Né le 30 décembre 1921 au Havre (Seine-Inférieure/Seine-Maritime), mort des suites de ses blessures au combat le 22 août 1944 à Toulon (Var) ; enseigne de vaisseau ; officier de la France libre-France combattante.

Toulon, avenue Le Châtelier, stèle Jean Ayral
Toulon, avenue Le Châtelier, stèle Jean Ayral
Jean Ayral (Corse 1944)
Jean Ayral (Corse 1944)
Né dans une famille de la droite catholique et patriote et marqué par ce milieu, Jean Ayral était le fils de Georges Ayral, directeur commercial à la Compagnie générale transatlantique à Paris (Seine) et de Lucie Martin. Il fit ses études au collège Sainte-Croix de Neuilly-sur-Seine, puis au lycée Saint-Louis à Paris. En 1940, il préparait le concours d’entrée de l’École polytechnique à Dax (Landes). Ayant entendu le général de Gaulle le 18 juin à la BBC, il embarqua le 20 à Bayonne (Basses-Pyrénées/Pyrénées-Atlantiques) sur le patrouilleur Président Houduce qui atteignit Gibraltar le 25. Incorporé comme matelot sur le Rhin, paquebot de la Compagnie Paquet transformé en croiseur auxiliaire, il gagna la Grande-Bretagne, où le bâtiment, rebaptisé HMS Fidelity, intégra la Royal Navy. Enseigne de vaisseau de 2e classe (sub-lieutenant dans la Royal Navy) en septembre 1940, il fit fonction d’officier de tir et parvint à abattre deux avions lors d’une attaque de nuit en mai 1941. Débarqué en octobre 1941 à la suite d’un accident avec une jambe cassée, il chercha une autre affectation. Une fois rétabli, il signa un engagement dans les Forces françaises libres (FFL) sous le pseudonyme de Robert Harrow. Après un stage à l’état-major de la Marine, il entra sur sa demande au Bureau central de renseignements et d’action (BCRA) en février 1942. Après une formation au centre d’Inchmerry dans le Hampshire, il se porta volontaire pour une mission en France. Parachuté sous le nom de code de Pal (Pal A en temps que chef de mission), avec son radio François Briant (Pal-W) et Daniel Cordier (Bip-W), dans la nuit du 26 au 27 juillet 1942 dans la région de Montluçon (Allier), il se blessa à l’atterrissage en heurtant un arbre avec la tête et fut hébergé à Lyon (Rhône) avant d’être affecté comme officier de liaison auprès de Libération-Nord dans la région de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Le contact avec ses responsables, Christian Pineau et Jean Cavaillès, fut mauvais. Ils ne l’attendaient pas et rien n’avait été prévu pour son accueil. Son radio et lui ne furent pas bien utilisés. Il essaya de monter un réseau radio puis des opérations par Lysanders qui échouèrent. Il fut présenté à Jean Moulin par son ami Paul Schmidt, l’officier d’opérations qui l’avait réceptionné et hébergé. Jean Moulin, mis au courant de la situation d’Ayral, projeta de l’envoyer avec son radio en zone occupée pour épauler les réseaux avec lesquels il était en contact (bien que son rôle soit pour l’heure limitée à la zone non occupée). Ils y furent transférés, avec l’accord de Londres et leur accord, à la fin de l’année pour assister Henri Manhès alias Frédéric, représentant de Moulin en zone nord. Ayral passa la ligne de démarcation le 30 novembre. À Paris, il prit en charge en particulier deux des grands mouvements de cette zone, Ceux de la Résistance (CDLR) et Ceux de la Libération (CDLL) pour qui il fit homologuer une soixantaine de terrains de parachutages. Il eut à ce moment-là des contacts difficiles avec Pierre Brossolette* qui voulait remplacer Moulin et qui essaya de le séparer de lui. Ses relations ne furent pas bonnes non plus avec le colonel Passy, chef du BCRA, qu’il jugea comme « une brute sans cœur ». Les manœuvres de Brossolette, soutenu par Passy, contre Moulin le dégoûtèrent. Malgré des déboires dans les liaisons radio (perte d’émetteurs, arrestations d’un radio, etc.), il put commencer à réceptionner en mars 1943 un premier parachutage au sud de Chartres (Eure-et-Loir) et, en avril, il se vit confier par Jean Moulin la mission de créer le Bureau des opérations aériennes (BOA) en zone nord afin de coordonner ces opérations. La zone fut divisée en quatre régions, Nord, Est, Ouest et Centre dont il était directement chargé. Mais, au même moment, la chute et le retournement d’un agent de liaison par le Sipo-SD entraina une cascade d’arrestations dans CDLL. Lui-même, bien qu’ayant changé d’adresse et de fausse identité (Robert Gautier devenant Jean Guérin), fut pris le 28 avril 1943 à Paris au 20 boulevard des Filles-du-Calvaire. Il écrira dans son journal de guerre que ce fut « le jour le plus marquant de ma vie ». Il fut conduit à l’Hôtel Cayré, boulevard Raspail, où il se trouva avec quatre résistants arrêtés en même temps que lui qui attendaient l’interrogatoire. Après avoir réussi à