Né le 14 janvier 1912 à Castres (Tarn), fusillé le 15 août 1944 à Nant (Aveyron) ; militaire ; résistant de la SAP (Section des atterrissages et des parachutage) du BCRA.

Ludovic Teysseyre (que l’on trouve parfois mal orthographié ainsi : Tisseyre ou Tesseyre) était le fils d’Albert, Benoit Teysseyre, né le 22 janvier 1881 à Réalmont (Tarn) et militaire de carrière, et d’Ernestine, Rosalie, Marie Puget, née en 1891 et sans profession. Ses parents se marièrent le 25 février 1911, à Réalmont (Tarn). À sa naissance, son père était sous-officier au 3e régiment d’Artillerie de Castres (Tarn). En 1929, son père fut promu et affecté à l’atelier de construction de l’arsenal de Lyon. La famille déménagea donc à Lyon, où Ludovic Teysseyre se trouvait à vingt ans puisqu’il y fut recensé pour le recrutement militaire. Il était alors étudiant dans une grande école à Lyon sans que l’on puisse préciser laquelle. À l’issue de ses études, en 1934, il s’engagea dans l’armée de terre (405e régiment d’Artillerie anti-aérienne), dans le service de l’intendance : à compter du 11 octobre 1934, il fut affecté à l’Intendance militaire de Lyon, puis à partir du 11 février 1936 à l’Intendance militaire de Sathonay (Rhône). À compter du 22 août 1939, il fut affecté au 404e régiment d’Artillerie anti-aérienne, basé à Tours (Indre-et-Loire). Entré comme 2eclasse, il y gravit les échelons jusqu’à obtenir le grade de maréchal des mogis le 16 octobre 1935. Il fut admis à l’École militaire d’artillerie de Poitiers le 3 octobre 1938, puis nommé sous-lieutenant le 24 août 1939.
En l’état actuel de la documentation consultée, nous ne pouvons davantage retracer son parcours avant son décès. La date de celui-ci varie selon les auteurs. Christian Font et Henri Moizet la situent le 14 août, après le premier accrochage avec les Corsaires, alors que Gaston Laurans la place le 15 août en début d’après-midi. C’est également la date du 15 août qui est indiquée sur l’acte de décès consulté à la mairie de Nant. Nous retiendrons donc cette dernière.
L’exécution de Ludovic Teysseyre intervint donc au lendemain du violent accrochage entre un détachement de la 11e division blindée allemande venant d’Albi (Tarn), en repérage sur la route du Larzac, et un groupe du maquis des Corsaires, maquis affilié à l’Organisation de Résistance de l’Armée (ORA, fondée en mars 1943). Le maquis des Corsaires fut fondé par Georges Gillier (alias « Gervais »), pasteur à Mandagout (Gard) durant l’été 1943, mais, au début du mois d’août 1944, les Corsaires quittèrent Mandagout pour Nant (Aveyron) où ils stationnèrent au mas des Pommiers, situé à quelques kilomètres au sud du village.
Après la visite le 13 août 1944, dans la matinée, du lieutenant-colonel Edmond Devillers (dit « Leroy »), ancien chef du maquis Duguesclin (AS) nommé le 1er août 1944 chef de l’arrondissement Sud-Aveyron de l’AS (dont le cantonnement se situait à Tournemire, tout près de Roquefort, Aveyron) et de son adjoint le capitaine Theule (dit « Bénédict »), un groupe d’une trentaine de Corsaires dirigé par Raymond Cassanas (dit « Roger ») se mit en route vers 14 heures pour Le Caylar (Hérault). La mission consistait à apporter un renfort à un autre maquis qui devait détruire la route du Pas de l’Escalette (Hérault) en faisant exploser la falaise. C’est à son retour au mas des Pommiers, le lendemain, une fois la mission achevée, que les Corsaires se heurtèrent aux Allemands (pour les détails des raisons de cet accrochage, voir 14-15 août 1944). Cet accrochage entraîna des combats et des actions de représailles le 14 août et le lendemain à Nant. C’est dans ce contexte que Ludovic Teysseyre fut arrêté sur la route de Nant par les Allemands et sommairement fusillé avec Jean Estournel le 15 août 1944.
