Né le 2 novembre 1906 à Bucarest (Roumanie), grièvement blessé en action à Saint-Julien-Molin-Molette (Loire), mort le 28 août 1944 à Saint-Agrève (Ardèche) ; médecin ; résistant, membre de l’Armée Secrète en Ardèche (secteur A), lieutenant FFI.

Dessin de Joseph Ziebel en 1934
Communiqué par la famille
Deux témoignages essentiels et complémentaires nous permettent de retracer l’itinéraire de Joseph Zwiebel, médecin, résistant, mort pour la France dans l’été 1944 : celui de sa famille transmis par la plus jeune de ses deux filles, madame Thérèse Michaëly ; celui de Claude Osset, fils d’Edmond Osset, infirmier et chauffeur du docteur Zwiebel, mort à ses côtés le 28 août 1944.
Les parents de Joseph Zwiebel étaient roumains et juifs, présents en France avec leur famille à partir de 1939. Henri Zwiebel, (1882-1941), chef d’entreprise à Bucarest, et son épouse Sarah Zurescu (1882-1968) avaient eu trois enfants : Daniel (1909-1972), professeur de philosophie, Joseph, Myriam (s’est suicidée en 1940). L’épouse de Joseph, Grete Meyer (1903-1981), d’origine autrichienne, avait fait des études de linguistique de 1929 à 1931 en France. Veuve, elle devint en 1945 professeur d’Allemand en collège, lycée puis université.
Suivant le témoignage de madame Michäely, “Joseph Zwiebel choisit dès 1925 d’étudier la médecine à Paris car il portait de l’intérêt et de l’admiration à la France, dont il parlait très bien la langue.
En 1931, Joseph Zwiebel finit ses études avec la spécialité “Hygiène” qui concernait les soins aux tuberculeux ; naturalisé français, il épousa Grete Meyer originaire d’Autriche et effectua son service militaire. Il exerça ensuite dans divers sanatoriums, jusqu’en août 1939 où il fut mobilisé et participa à la campagne de Belgique.
En mai 1940, alors qu’il soignait des blessés sur la plage de Dunquerque, il fut fait prisonnier par les Allemands et détenu au stalag Sagan (actuellement en Pologne) jusqu’en 1942. Il y fut responsable du “Lazaret”, l’hôpital du camp.”
Le docteur Joseph Zwiebel fut libéré des stalags allemands sans doute dans le cadre de la Relève.
“Libéré, poursuit madame Michaêly, il revint en France sous le régime de Vichy qui lui interdisait l’exercice de sa profession ,car, bien que converti au protestantisme, il était d’origine juive.”
Selon madame Michaëly : “En Avril 1942, il (Joseph Zwiebel) arriva à Saint-Agrève, où il retrouva sa femme et sa fille ainée Anne-Lucienne âgée de 6 ans réfugiées à la “ Pension du Lac”, tenue par Melle Octavie Jouve, qui devint la marraine affectueuse et dévouée de sa seconde fille Thérèse née en 1943.
Entre 1942 et 1944, le Docteur Zwiebel seconda le docteur Tourasse à Saint-Agrève et fut médecin de la Résistance (FFI) sous le pseudonyme de lieutenant “Nabuque”, en particulier à l’hôpital clandestin de Clavière.”
Saint-Agrève, où le docteur Joseph Zwiebel résida avec sa famille, petite ville du nord de l’Ardèche et du plateau Vivarais-Lignon, où la communauté protestante est importante, a joué un rôle de refuge pour de nombreuses familles pourchassées, souvent juives, durant la deuxième Guerre Mondiale. À proximité de Saint-Agrève, le château de Clavière et ses dépendances, abrita un hôpital clandestin et accueillit aussi de nombreux réfractaires du STO qui alimentèrent les maquis de l’Armée secrète et des FTP de la région d’Annonay, distante d’environ 45 km de Saint-Agrève, cité industrielle, la plus peuplée du département de l’Ardèche, proche de la vallée du Rhône.
Après l’épisode de la première libération d’Annonay (“ la République d’Annonay”) du 6 au 19 juin 1944, la situation était devenue incertaine dans le nord de l’Ardèche : La municipalité de Vichy avait été réinstallée à Annonay, mais Allemands et miliciens avaient quitté la ville le 23 juillet. Un détachement de GMR était demeuré sur place.
Les maquisards de l’Armée secrète ( secteur A de l’Ardèche) s’étaient repliés à Vanosc-Le Monestier, éparpillés dans de nombreux écarts, à une vingtaine de kilomètres de la ville. Les FTP avaient rallié un camp proche de La Louvesc et de Saint-Félicien. Un service médical du Maquis fut installé dans une ferme proche du col des Baraques (commune de Saint-Julien-Vocance) aux limites des départements de l’Ardèche et de la Haute-Loire, près de Saint-Bonnet-Le Froid. Le docteur Joseph Zwiebel y officia après le 6 juin. Un assistant, infirmier et chauffeur, lui fut affecté : le gendarme-résistant Edmond Osset (voir ce nom).
Le 23 août, dans les souvenirs d’André Grenier (maquisard de l’Armée Secrète), la Résistance se rendit définitivement maitresse d’Annonay. (Les premiers éléments de “l’Armée d’Afrique” du général de Lattre de Tassigny parvinrent à Annonay le 2 septembre).
Dans les derniers jours d’août 1944, les FFI de l’Ardèche (AS et FTP) reçurent l’ordre de marcher sur Lyon, encore occupée, et de harceler l’armée allemande, en utilisant les routes qui surplombent la rive droite de la vallée du Rhône.
Madame Michaëly écrit à ce sujet :
“Le 25 août 1944, dans une voiture portant la Croix rouge, il (le docteur Joseph Zwiebel) allait chercher des blessés du maquis qui était en action alors que les troupes allemandes remontaient la vallée du Rhône. A Saint-Julien-Molin-Molette, le véhicule fut bombardé par l’aviation. Le médecin,gravement blessé, fut conduit à l’Hôpital de Saint Agrève, où il mourut le 28 août. Il fut enterré le 30 août à l’ancien cimetière de Saint Agrève où son épouse repose aussi depuis 1981.”
Une colonne d’environ 120 FFI de l’Ardèche se trouvait de fait à Saint-Julien-Molin-Molette (Loire) prête pour une mise en route sur Lyon le 28 août 1944. (Ducros, T.III, p. 393). Les accrochages qui opposaient l’armée allemande qui battait en retraite avec les FFI s’étaient multipliés en vallée du Rhône faisant de nombreuses victimes, en particulier au sud de Givors (Carrefour des sept Chemins).
Claude Osset (14 ans en 1944), fils de l’infirmier-chauffeur du docteur Zwiebel Edmond Osset a apporté son témoignage :
“ Un convoi de trois voitures accompagnait les cars de FFI ardéchois qui allaient participer à la Libération de Lyon. Dans la première voiture, conduite par le sergent Edmond Osset, il y avait à côté de lui le docteur Nabuque (en réalité Joseph Zwiebel) et, sur la banquette arrière, deux soldats américains du commando Louise, qui avaient été parachutés à Devesset, le sergent Bisson et le lieutenant Boudreau. Fernand Dupasquier ( voir Fernand Dubuc*) était dans une deuxième voiture et il y en avait une troisième. Leurs véhicules ont été mitraillés par des aviateurs alliés (…). De la première voiture sont morts (sur place ou à l’hôpital), le docteur Nabuque, le sergent Osset et le sergent américain Bisson. Le lieutenant Boudreau a été très grièvement blessé. Dans la seconde voiture est mort le capitaine Dupasquier. Un autre américain, le lieutenant Adrien Billodeau , a été grièvement blessé”.
L’héritage mémoriel du docteur Joseph Zwiebel est demeuré vif dans sa famille et auprès des habitants de Saint-Agrève.
Madame Michaëly en rend compte ainsi :
“Il (joseph Zwiebel) a eu la Croix de guerre 1939-1940 et a été cité à l’ordre du département à titre posthume, et nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1952.
Toute sa famille, c’est-à-dire ses deux filles Anne-lucienne Viguier et Thérèse Michaëly, ses petits enfants Florence Dutheil, Luce Lopez, Pierre Viguier, Pascal Michaëly, Elisabeth Michaëly, Christian Michaëly, ses arrières petits enfants Louis et Ulysse Navarro, Hugo et Elsa Lopez, Alice et Irma Viguier, Augustin, Benoît, Benjamin, Arthur, Maïeul, Constance et Lise Michaëly demeurent attachés à Saint-Agrève et à la maison familiale “lou Sapis” que fit construire mme Zwiebel en 1964 sur les pentes du Chiniac et que Bernard et Thérèse Michaëly ont agrandi avec un chalet en 2007.
Le nom du Dr Joseph Zwiebel est inscrit sur le monument aux morts du village, mais le fait qu’il figure aussi sur la plaque de rue qui passe devant la maison Lou Sapis à St Agrève qui l’avait accueilli lui et sa famille pendant la guerre, perpétue le souvenir de son dévouement et c’est pour toute sa famille un évènement lourd de sens.
Par ailleurs tous ses descendants essayent, chacun dans son domaine et son environnement familial et professionnel de maintenir vivantes les valeurs de tolérance, de paix, d’accueil et de générosité qui étaient les siennes”.


