Né le 3 juin 1909 à Bellegarde (Ain), mort sous la torture le 14 février 1944 à Annecy (Haute-Savoie) ; boulanger ; résistant.

Le 7 octobre 1924, Barthélémy Raymond s’engagea dans la Marine à Brest et suivit l’école des mousses à 15 ans, puis entama une carrière militaire sur la « Marseillaise », puis sur la « Bretagne » et le « Strasbourg ». Il fit la campagne du Rif, où il fut sérieusement blessé. Il reçut la Médaille militaire et la Croix de guerre. Démobilisé, il vint s’installer à Annecy (Haute-Savoie) en 1941.
Boulanger dans la rue Sainte-Claire, il fournissait du pain aux maquisards qui le sollicitaient. Alias Fan Fan, il fournit aussi de fausses cartes d’identité, aida des jeunes à se soustraire au S.T.O. et effectua même des transports d’armes. Le gendarme Pierre Gal, emprisonné le 4 février avec les inspecteurs Roger Bigaud*, Marcel Desgerines (déporté) et Charles P…, dit dans sa déposition du 28 octobre 1944 : « L’inculpation de P… n’était pas grave (délivrance d’une dizaine de fausses cartes d’identité). Sans avoir été maltraité P… reconnu les faits et déclara avoir remis des cartes d’identité au boulanger Raymond (martyrisé et victime de la Milice) qui l’avait sollicité. P… ne s’arrêta pas là, il accusa Raymond d’être un chef de groupe franc dans le Jura et signala qu’il connaissait un dépôt d’armes. A la suite de cette déclaration Raymond fut arrêté à son domicile et enfermé dans la cave de la Milice avec nous. Quelques jours après les tortionnaires vinrent chercher Raymond pour l’interroger. Ce n’est que très longtemps après (2 ou 3 heures) et après confrontation avec P… qu’il fut ramené à la cave par plusieurs miliciens dans un état pitoyable. Il était exténué et ne pouvait plus se tenir debout. Raymond m’a déclaré qu’il avait nié énergiquement les faits qui lui étaient reprochés, malgré les coups et qu’il continuerait jusqu’au bout. A plusieurs reprises, Raymond subit de longs interrogatoires et fut chaque fois roué de coups. Dès le premier jour, il se plaignait de violentes douleurs au ventre et à l’estomac et depuis ce moment, il ne put avaler quoi que ce soit, pas même une goutte d’eau qu’il rejetait aussitôt et les jours suivants, il cracha et urina du sang. Ce brave patriote qui fut laissé sans soins par nos tortionnaires, mourut dans d’atroces souffrances, une dizaine de jours après son arrestation et les miliciens reconnurent, avant d’être fusillés qu’ils lui avaient ouvert le ventre pour le remplir de pierres et qu’ils avaient ensuite jeté son corps au lac. »
Le chef départemental de la Milice déclarera, lors du procès des miliciens au Grand-Bornand le 23 août 1944 : « A propos de l’affaire Raymond, j’ai su que ce dernier avait été arrêté par la S.A.C. et sérieusement brutalisé, à tel point que les coups avaient entraîné la mort, alors qu’il se trouvait dans les caves de l’immeuble, 50 rue des Marquisats. Comme le terrain était gelé (nous étions en février ou mars 1944), il convenait de faire disparaître le corps. Le colonel Lelong était parfaitement au courant de cette affaire et des circonstances de la mort de Raymond. Il a dit textuellement à Fourcade : « Démerdez-vous, je ne veux plus entendre parler de ça ». Il voulait dire par-là : « Moi je m’en lave les mains, débrouillez-vous avec ». Devant cette réponse Fourcade était bien embarrassé, mais avec l’aide de quelques policiers, il conçut une idée extrêmement « satanique ». Ils convinrent de faire disparaître le corps de Raymond en l’immergeant dans le lac d’Annecy après lui avoir ouvert le ventre pour l’empêcher de flotter, mais il répugnait à ces messieurs de faire un tel ouvrage. Ils décidèrent que ce travail serait fait par deux miliciens. Ces miliciens furent choisis par eux. Il s’agissait de Carlet et de Boivet. La tâche répugnante fut exécutée par Boivet. Le milicien Carlet n’opérant que la mise en sac. Du reste Boivet s’était évanoui et ne pouvait accomplir autre chose que ce qu’il venait de faire, soit l’ouverture de l’abdomen du cadavre. Ensuite les policiers de la S.A.C. prirent un canot qui était ancré à proximité et transportèrent le colis funèbre au milieu du lac où ils le jetèrent par-dessus bord. Pour faciliter leur manœuvre ils allèrent trouver les gardes du barrage pour les prévenir qu’ils allaient faire une sortie sur le lac vers 22 heures, afin qu’ils ne tirent pas sur eux. Je tiens ces détails de la bouche même des policiers qui riaient à gorge déployée en me racontant cela. J’étais pleinement écœuré de cette façon d’agir et je le suis encore… » Précisons que le chef milicien Barbaroux n’était pas à Annecy à ce moment-là, puisque malade et qu’il fut fusillé au Grand-Bornand, de même que Boiret Lucien et Carlet Maurice. Quant à P… il fut libéré pour entrer dans la police de la S.A.C. et œuvrer dans la vallée de l’Arve.
Le boulanger Raymond est donc mort sous la torture le 14 février 1944, avant que son corps ne soit coulé dans une barque au large de La Puya, où le lac est particulièrement profond. 55 ans plus tard, des plongeurs retrouvèrent une barque engluée dans la vase dans le fameux trou du Boubion. Le journal, l’Essor Savoyard écrit « Comme ils étaient 8, ils la soulevèrent et découvraient sous la coque un squelette qu’ils ramenèrent à la surface. Ils firent part de leur découverte à quelques connaissances du milieu annécien… » Un médecin, des anciens résistants, dont Lucien Bollard, responsable de la section des Evadés (M.R.E.F.) qui me l’a confirmé sans hésitation, ont affirmé qu’il s’agissait du boulanger Raymond. Son épouse était décédée quelques mois auparavant. Rappelons pour mémoire que de nombreux boulangers sont morts pour la France pour avoir aidé et ravitaillé les réfractaires et les maquisards.
Une plaque apposée sur le rocher de la Puya rappelle tout à la fois la barbarie milicienne et son martyr. Il figure sur les plaques de marbre noir récapitulatives des « Morts pour la France » apposées dans le hall de la mairie d’Annecy. Il est reconnu « Mort pour la France » le 19 juillet 1945, (acte de décès Annecy 134/1945) et Interné résistant.
Sources

SOURCES : Michel Germain, Haute-Savoie Rebelle et martyre, Mémorial de la Seconde guerre mondiale en Haute-Savoie, La Fontaine de Siloé, 2009. — Mémoire des Hommes. — Service historique de la Défense, Caen SHD/ AC 21 P 648543 et Vincennes GR 16 P 501474.

Michel Germain

Version imprimable