Né le 2 août 1918 à Datteln (province de Westphalie, Prusse, Empire allemand ; aujourd’hui, land de Rhénanie du Nord-Westphalie, République fédérale d’Allemagne), mort le 24 août 1940 au Vernet-d’Ariège (Ariège) ; réfugié en France ; interné au camp du Vernet-d’Ariège ; abattu par un garde mobile français

Albert Borkiewicz (1918-1940). Tombe au Vernet-d’Ariège (Ariège)
Cliché : André Balent, 23 août 2021
Le Vernet-d’Ariège (Ariège), mémorial du camp (1939-1944). Vue générale de la tombe d’Albert Borkiewicz (1918-1940)
Cliché : André Balent, 23 août 2021
D’origine juive, Albert Borkiewicz était, en 1940, interné au camp du Vernet-d’Ariège, au nord de Pamiers, près d’une gare ferroviaire de la ligne de Portet–Saint-Simon (Haute-Garonne) à Latour-de-Carol (Pyrénées-Orientales) et de la route nationale 20 reliant Toulouse à l’Espagne et à l’Andorre. Il était d’origine polonaise, mais de nationalité allemande (des Polonais de la pertie de la Pologne annexée à la Prusse avaient émigré dans la Ruhr, pendant la révolution industrielle). En août 1940, sa mère résidait dans les environs de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).
Créé le 26 février 1939 pour les Espagnols de la Retirada et les volontaires des Brigades internationales originaires des pays autoritaires ou dictatoriaux, le camp du Vernet-d’Ariège « hébergea » aussi à partir de septembre 1939 des Allemands et Autrichiens réfugiés en France et considérés comme ressortissants d’un pays ennemi après le déclenchement de la guerre. Le camp du Vernet était alors considéré comme camp « disciplinaire pour étrangers » (non traduits devant un tribunal). Les conditions de détention y étaient extrêmement sévères. En mai 1940, il fut réservé en priorité aux « étrangers indésirables » de 58 nationalités, le plus souvent des « politiques », les Allemands — « anciens » (ressortissants du Reich dans ses frontières de 1937) ou « nouveaux » (Autrichiens, Sudètes, Dantzigois …) —, surtout des communistes, étant très nombreux. Ils rejoignaient les brigadistes qui s’y trouvaient encore, ainsi que des Espagnols, dont beaucoup d’anarchistes présents depuis les débuts du camp. Nous ignorons à quel titre Albert Borkiewicz fut interné dans ce camp disciplinaire, surpeuplé et insalubre. Le seul fait qu’il ait été détenu dans un camp comme Vernet le classe parmi,les détenus politiques. Il est difficile, toutefois, étant donné la date et son statut de le répertorier comme « résistant ».
Le camp fut visité le 17 août 1944 par la commission allemande prévue par l’article 19 de la convention d’armistice afin de recenser les anti-nazis et les Juifs. Ce jour-là, les internés eurent très peur car ils curent que leurs bourreaux nazis venaient les rassembler afin de les ramener dans le Reich. Toutefois, même si le passage de la commission allemande et la menace qu’elle laissait planer sur les ressortissants du Reich servit de catalyseur à ce mouvement de révolte qui éclata au Vernet-d’Ariège, le 19 août 1944, ce furent en premier lieu les conditions de vie déplorables (hébergement et, surtout, nourriture) qui en furent la cause principale. Il se traduisit par le refus collectif d’obéissance, une pétition (à remettre au colonel dirigeant le camp), l’élection de délégués parmi lesquels émergea Luigi Gallo [Luigi Longo, communiste italien, l’un des dirigeants des Brigades internationales en Espagne]. À la suite de ce mouvement, le 19 août, les gardes mobiles affectés à la garde du camp reçurent des « carabines » (Bruno Frei, op. cit.).
Albert Borkiewicz fut abattu sommairement en marge de ce mouvement que nous connaissons grâce au témoignage du journaliste communiste autrichien Bruno Frei (1897-1988) interné au Vernet de septembre 1939 à 1941 date à laquelle il fut transféré aux Milles (Bouches-du-Rhône). Le samedi 24 août, vers 10 heures du matin, Borkiewicz, avec un autre détenu, était de corvée de latrines. Ils s’était éloignés quelque peu du groupe. Un gendarme tira sur eux à bout portant. Borkiewicz fut tué et son corps transporté à la morgue du camp. Son camarade, blessé fut amené à l’hôpital de Pamiers. Le gendarme « joufflu », surnommé « Le paysan » (Bruno Frei, op. cit.) se vanta d’avoir tiré le coup mortel. Il prétendit que les deux internés avaient fait une tentative de fuite. Les internés, émus, crièrent : « Assassin !, Assassin ! », « Ils ont tiré ? Il y a des morts et des blessés » (Bruno Frei, op. cit., p. 148). Ils manifestèrent puis s’enfermèrent dans leurs baraques. Une quête fut organisée afin de pouvoir acheter une couronne pour la tombe de Borkiewicz. Vers 3 heures de l’après-midi, les internés qui s’étaient déplacés vers la haie de la clôture crièrent : « À bas les meurtriers ! ». Ils entonnèrent « J’avais un camarade ! ». Ils formulèrent à nouveau les revendications matérielles déjà présentées les jours précédents et sollicitèrent d’aller pouvoir acheter une couronne. Luigi [Longo] accompagné par un garde mobile se rendit dans une localité voisine (Pamiers ? Saverdun ?) fut autorisé à effectuer cet achat. Cette grande couronne portait l’inscription : « À leur camarade tombé, les internés du quartier B ». Borkiewicz fut inhumé au cimetière du camp du Vernet (tombe n°70).
Dans le livre de Bruno Frei (op. cit.), son nom est orthographié « Borkievic ». Claude Delpla, dans ses notes manuscrites ou tapuscrites l’orthographie « Borkievitch », translittération phonétique en français. La désinence « cz » (Prononciation « tch ») est la seule correcte dans l’orthographe polonaise
Sources

SOURCES : Arch. dép. Ariège, 64 J 23, fonds Claude Delpla, listes manuscrites de fusillés et morts en action, fiches individuelles manuscrite et tapuscrite. — Bruno [Benedikt] Frei, Les hommes du Vernet, traduction et introduction de Georges Dimon, Amicale des anciens internés et résistants du camp de concentration du Vernet-d’Ariège, s. l., s. d. [1975 ?], 215 p. [pp.127-128 ; 148-149] (1e édition allemande : Die Männer von Vernet, Berlin, Ein Tatsachsenberich, 1950).

André Balent

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