Le 27 juillet 1944, une unité allemande, ratissant le massif du Vercors, investit, sur la commune de Saint-Agnan-en-Vercors, la grotte de la Luire où s’était réfugié l’hôpital du maquis du Vercors. Sur la cinquantaine de blessés et de soignants encore présents, 29 pu 30 furent victimes le jour même ou un peu plus tard de la répression nazie.

Les maquis du Vercors se mirent en place à partir des premiers mois de 1943 dans tout le massif. L’annonce du débarquement de Normandie entraîna l’arrivée massive de centaines d’hommes. À la mi-juillet, près de 4 000 Résistants étaient dans le Vercors, soit la plus importante concentration de la région. Dans la crainte de voir arriver des troupes en nombre important à partir des terrains d’aviation en cours de construction, le commandement allemand lança le 21 juillet 1944 une opération aéroportée contre le village de Vassieux-en-Vercors. 200 hommes issus en grande partie du Fallschirm-Kampfgruppe « Schäfer », furent aéroportés de Lyon-Bron à Vassieux par des planeurs remorqués par des Dornier-17. Dans le même temps des troupes allemandes furent chargées d’encercler et d’investir le Vercors. A partir du 23 juillet, les unités allemandes commencèrent le ratissage du massif, progressant vers Saint-Martin-en-Vercors et Saint-Agnan-en-Vercors où se trouvaient les principaux postes de commandement du maquis.
Le 8 juin 1944, un hôpital destiné aux blessés du maquis avait été installé sur la commune de Saint-Martin-en-Vercors sous la direction du docteur Ganimède. Le 22 juillet, devant la menace allemande, l’ordre fut donné de déménager l’hôpital à Die. Devant l’impossibilité de l’installer dans la ville occupée par les Allemands, le commandement décida de l’abriter dans la Grotte de la Luire, dans la vallée de la Vernaison, lieu retiré et difficile d’accès de la commune de Saint-Agnan-en-Vercors. Après plusieurs évacuations réussies vers Die et Romans (plus de la moitié du groupe de départ), et le décès de plusieurs blessés dans la grotte entre le 23 et le 27 juillet (MALLEIN Pierre, MUROT Henri et RICORDEAU Édmond), il restait au matin du 27 juillet 1944 une quarantaine de blessés difficilement transportables (dont quatre prisonniers blessés de la Wehrmacht) et treize personnes constituant le personnel soignant.
Le 27 juillet, vers 16 heures, des soldats allemands firent irruption à l’entrée du porche de la grotte. Les quatre prisonniers de la Wehrmacht, reconnaissant des camarades de leur unité, leur crièrent de ne pas tirer, disant "ils nous ont soignés". Devant un début de fraternisation de ses hommes, le chef du groupe les rappela à l’ordre, jugeant que les quatre soldats d’origine polonaise pouvaient être des déserteurs. Il fit arracher leurs pansements pour vérifier si les blessures étaient réelles. Dans un bon français, il requit les responsables. Les docteurs Ganimède, Fischer, Ullmann s’avancèrent. Les Allemands firent aligner médecins et infirmières face à la paroi, lever les blessés auxquels ils arrachèrent les pansements, et les dépouillèrent de tout ce qu’ils possédaient. Marc Liozon, Guy Cretenet, et Armand Rosenthal, médecin du maquis, juif, qui avait été le premier à prendre le maquis dans le Vercors en novembre 1942 pour échapper aux rafles, tentèrent de s’échapper mais furent repris et abattus à proximité de la grotte. L’officier allemand fit réquisitionner un agriculteur de Saint-Agnan-en-Vercors, Jarrand, avec sa charrette tractée par des vaches, pour transporter les grands blessés au hameau de Rousset où ils devaient retrouver ceux qui pouvaient marcher ainsi que le personnel soignant. Sur le trajet, le convoi des grands blessés rencontra un groupe de parachutistes allemands. La nuit tombant, le chef de ce groupe décida d’en finir. Il fit remonter la charrette en direction de la grotte. En contrebas de celle-ci, sur un terre-plein, il fit achever les 14 grands blessés sur leur brancard,
