Né le 10 février 1916 à Dinslaken en Allemagne, exécuté le 27 août 1944 à Verzenay (Marne) ; cafetier-restaurateur ; victime civile.

Rufin Waïda
Rufin Waïda
SOURCE :
Photo communiquée par Clémence Lemoine
Sur le monument</br>aux martyrs de la Résistance de Reims
Sur le monument
aux martyrs de la Résistance de Reims
SOURCE : 
Photos Jean-Pierre et Jocelyne Husson
Rufin Waïda était le fils de Joseph Waïda, ouvrier mineur, et d’Émilie Pauline Kittel, tous les deux nés en Pologne dans la région de Katowice. Ses parents s’étaient connus en Allemagne où Joseph Waïda était venu chercher du travail. Peu de temps après la naissance de Rufin, sa famille s’était enfuie d’Allemagne pour aller s’installer en Hollande, pays neutre. Revenue un temps en Allemagne après la 1ère guerre mondiale, elle avait émigré en France en 1924, s’était installée d’abord à Divion (Pas-de-Calais), puis dans un coron de Waziers (Nord). Joseph Waïda, son épouse et leurs quatre enfants avaient été naturalisés à Douai (Nord) en 1932. Rufin Waïda, dont la langue maternelle était le polonais, avait été scolarisé en Allemagne, avait appris le français à l’école de Douai, et il était capable de s’exprimer selon les circonstances dans les trois langues. Dès l’âge de 13 ans, il a exercé la profession de garçon de café à Douai puis à Lille et à Paris. En 1935, il a signé un engagement de trois ans dans l’Armée de l’Air et il a été affecté au mess des sous-officiers de la Base 112 de Reims (Marne). En 1938, il a épousé Élisabeth Lucie Régina Majchrzak à Sin-le-Noble (Nord) et de cette union est née en octobre 1939 une fille, Claudine. Le couple est venu s’installer à Reims où Rufin a pris en gérance le Bar de l’Aviation.

Mobilisé en 1939, fait prisonnier en mai-juin 1940, Rufin Waïda a réussi à s’évader du camp de Limburg-Stalag XII A, à revenir en France, à passer en zone Sud où il a été démobilisé, puis à rentrer à l’automne 1941 à Reims, où il a retrouvé son épouse. Le couple y a tenu l’Hôtel-restaurant Sarrail, puis Le Lido acheté en mars 1943.
Le 20 août 1944, deux civils, René Lentremy et Marcel Clep, se sont présentés dans l’établissement de Rufin Waïda en se faisant passer pour des résistants désireux de rejoindre le maquis. Ils appartenaient en réalité à « une bande de supposés miliciens, agents français d’un service de renseignements allemand » qui se repliaient vers l’Allemagne, et dont la mission était de dépister les résistants et de localiser les maquis. Rufin Waïda leur a dit de s’adresser à un responsable rémois de la Résistance, Raymond Bourlon, secrétaire de police au commissariat central.

Rufin Waïda a été arrêté dans son établissement par un officier et un groupe de feldgendarmes guidés par Lentremy et Clep. La date de son arrestation varie selon les sources : le 24 août 1944 selon la fiche du COSOR (Comité des œuvres sociales des organisations de Résistance) rédigée à partir des informations fournies par son épouse Elisabeth, qui n’a pas assisté à son arrestation, car elle se trouvait au domicile de ses beaux-parents, rue Gonzalle dans le quartier de la Verrerie, où elle a accouché le 25 août 1944 d’un petit garçon ; le 25 août 1944 au matin, selon Émile Waïda, frère cadet de Rufin Waïda, témoin de son arrestation.
Sur le rapport de l’enquête de la Police judiciaire de Reims réalisée sur commission rogatoire du juge d’instruction de la Cour de Justice de la Marne le 26 mai 1945, au sujet du rôle joué par René Lentremy dans l’arrestation de Rufin Waïda, un quatre a été tapé en surimpression à la machine à écrire sur le 5 de la date du 25 août 1944.

Rufin Waïda a été interrogé à l’antenne de la Gestapo 18, rue Jeanne d’Arc à Reims, et a été emmené à Verzenay à la Ferme de l’Espérance où la bande de Lentremy avait installé son cantonnement et où on perd sa trace.