avaler les papiers et microfilms compromettants qu’il avait sur lui, il réalisa l’une des évasions les plus spectaculaires de la Résistance. Profitant de l’absence d’une sentinelle, bousculant et assommant celles qui restaient dans la pièce, dans le couloir et dans le hall de l’hôtel, il se projeta sur la porte-tambour de la sortie avec un telle force qu’il en éjecta trois soldats qui arrivaient à la rescousse. Malgré les tirs, il put s’échapper (et permit à ses quatre camarades d’en faire autant). Caché dans le grenier d’un immeuble de la rue de Grenelle, aidé par le concierge, il regagna le lendemain l’une de ses « planques ». Il fut félicité par Jean Moulin (« Tous mes compliments pour votre cran et votre présence d’esprit. Vous avez bien mérité de l’équipe ») qui lui demanda cependant de cesser le travail clandestin. Il put à regagner Londres par une opération aérienne le 16 juin 1943. Son évasion inquiéta les services britanniques qui l’interrogèrent trois fois avant de reconnaître sa véracité de saluer son exploit. Il passa plusieurs mois en Angleterre pour se reposer et soigner la blessure contractée en juillet 1942. Il en profita pour rédiger son « Journal de guerre » en octobre. Il fut nommé alors à l’état-major particulier du général de Gaulle à Alger comme officier du BCRA. Il avait été promu enseigne de vaisseau de 1e classe en janvier 1943 et fut honoré du titre de Compagnon de la Libération par le décret du 10 décembre 1943. Il créa, début 1944, en Corse le service chargé d’effectuer les opérations maritimes clandestines pour le compte des services français vers la métropole et l’Italie occupées avec le concours de la marine britannique. Il dirigea lui-même avec succès ces opérations. Souhaitant retourner sur le continent, il fut désigné pour diriger un commando de sept sous-officiers et hommes de l’aéronautique chargé de venir en renfort pour l’équipe antisabotage du port de Toulon (équipe Sampan). Sa mission, baptisée Gédéon (son nouveau nom de code), fut parachutée avec dix-huit containers d’armes et de matériel dans la nuit du 11 au 12 août 1944 à Brue-Auriac, dans le Centre-Var. Ne pouvant pénétrer dans le camp retranché de Toulon, le débarquement de Méditerranée ayant eu lieu sur les plages varoises le 15, le commando participa avec les FFI (Forces françaises de l’Intérieur) à la libération de la haute vallée du Gapeau, attendant à Signes (Var) l’arrivée des Alliés. Il fut rejoint le 19 par les tirailleurs algériens appartenant à la 3e division d’infanterie algérienne chargée par le général de Lattre de Tassigny de contourner et d’encercler le camp retranché. Le 3e RTA était commandé par le colonel de Linarès qu’Ayral avait essayé de faire partir par Lysander à l’automne 1942. Son commando participa à la conquête du carrefour du Camp (commune du Castellet), carrefour stratégique ouvrant la route de Marseille. Il s’infiltra ensuite avec les hommes du Bataillon de choc par les massifs du nord de Toulon à l’intérieur du camp retranché. C’est en s’avançant avec eux dans le quartier des Routes, au nord-ouest de la ville, qu’il fut mortellement blessé par erreur par une de leurs patrouilles, le 21 août, vers 15 heures 45. Transporté à l’hôpital de l’Oratoire, il mourut le lendemain.
Inhumé par la suite à Neuilly-sur-Seine, il fut reconnu « Mort pour la France » et décoré à titre posthume de la Légion d’Honneur, de la Croix de Guerre 1939-1945 (3 citations), de la Military Cross et de l’Atlantic Star britanniques. Son nom a été donné à une rue de Toulon au quartier des Routes et une plaque rappelant sa mémoire a été inaugurée probablement le 8 novembre 1976 au n°556 de l’avenue Le Châtelier.
Sources

SOURCES : sites internet Mémoire des hommes SHD Caen AC 21 P CC8 62 A 429 et ordredelaliberation.fr. — Xavier Jean Reyès Ayral, Héroïsme : Jean Ayral, Compagnon de la Libération. Histoire et Carnets de guerre de Jean Ayral (18 juin 1940-20 août 1944), Paris, L’Harmattan, 2013. — Jacques Baynac, Jean Moulin juin 1940-juin 1943, Paris, Hachette, 2009, p. 638-640. — François Berriot, Autour de Jean Moulin. Témoignages et documents inédits, Paris, L’Harmattan, 2013. — Daniel Cordier, Jean Moulin, la République des catacombes, Paris, Gallimard, 1999. —Jean-Marie Guillon, La Résistance dans le Var, Université Aix-Marseille I, thèse d’État, 1989. — Henri Noguères, Histoire de la Résistance en France novembre 1942-septembre 1943, tome 3, Paris, Robert Laffont, 1972. — témoignages (colonel Gouzy, Historique de la mission Sampan).— registre des décès Toulon (Arch. municipales 4 E 139). — renseignements aimablement fournis par son neveu, Philippe Ayral.

Jean-Marie Guillon

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