L’autre colonne, en direction de Rousset, fut arrêtée par un commandant autrichien. Ce dernier fut injurié par Abdesselem Ben Ahmed, résistant originaire du Maroc, qui le traita de « sale boche ». Refusant de s’excuser, le maquisard fut assommé à coups de crosse de mitraillette et pendu. Les prisonniers furent enfermés dans une ferme abandonnée, les hommes au rez de chaussée, les femmes au 1er étage. Le lendemain 28 juillet, au pont des Oules, en amont du hameau de Rousset, sept ou huit autres blessés furent achevés après avoir été contraints de creuser leur tombe (il semblerait, selon certaines sources, qu’un inconnu puisse faire partie de ce groupe). Grâce à la complicité des soldats polonais blessés incorporés dans la Wehrmacht, plusieurs prisonniers purent s’enfuir : le docteur Ganiméde, sa femme et son fils ainsi qu’une infirmière. Les autres membres du groupe, dont les médecins et les infirmières, furent conduits en camion à Grenoble et internés à la caserne de Bonne où siégeait la Gestapo. Un officier américain Chester Meyers, d’un commando parachuté le 29 juin, eut la vie sauve. Dans la nuit du 10 au 11 août 1944, au Polygone de Grenoble, furent fusillés les docteurs Fischer et Ullmann et l’aumônier, le Père Yves Moreau de Montcheuil. Les infirmières furent déportées en camp de concentration à Ravensbrück où l’une d’elles Odette Malossane mourut le 25 mars 1945.
Liste des victimes.
Exécutés sommairement le 27 juillet après avoir tentés de s’enfuir :
CRETENET Guy
LIOZON Marc
ROSENTHAL Armand
Exécutés le 27 juillet sur le terre-plain en contrebas de la grotte :
AMATHIEU Marcel
BAHR Marcel
CADILLAC René
CHARRAS André
EYMARD Jean
FENEYROL Roger
GUERRY Roland
JEAN Charles
JULLIEN Jean
LOCATELLI Joseph
MOULIN Gabriel
ROCH Georges
ROUHAUD Jean
WALPERSVYLERS Paul
Exécuté le 27 juillet sur le trajet du hameau de Rousset :
BEN AHMED Abdesselem
Exécutés le 28 juillet, au pont des Oules, en amont du hameau de Rousset :
BAIGNEUX Albert
BILLON Francis
BOURGUND René
DELVALLE Fernand
HERVE Édouard
MARINUCCI Vittorio
ROBERT Georges
Inconnu
Fusillés dans la nuit du 10 au 11 août 1944, au Polygone de Grenoble :
FISCHER Ladislas
MOREAU DE MONTCHEUIL Yves
ULLMANN Marcel
Les sept infirmières furent envoyées en camp de concentration où l’une y décéda :
MALOSSANE Odette (née le 27 juillet 1919 à Cléreux, Drôme) fut déportée avec les six autres infirmières par le convoi parti de Lyon (Rhône) le 11 août 1944 et arrivé à Ravensbrück le 22 août 1944. Elle y mourut le 25 mars 1945.
Une stèle commémorative fut dressée sur le parc de stationnement de la Grotte de La Luire avec l’inscription suivante « le 27 juillet 1944, les Grands Blessés soignés à l’Hôpital du Maquis replié à la Grotte de la Luire, furent transportés ici et achevés sur leur brancards ».
Depuis le 20 mai 1946, le site a été classé au Patrimoine National et est toujours le lieu de cérémonies mémorielles,
Sources

SOURCES : Arch. Dép. Drôme, 132 J 1. — Site internet Musée de la Résistance en ligne, articles de Robert Serre et Guy Giraud. — Fédération des Unités combattantes de la résistance et des FFI de la Drôme, Pour l’amour de la France, Drôme-Vercors 1940-1944, Peuple Libre 1989. — Escolan Patrice et Ratel Lucien, Guide-Mémorial du Vercors résistant, Paris, Le Cherche-Midi, 1994. — Colonel Richard Marillier, Vercors, 1943-1944, Le malentendu permanent, éditions de l’Armançon, 2003. — Archives Vincent-Beaume. — Pons, De la résistance à la Libération. — La Picirella, Témoignage sur le Vercors. — De Richter. Jacques Peyrouse, Pont d’Isère. — Vergnon Gilles, Le Vercors, histoire et mémoire d’un maquis, éd. De l’Atelier, Paris, 2002. — Association des Pionniers du Vercors, Le Vercors raconté par ceux qui l’ont vécu, Valence 1990. — Rosine Bernheim, Pierre Sulivan, La Traîne-Sauvage, Flammarion, 1999. — Site internet de la commune de Saint-Agnan-en-Vercors. — Mémorial genweb.

Robert Serre, Michel Thébault

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