Les témoignages écrits consultés lient Ludovic Teysseyre à Jean Estournel : le second est présenté comme le chauffeur du premier et tous deux sont rattachés au capitaine Theule. Ainsi, selon le compte-rendu de ce dernier : « je confirme à Cassanas que je me trouverai à 19 heures au Caylar, accompagné par le lieutenant Tisseyre et son chauffeur Estournel avec la voiture Peugeot de l’armée. (Le lieutenant Tisseyre s’étant mis à notre disposition depuis le début d’août) ». L’information n’est pas sans poser problème puisque si le nom de Jean Estournel apparaît bien dans la liste des membres du maquis Duguesclin, celui de Ludovic Teysseyre ne s’y trouve pas. Dans un écrit retraçant l’historique de sa formation, Georges Gillier fait également allusion aux combats de Nant et à Ludovic Teysseyre sans le nommer : « Le lendemain, 2 officiers et 1 soldat, appartenant à une autre formation, sont également exécutés par les Allemands à Nant ». Il s’agit de Ludovic Teysseyre, François Huber et Jean Estournel. Dans son compte-rendu, Raymond Cassanas explique que lorsqu’il revint sur les lieux des combats pour se rendre compte des pertes il vit « Deux autres morts demeurant inconnus, un lieutenant et son chauffeur. Je suppose que ce sont les occupants de la voiture 11074 P. Je reviens à St-Jean-du-Bruel prévenir le capitaine Blicher (Maus) de ce qu’un Officier de l’E.M. du Commandant LEROY a été fusillé à Nant. J’ai appris par la suite qu’il s’agissait du Lieutenant TISSEYRE et du soldat Estournel surpris par les boches au moment où ils venaient au maquis des Corsaires nous porter un ordre de mouvement ». Enfin, le récit des journées par le capitaine Dorval, paru le 15 août 1945 dans Midi Libre, repris par Christian Font et Henri Moizet, apporte une autre piste : « Ce n’est pas tout ; le lieutenant Brun, de la SAP, passe par hasard à Nant en pleine bagarre. Il est porteur d’un message pour la résistance de Millau. Arrêté, lui et son chauffeur, tous deux sont aussitôt fusillés ». Dans ce cas, Ludovic Teysseyre aurait appartenu à la SAP (Section atterrissage et parachutage) et donc au BCRA (Bureau central de renseignements et d’action) de la France Libre. Le maquis des Corsaires bénéficia le 13 février 1944 d’un parachutage, la présence de Ludovic Teysseyre dans la région est peut-être à lier à cet événement. Ces divers écrits ne permettent donc pas de le rattacher à un mouvement ou un réseau de manière définitive. Les listes nominatives constituées après guerre en vue d’obtenir une homologation ne mentionnent pas non plus son nom.
Quelle que fût l’appartenance de Ludovic Teysseyre, les témoignages écrits de ces journées nous montrent qu’il accompagna le capitaine Theule dans ses différents trajets entre le 13 et le 15 août, dans une voiture conduite par Jean Estournel : le 13 août, il fut présent au Caylar (Hérault) en début de soirée pour la première partie de la mission de sabotage. Dans la soirée, il accompagna le capitaine Theule à Saint-Jean-du-Bruel (Aveyron) pour obtenir auprès de Blicher, dit « Maus » (agent de liaison), des informations concernant le retard des maquisards Aigoual-Cévennes. Il revint ensuite au Caylar pour attendre l’arrivée des dynamiteurs du maquis Aigoual-Cévennes. Le 14 août au matin, il se rendit sur le lieu de la première explosion au Pas de l’Escalette (Hérault) pour évaluer le résultat. Il prit ensuite la route du pont de Péguerolles (Hérault), situé au sud du Pas de l’Escalette, qu’il restait à faire sauter, mais en voyant arriver une colonne allemande, il dut changer d’itinéraire et prendre la route de Soubès (Hérault). En début d’après-midi, il rentra à Tournemire (Aveyron), siège de l’état-major de l’AS Sud-Aveyron. Dans ces différents déplacements, Ludovic Teysseyre apparaît comme un partenaire du capitaine Theule. Ce dernier écrit que c’est « d’un commun accord » qu’ils décidèrent une seconde explosion sur la route du Pas de l’Escalette devant les résultats décevants de la première tentative. Dans la soirée du 14 août l’annonce du débarquement en Provence bouleversa les évènements et donna le signal tant attendu : le plan vert fut immédiatement mit à l’ordre du jour impliquant un ordre de combat à tous les maquis. Raymond Fournier, dans Terre de combat, explique « Les agents de liaison partirent les uns après les autres dans la nuit ». Il aurait donc été envoyé à Nant afin d’y porter ce nouvel ordre de combat. Cette hypothèse ne peut toutefois être confirmée en l’état de la documentation consultée.
