Le 6 juillet 1944, 18 résistants de Saint-Pol-de Léon ont été fusillés au champ de tir de la Marine du Bouguen à Brest.

Le réseau Centurie-OCM s’organisa autour du mois de septembre 1943. Ses principales activités étaient la surveillance, des mouvements de troupes allemandes, des ports, de la gare de Saint-Pol-de-Léon, le relevé des constructions côtières et le repérage des zones d’accostage pour les vedettes mais aussi la prise en charge des familles des jeunes partis pour la France libre. Le pharmacien Joseph Trividic distribuait gratuitement des médicaments, les médecins résistants comme Ary Fichez et Paul Le Bigot pouvaient recevoir leurs agents sans attirer l’attention. Le tailleur François Stéphan fabriquait les faux-papiers pour les réfractaires au STO.
En juin 1944, la police allemande possédait les renseignements nécessaires pour arrêter les résistants notamment grâce aux gestapistes bretons. À Saint-Pol-de-Léon, c’est Marie-Thérèse Honorez, née en Belgique en 1921, qui, affectée au Kommando de Morlaix dirigé par le lieutenant Schmidt, joua un rôle important dans la traque des résistants, participant même aux arrestations.
Les 26, 27 et 29 juin 1944, dix-huit résistants du réseau Centurie furent raflés à Saint-Pol. Les arrestations eurent lieu le soir au domicile des résistants par des Feldgendarmen et/ou des membres de la Gestapo qui leur demandèrent d’emporter un manteau et une valise. Interrogés à la Felgendarmerie de Morlaix et à la prison de Créach-Joly, tous subirent les pires tortures encouragées par le sadisme de la gestapiste Marie-Thérèse Honorez, exceptés l’abbé Joseph Tanguy et Yves Le Morvan, handicapé. Le 1er juillet, 17 résistants furent transférés à la maison d’arrêt de Pontaniou à Brest, au secret dans des casemates sous terre. Le commandement allemand de Rennes avait donné l’ordre d’exécuter les « terroristes » à Morlaix, mais l’officier allemand Georg Roeder les fit transférer à Brest où le colonel Hartmut Pulmer chef de la Gestapo de Rennes, aurait ordonné leur exécution. Le 18e, Jean Pleyber était mort sous la torture à Morlaix.
Le 6 juillet, vers 18h, un camion transportant les résistants saint-politains avec leurs bagages et quelques autres détenus quitta la maison d’arrêt, et revint vide après 45minutes. L’hypothèse de leur départ vers l’Allemagne fut émise mais aucun train ni bateau de prisonniers quittèrent Brest ce jour-là. Le gardien chef de la prison maritime répondit qu’ils « étaient tous morts ».
Les victimes sont :
Bernard Eugène ; Combot Joseph ; Grall Jean ;
Hamon André ; Kerguinou Alain ; Léaustic Germain ; Le Bigot Paul ;
Leclair Georges ; Leguen Claude ; Long Jean ; L’ Hostis Jean ;
Le Morvan Yves ; Mériadec Jean ; Stephan François ; Tanguy Joseph ; Thébaud Charles ; Trividic Joseph.
Deux résistants disparurent également de la prison de Pontaniou ce 6 juillet, le brestois Georges Hamon, résistant de Défense de la France accompagné du belge Guy Van de Weghe qui avaient participé à de nombreux sabotages notamment de pétroliers.
Durant des années les familles et leurs proches espérèrent leur retour, le décès de ces hommes n’étant pas attesté, les veuves et leurs 48 orphelins vécurent difficilement. Les 16 épouses se mobilisèrent auprès des autorités françaises, allemandes et belges.
La recherche des corps des victimes fut longue évoquant des pistes contradictoires. Fin mars 1945, l’interprète de la Gestapo à Brest, Kurt Frenzel se donna la mort avant d’être interrogé par le lieutenant Morice de Rennes. Marie-Thérèse Honorez restée au service de la Gestapo jusqu’en avril 1945, fut condamnée à la peine de mort le 31 décembre 1946 par la Cour militaire de Bruxelles, peine commuée en prison à vie suivie de la grâce du roi des Belges en 1954.
Le 30 mai 1949, une lettre du ministère des Anciens combattants et victimes de guerre indique que le prisonnier allemand Roeder a assisté à leur exécution mais non leur ensevelissement et que la construction d’une cité et le comblement des fossés au Fort du Bouguen empêchent les fouilles. Un internement en Union soviétique est supposé, l’épouse du docteur le Bigot entreprit des démarches auprès du ministre des Affaires étrangères Antoine Pinay en 1952 mais sans résultat.
La Mission Française de Recherches auprès du Service International de Recherches, basée à Arolsen en Allemagne, indiqua en 1949 que le nom de Jean Grall incarcéré
au camp de concentration de Neuengamme en septembre 1944 était inscrit dans le registre des détenus avec la mention « disparu » mais pas de trace des autres noms du groupe. Ce n’est qu’en 1962, lors de travaux de construction des ateliers d’un collège technique sur le plateau du Bouguen, à l’emplacement du champ de tir de la Marine, que deux ouvriers mirent à jour une fosse à 7m de profondeur contenant des ossements humains, les crânes étaient troués ou fracturés par balles. Les alliances gravées, le bréviaire de l’abbé Joseph Tanguy permirent leur identification.
Les reliques des résistants regroupés dans quatre cercueils ont été inhumés au monument aux morts du cimetière communal de Saint-Pol-de-Léon après les cérémonies religieuses de Brest le 5 juin 1962 et celle du 6 juin dans la cathédrale de Saint-Pol ; ces obsèques solennelles réunirent des milliers de personnes.
Le 14 novembre 2001, à la demande des membres des familles, l’état civil indiquant par erreur « mort en déportation » et « lieu ignoré », fut modifié par jugement du tribunal de Grande instance de Morlaix.
En 1954, un monument aux morts en l’honneur des déportés et victimes civiles décédées pendant l’été 1944 avait été érigé sur la place du Petit-Cloître.
C’est le 6 juillet 1994, jour du cinquantième anniversaire de l’exécution des résistants du réseau « Centurie » -OCM, que la première plaque commémorative a été apposée, dans la galerie des « Morts pour la France » du Fort -mémorial Montbarey à Brest.
À Saint-Pol-de-Léon, la rue de la vieille retraite en haut de la place de l’évêché a été renommée Rue du Réseau « Centurie »-OCM et inaugurée le 6 juillet 2003.
Le 17 septembre 2004, une stèle commémorative a été érigée sur le plateau du Bouguen à l’IUT de Brest (voir photo) associant les noms des résistants de Saint-Pol-de Léon et de Brest mais aussi les nombreux disparus du Bouguen comme Alain Daniel, Auguste Favé, Louis Gilbert, Gabriel Le Signe, Louis Le Sann, François-Louis Saillour.
Cette monographie doit beaucoup aux recherches historiques du petit-fils de Jean Grall, Gilles Grall.
Sources

SOURCES : Gilles Grall, Saint-Pol-de-Léon été 1944, De la rafle des résistants au massacre des civils, 2010. — Arch. municipales de Brest.

Annie Pennetier

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