à 21 heures, Antoine et Maria Berthier eurent la visite d’un couple d’amis, les époux Anciaux, venus de Gondreville-Aix en tandem. Antoine connaissait Raymond Anciaux depuis 1938. « Nous étions d’accord sur nos idées communes (communistes) ». Vers 22 heures, munis d’un paquet de tracts, Raymond et Maria Anciaux retournèrent chez eux. Sur le trajet, ils effectuèrent une distribution de tracts à la volée à Abbéville et Fléville. Ils furent surpris en flagrant délit par deux gendarmes de la brigade de Mancieulles. « L’homme est immédiatement enchaîné et, à ce moment, la femme ayant profité de notre occupation, a bousculé et frappé le gendarme Vasseur puis s’est enfuie à l’aide du tandem… ».
« La brigade de gendarmerie de Jarny fut alertée et peu après, une quantité importante de tracts fut saisie au domicile de Berthier ». Antoine y fut arrêté puis écroué à la gendarmerie de Jarny le 1er mai. Immédiatement, Il fut interrogé par l’inspecteur des R.G. de Briey, puis par son supérieur hiérarchique. Antoine blanchit sa femme Suzanne, tout « cela ne la regardait pas ». Une information fut ouverte ce 1er mai par le juge d’instruction de Briey à l’encontre d’Antoine Berthier et Raymond Anciaux pour « activité communiste commise dans l’arrondissement de Briey courant 1941 et 1942 ». Maria et Suzanne ayant été arrêtées, une confrontation générale eut lieu le 7 mai. Le 9 mai, le réquisitoire définitif étant établi, « le renvoi des quatre inculpés devant la section spéciale près la Cour d’Appel de Nancy » était ordonné. Le procureur de l’État français auprès du tribunal de Briey informa, le 9 mai, le procureur général près la Cour d’Appel de Nancy que « les autorités allemandes, qui ont de leur côté, procédé à une instruction séparée, ont fait extraire les inculpés de la maison d’arrêt de Briey, à la date du 7 mai, pour les transférer en un lieu qui n’a pu m’être donné ». « Les époux Berthier furent emmenés à Nancy (au quartier allemand de la prison Charles III), où ils restèrent pendant un mois environ. Depuis cette date, aucune nouvelle n’est parvenue à leurs enfants ». Le 27 mai, ils quittaient la prison Charles III, Antoine pour la prison de Fresnes et Suzanne pour la prison de la Santé à Paris.
Antoine et Raymond furent déportés Nuit et Brouillard (NN) le 12 juin 1942. Antoine Berthier devait connaître le SS Sonderlager d’Hinzert puis la prison de Wittlich à partir du 13 juin 1942, enfin la prison de Cologne-Klingelpütz à partir du 15 avril 1943. Les deux couples furent jugés par le Sondergericht (tribunal spécial) de Cologne le 4 juin 1943, qui les condamna à la peine de mort pour « avantages procurés à l’ennemi ».
Antoine Berthier et Raymond Anciaux furent exécutés à la prison Klingelpütz de Cologne le 4 octobre 1943.
Suzanne Berthier et Maria Anciaux furent exécutées le 20 janvier 1944 à Dortmund. Le commissaire aux R.G. de Briey, obtint le 29 mai 1942 le droit de se faire remettre la correspondance postale des époux Berthier, « de manière à pouvoir intercepter l’arrivée d’autres envois de tracts et éventuellement de découvrir l’expéditeur ».
Camille Thouvenin, après la guerre, précisa dans ses notes que « notre camarade Berthier de Jarny, cheminot et photographe (fut aussi) responsable de notre travail de renseignement. » Antoine Berhier n’avoua pas ce travail de renseignement qui ne fut, en conséquence, pas connu des polices vichyssoise et allemande.
Antoine Berthier fut ré inhumé dans la nécropole nationale du Struthof (Bas-Rhin), tombe 69, carré B, rang 4. Il a été reconnu Mort pour la France et homologué FFI. Son nom est gravé à Jarny sur le monument aux morts, sur la plaque commémorative aux agents de la SNCF et sur le monument aux déportés.
Sources

SOURCES :
Arch. Dép. Meurthe-et-Moselle : 6 M 33-271 : Recensement de 1936, commune de Jarny ; 1447 W 1 : Dossiers pour la section spéciale près la Cour d’Appel de Nancy concernant les époux Berthier et Anciaux ; WM 329 : Rapports de gendarmerie concernant l’arrestation des époux Berthier et Anciaux ; 927 W 8 : Rapport du commissaire de police de Conflans au sous-préfet de Briey daté du 22 avril 1944 ; 1447 W 1 : Rapports d’audition par les policiers des Renseignements Généraux du 1er mai 1942, procès verbal de confrontation du 7 mai 1942, réquisitoire définitif du 9 mai 1942, lettre du procureur de Briey datée du 9 mai 1942 ; W 1556-4 : Registre des affaires du Parquet de Briey (14 juin 1940 au 15 juillet 1942). — SHD Caen : Dossier AC 21 P 424 988. — Karol Jonca et Alfred Konieczny : Nuit et Brouillard. NN. L’opération terroriste nazie 1941-1944 La vérité, Imprimerie Le Dragon à Draguignan, 1981.— Jean-Claude Magrinelli, L’affrontement, Éditions Kaïros, Nancy, 2019. — Camille Thouvenin, La résistance en région Est , document dactylographié sans date. — AFMD : Livre mémorial de la déportation.

Jean-Claude Magrinelli

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