Quoi qu’il en soit, lorsque Ludovic Teysseyre arriva à Nant le 15 août, il ignorait tout de ce qui s’y jouait. Il se fit arrêter avec Jean Estournel par les Allemands en traversant le village de Nant en voiture pour se rendre au mas des Pommiers ou à Millau comme le rapportent Christian Font et Henri Moizet. Relatant les journées des 14 et 15 août 1944, Gérard Bouladou reprend dans son ouvrage, Les maquis du Massif Central méridional : Ardèche, Aude, Aveyron, Gard, Hérault, Lozère, Tarn, 1943-1944 le récit des minutes précédant l’exécution fait par Gaston Laurans dans Nant au mois d’août 1944 : en début d’après-midi, deux habitantes du village rentraient chez elles « lorsqu’elles voient deux étrangers conduits par deux Allemands près des Embalses ; ces derniers discutent, semblent se raviser, et placent les deux étrangers devant un gerbier à quelques mètres de là. Puis un Allemand tend un revolver à l’un deux et, par geste, lui demande de tuer son compagnon ; l’homme refuse et jette le revolver aux pieds de l’Allemand ; celui-ci le ramasse et abat les deux hommes ». Inconnu des gens du village, Jean Estournel ne fut identifié que trois jours plus tard, le 18 août.
Le 17 août 1944, le sous-préfet de Millau transmit au maire de Nant, sur autorisation des autorités allemandes, le droit d’inhumer le corps des victimes dans le cimetière communal. D’après un recensement des tombes militaires dans l’Aveyron effectué à partir de février 1945, la sépulture de Ludovic Teysseyre figurait parmi les tombes FFI de la commune de Nant. Aujourd’hui, la tombe n’y est plus, elle a été transférée ailleurs, mais on ne sait où.
Son nom figure sur le monument des résistants de Sainte-Radegonde (nom mal orthographié : Teyssedre) ainsi que sur une plaque commémorative des victimes des 14-15 août 1944. Il est également mentionné sur le monument aux morts et sur une plaque commémorative dans l’église Notre-Dame de l’Assomption et sur le monument aux morts à Réalmont (Tarn). Il a obtenu la mention Mort pour la France. Il n’a aucun dossier d’homologation au Service historique de la Défense.
Voir : Nant (Aveyron), 14 et 15 août 1944
Sources

SOURCES : Arch. Dép. Aveyron : 217 W 36, 1212 W 6, 93 J 4 — Arch. Dép. Tarn : 4 E 65/141 (acte de naissance), 1 R 2 116 (fiche matricule Albert Teysseyre), 4 E 222/20 (acte de mariage des parents) — Arch. Dép. Rhône : RP 3021 (fiche matricule Ludovic Teysseyre), 6 M 739 (recensement commune de Vénissieux, 1936) — Arch. mun. Nant : acte de décès n° 13 (registre état civil 1936-1945) — Service historique de la Défense, Vincennes : GR 19 P 12/9 — Christian Font et Henri Moizet, Construire l’histoire de la Résistance. Aveyron 1944, CDDP Rodez – CDIHP Aveyron, CRDP Midi-Pyrénées, 1997, pp. 212-213 — Gérard Bouladou, Les maquis du Massif Central méridional : Ardèche, Aude, Aveyron, Gard, Hérault, Lozère, Tarn, 1943-1944, Nîmes, éd. C. Lacour, 2006, pp. 402-405 — Gaston Laurans, Nant au mois d’août 1944, Rodez, Imprimerie Carrère, 1969, pp. 40-41 — Aimé Vielzeuf, Ardente Cévenne, Nîmes, Imprimerie Bené, 1973 — Raymond Fournier Terre de combat. Récits sur la Résistance, Millau, 1973, p. 164 — Notes personnelles et extraits de documents transmis par Henri Moizet par mail le 16 février 2021 par André Balent et à Clotilde Bigot le 19 mars 2021 — Sites internet : .univ-lille.fr (consulté le 21 février 2021), memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr (consulté le 3 mai 2021), memorialgenweb.org (consulté le 10 mai 2021).

Clotilde Bigot

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