Arrêté à Paris le 19 novembre 1944 où il était revenu en passant les lignes pour exécuter un agent allemand passé au service des Américains, René Lentremy a été écroué à la prison de Fresnes (Seine, Val-de-Marne). Interrogé par un officier de Police judiciaire, il a déclaré qu’aussitôt après avoir arrêté Rufin Waïda, le commissariat central de Reims avait été encerclé et investi par la Felgendarmerie. Il a affirmé avoir participé en uniforme allemand à cette opération de police et à la perquisition des locaux du commissariat, perquisition qui avait permis de découvrir une liste de résistants et d’arrêter André Watier et Henri Tourte conduits eux aussi à la Ferme de l’Espérance. Selon ses propres aveux, il les a exécutés séparément tous les trois de sa propre main au cours de la journée du 27 août 1944.

Alerté, le commissaire Raymond Bourlon a échappé à l’arrestation et il est passé à la clandestinité. Interrogé en mai 1945, il a situé l’opération de police menée contre le commissariat central de Reims le 26 août 1944.

Au cours de son interrogatoire par la Police judiciaire parisienne en novembre 1944, René Lentremy a déclaré au sujet de l’exécution de Rufin Waïda :
« Nous avons emmené Waïda en voiture à quatre cents mètres environ de la ferme. Nous l’avons fait descendre en chemise, à la lisière d’un bois d’où il tenta de s’enfuir. Je me suis précipité à sa poursuite pendant environ trente mètres et j’ai tiré sur lui avec ma mitraillette. Waïda est tombé mais, comme il bougeait encore, je me suis approché de lui et j’ai envoyé à bout portant une rafale dans la tête. Aidé des autres, nous avons ensuite enterré le cadavre ».

Un jugement du tribunal civil de Reims daté du 18 novembre 1948 et transcrit à l’état civil de Reims le 21 décembre 1948, déclare Rufin Waïda décédé le 24 août 1944, sans préciser ni le lieu ni les circonstances de sa mort. En marge de cette transcription figurent deux mentions : « Mort pour la France », puis « Mort en déportation. Décision du ministre de la Défense en date du 27 décembre 2001. Reims le 6 mars 2003 ». Cet arrêté ministériel, publié au JO du 1er mars 2002, déclare Rufin Waïda « Mort en déportation le 24 août 1944 sans autre renseignement ».

À Reims, le nom de Rufin Waïda, orthographié « Ruffin Waïda », est inscrit sur la plaque dédiée aux « Victimes civiles de la répression nazie » du Monument aux martyrs de la Résistance et de la Déportation.

Le 29 janvier 1946, René Lentremy a été condamné à mort par la Cour de Justice de la Marne pour atteinte à la sûreté intérieure de l’État et intelligence avec l’ennemi, peine commuée le 20 mars 1946 en travaux forcés à perpétuité, et le 29 juin 1950 en 20 ans de travaux forcés. Le 4 octobre 1953, incarcéré depuis 48 heures dans la prison d’Eysses à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), il est parvenu à s’évader à la faveur d’une corvée extérieure et a été repris. Suite à plusieurs autres remises de peine, il a été libéré le 22 janvier 1960. Il avait alors 37 ans.
Sources

SOURCES : Arch. Dép. Marne, 7 U 60 n° 253, Cour de Justice de la Marne, dossier Lentremy. – Arch. COSOR de la Marne. – L’Égalité de Roubaix-Tourcoing, 21 août 1934. – Informations et photographie communiquées par Clémence Lemoine, petite nièce de Rufin Waïda, et mémoires d’Émile Waïda, frère de Rufin Waïda. – Husson Jean-Pierre, La Marne et les Marnais à l’épreuve de la Seconde Guerre mondiale, Presses universitaires de Reims, 2 tomes, 2e édition, 1998. – Jean-Pierre et Jocelyne Husson, La Résistance dans la Marne, dvd-rom, AERI-Département de la Fondation de la Résistance et CRDP de Champagne-Ardenne, Reims, 2013. – État civil, Dinslaken (traduction de l’acte de naissance) ; Reims (transcription du jugement du tribunal civil de Reims).

Jocelyne Husson, Jean-Pierre Husson

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