Annonay (Ardèche) et sa région : les fusillés de l’été 1944
Sources

SOURCES : Mémorial de l’oppression, Arch. Dép. du Rhône, 3808W, Annonay 142-149. — Fonds du Musée départemental de la Résistance et de la Déportation en Ardèche, Arch. Dép. de l’Ardèche, 70J. — Joseph Chatagner, La libération d’Annonay et de sa region, tapuscrit, 1946. — Adolphe Demontès, L’Ardèche martyre, imp. Mazel, 1946. — Louis-Frédéric Ducros, Montagnes ardéchoises dans la Guerre, T. III, 1981. — ANACR, Mémorial de la Résistance en Ardèche, 1994. — Anne Boudon, Des grenades sous le plancher, Carnets de La Vanaude, 2001 (témoignage de Claude Osset, pp. 395-399). — CD-Rom AERI (coord. Raoul Galataud), La Résistance en Ardèche, 2004. — Aimé Duranton, FTP 7104 et 7113 èmes Cies, commando 13 de la 13ème demi-brigade de la légion étrangère, tapuscrit, 66p., sd. — André Grenier, Résistant puis insurgé, souvenirs d’un FFI 1935-1945. — Pierre Bonnaud, La République d’Annonay, cahier MATP N°122, 2014. — Pierre Bonnaud, L’Ardèche dans la Guerre 1939-1945, De Borée, 2017. —Consultation du site internet Mémoire des hommes. — Notice rédigée par madame Thérèse Michaëly et les descendants du docteur Joseph Zwiebel transmise au Musée départemental de la Résistance en Ardèche par les bons soins de Pierre Bartissol (février 2022). – Correspondance avec Madame Michaëly, fille du docteur Joseph Zwiebel, Présidente de l’Association d’accueil des réfugiés “Plateau Asile Solidarité “ à Saint-Agrève. (Mars-Avril 2022).

Pierre Bonnaud

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