Né le 13 décembre 1913 à Roncade (province de Trévise, Vénétie, Italie), mort le 10 juillet 1944, à Saleich (Haute-Garonne), assassiné par des résistants de la 3401e brigade de FTPF de l’Ariège ; bottier cordonnier à Salies-du-Salat (Haute-Garonne) ; résistant (Libérer et Fédérer)

Luigi [Louis] Pavan (1913-1944)
Source : Soum, op. cit., 1995, p. 101
Né dans une famille d’antifascistes, plusieurs membres de sa famille quittèrent l’Italie pour des raisons politiques. Adulte, il finit par s’installer dans le Comminges (sud-ouest de la Haute-Garonne) à Salies-du-Salat. Il s’y maria avec une fille du pays, très catholique, Jeanne Castagné avec laquelle il eut trois enfants : Jacques né en 1936, Monique née en 1938 et Marie-France née en 1940. Il ouvrit un atelier boutique 44 allée des Bains, aujourd’hui allée de la Paix. Il habitait dans le même immeuble que Jean-Pierre Aldebert, photographe, futur agent de la Sipo-SD sous l’Occupation (1943-1944), en contact avec le redoutable Philippe Berkane, du PPF de Saint-Girons, informateur et exécuteur des basses oeuvres de la police allemande du Couserans.
Naturalisé Français, il fut mobilisé en novembre 1939 au 117e régiment d’Infanterie (RI). Le 15 mai 1940, il fut affecté au 82e régiment d’artillerie coloniale positionné dans l’Aisne. Face à l’avance allemande, son unité fit retraite et Luigi Pavan fut fait prisonnier le 18 juin 1940 dans la région de Gien (Loiret). Interné au camp de Montereau (Seine-et-Marne), il réussit à s’évader avec quatre autres prisonniers en sautant du train qui les amenaient en Allemagne. Après cinq jours de marche, ils réussirent à traverser la ligne de démarcation. Démobilisé le 6 septembre 1940 à Lons-le-Saulnier (Jura), il gagna Salies-du-Salat et son échoppe. Luigi Pavan était très ami avec Raoul Barthe, ouvrier papetier de Mazères-sur-Salat (Haute-Garonne), qui devint un résistant du Corps franc Pommiès de l’ORA, actif en Comminges. Barthe était le parrain de sa fille Marie-France.
Pavan lui-même devint un résistant (« Loup ») du mouvement Libérer et Fédérer qui participa à la mise en place de maquis de l’Armée secrète en Haute-Garonne. Il appartenait au groupe commandé par le sous-lieutenant Georges Pétaux. Du 1er mai 1943 au 15 septembre 1943, il prit en charge un réfractaire du STO, Léon Saxer, de Belfort. Il l’hébergea, le nourrit et l’employa nuitamment avant qu’il ne parvienne à gagner l’Espagne. Ses activités résistantes étaient bien établies. Cela n’a pas empêché Jean Blasco, alias « Max (1924-2012), chef, depuis 1943 de la 3401e compagnie des FTPF de la Haute-Garonne, de le considérer comme étant un « milicien » dont il fallait à tout prix assurer la liquidation, « compositions » comme ces exécutions étaient désignées dans les communiqués manuscrits du chef militaire des FTPF de la Haute-Garonne, Fernand Cortale alias « Gravas ». Au début de 1944, Louis Pavan fut victime d’une première tentative de « liquidation ». Les Pavan avaient accueilli à leur table Raoul Barthe. Ils dégustaient un cassoulet lorsqu’on entendit des bruits devant la porte de l’échoppe fermée. Luigi descendit et il aperçut bientôt des individus dont certains étant munis de revolvers. Si l’on tira bientôt sur lui, il put se baisser à temps. Et remonter à l’étage. Il ouvrit la fenêtre de la cuisine et, accompagné de son fils âgé de huit ans, il put sauter dans la cour de la mairie. Ayant pénétré dans le bâtiment, il ouvrit une porte et fonça dans les jardins distançant ses agresseurs, une équipe de tueurs commandités par « Max  ». Luigi Pavan était surveillé de près — sa femme l’apprit plus tard — par « Louis  », un homme de «  Max », employé à Salies-de-Salat. Ce « Louis » s’aperçut un jour qu’il était suivi par un agent français de la Sipo-Sd de Saint-Girons (Ariège), exécuteur redouté de ses basses œuvres, Philippe Berkane, alias « le Gitan », ce qui l’amena à intégrer le maquis et ne plus se contenter de l’informer en tant que FTPF « légal »
Le 10 juillet 1944, Pavan et un autre résistant de Libérer et fédérer — Georges Basso, alias « Jo » — revenant d’un « camp » furent accrochés à Castagnède (Haute-Garonne), commune limitrophe de l’Ariège par des hommes du maquis de Betchat qui voulaient les « composer » (liquider). « Jo » parvint à s’enfuir et gagna un maquis de l’AS formé par le mouvement toulousain Libérer et fédérer à Sainte-Croix-Volvestre (Ariège). De là, les hommes de Max le conduisirent dans la forêt de Saleich (Haute-Garonne) pas très loin de Castagnède. Il n’y fut pas retrouvé dans l’immédiat. La rumeur prétendit que Pavan revenait de visiter une maîtresse et qu’il avait été tué par un rival. Bien après la guerre, on sut que ce fut « Max » qui donna l’ordre de le « composer ». Henri Soum, ayant eu accès aux archives de « Gravas », retrouva le « communiqué n° 7 daté du 19 juillet 1944, signé par Cortale, commissaire aux opérations régional (COR). Il en publia la photo à la p. 104 de son livre de 1995 (Ceux de Balesta, op. cit.. Ce communiqué dit : « Le 10 juillet 1944 à 14 heures un groupe de quatre FTP appartenant à la 3403e (sic) compagnie a abattu un milicien à Salies-du-Salat. Cette opération a été menée par Kiki, José, Roméo, Max. Le traître Pavant (sic) a été tué net et était d’origine italienne ». Ce texte, s’il évoque l’exécution de Pavan par des FTPF, comporte plusieurs erreurs : il s’agit de la 3401e compagnie et non de la 3403e [mais plus tard lors de l’homologation des unités combattantes de la Haute-Garonne, des anciens FTP demandèrent que l’on changeât la numérotation des compagnies FTPF du département en attribuant le n° 3403 au maquis de Betchat et le n° 3401 à celui de Boulogne-sur-Gesse, demande qui fut rejetée : le maquis de Betchat se vit définitivement attribuer le n° 3401] ; Pavan est orthographiè : « Pavant » ; l’exécution aurait eu lieu à Salies-du-Salat alors qu’elle se déroula à Saleich. Ensuite, Pavan aurait été « tué net », ce qui est faux et fut révélé par les témoignages ultérieurs et l’autopsie pratiquée par l’exhumation dans la forêt de Saleich.
« Louis », le voisin des Pavan, homme de confiance de « Max » un moment menacé par la Sipo-SD, envoya un inconnu prendre contact avec Mme Pavan. Ce dernier lui dit que Louis voulait la voir. Elle pensa immédiatement à son mari et certainement pas à son voisin. Amenée dans le bois de Saleich où son mari avait été exécuté, elle fut enfermée dans une cabane par son voisin qui tenta même de la violer. Max et ses hommes délibérèrent ensuite pour fixer son sort et, convaincus qu’il fallait se débarrasser de témoins gênants, il décidèrent initialement de l’exécuter — tout comme le lendemain pour Maria Matulewicz sœur de Regina Matulewicz tuée par les SS de la division Das Reich le 10 juin 1944, témoin de la « composition » de Georges Estellé, instituteur de Fabas (Ariège) — mais se ravisèrent. Un des maquisards membre de ce « tribunal » autoproclamé s’opposa à l’exécution de Madame Pavan qui entendit : « on ne va pas tuer une mère de trois enfants ». Plus tard, elle relata la conversation d’hommes, membres du maquis de Betchat, qu’elle surprit depuis sa fenêtre alors qu’ils sortaient du Café Bleu voisin : « En tuant Pavan, nous avons fait une connerie ».
Après la Libération, Jeanne Pavan demanda l’autorisation de rechercher la dépouille de son mari. Elle lui fut accordée par David Dautresme, sous-préfet de Saint-Gaudens de 1943 à 1946 (celui qui put subrepticement photographier les victimes du massacre de Marsoulas, le 10 juin 1944). Le cadavre de Luigi Pavan fut retrouvé au lieu-dit le Priadoux, dans la commune de Saleich. On décida d’une date fictive pour la date du décès portée sur le registre de l’état civil de Saleich, le 14 août 1944. De fait, nous savons maintenant par les archives de Fernand Cortale alias « Gravas » que la mort remontait au 10 juillet. Il fut identifié par ses vêtements et sa dentition. L’autopsie montra des traces de violence. On sait aussi que les personnes que « Max », avec son petit groupe d’hommes de confiance du maquis, avait décidé de « liquider », étaient contraints de creuser leur tombe. Jeanne Pavan rassembla des documents concernant l’activité militaire (1939-1940) puis résistante (1943-1944) de son mari. Celui-ci obtint, après ses démarches, le 31 août 1945, la mention « Mort pour la France ». Celle-ci fut transcrite sur l’acte de décès à Saleich. Il y a dossier à son nom, non consulté, au Service historique de la Défense à Vincennes (cote GR 19 P 461708).
Les hommes du maquis de Betchat furent officiellement blanchis pour leur assassinat de Luigi Pavan qui fut attribué à la Milice. En effet, Jean Blasco fut arrêté en 1946 et emprisonné à Foix (Ariège). Il fut mis en cause pour plusieurs « compositions » d’innocents. Mais considéré comme un héros de la Résistance, il bénéficia de l’appui d’un comité de soutien qui fit campagne en sa faveur, même si des membres, mis au courant des chefs d’accusation, s’en retirèrent. Si le communiqué de « Gravas » cité ci-dessus avait été connu du tribunal, il est vraisemblable qu’on l’aurait reconnu au moins coupable du meurtre de Luigi Pavan. Le lendemain, 11 juillet, « Max » et ses hommes « composèrent », selon le même mode opératoire, un autre innocent, accusé à tort, lui aussi, d’être membre de la Milice, l’instituteur de Fabas (Ariège), Georges Estellé.
Sources

SOURCES : Service historique de la Défense, Vincennes, 19 P 31/29, homologation des maquis et unités combattantes de la résistance, Haute-Garonne, 3401e compagnie de FTPF, maquis de Betchat. — Henri Soum, Ceux de Balesta, Toulouse, Signes du Monde, 1995, 341 p. [p. 88-126]. Henri Soum a publié dans cet ouvrage les photographies d’archives privées de la famille Pavan et des photos de communiqués de Fernand Cortale, COR des FTPF de la Haute-Garonne concernant en particulier l’affaire Pavan (p. 105-110 ; 115-118 ; 121-123, 126). — Site Mémoire des Hommes consulté le 15 mai 2021.

André Balent

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