Le mardi 13 juin 1944 une opération de représailles allemandes consécutive aux événements survenus les 11 et 12 juin à Aire-sur-l’Adour (Landes) se solde par 17 pertes humaines dont treize, deux victimes civiles et onze résistants, engagées dans la lutte armée de la Libération, concernent Barcelonne-du-Gers (Gers).

Avec une population légèrement supérieure au millier d’habitants au début du XXe siècle et environ 800 hab. en 1946, Barcelonne apparaît dans l’histoire en tant que bastide médiévale installée sur la rive droite de L’Adour, non loin la confluence avec la rivière le Lées et limitrophe de la sous-préfecture landaise d’Aire-sur-L’Adour (au point de former la même unité urbaine), en zone non occupée. C’est à la fin du XIXe siècle, avec l’installation du bureau télégraphique que la bourgade devient Barcelonne-du-Gers afin d’éviter les confusions possibles avec l’illustre capitale de Catalogne.
Au carrefour de nombreuses routes (N 124, D 22, D 935, D 107, D 931), commune de foires traversée par la voie ferrée Mont-de-Marsan Tarbes, c’est une des portes d’entrée dans la Gascogne gersoise par Le Bas-Armagnac. Barcelonne accueille des réfugiés en 1940 et connaît l’occupation en mars et avril 1943 avec le stationnement d’une compagnie allemande, sans parler des journées tragiques de juin 1944.
La Résistance est présente par l’intermédiaire du groupe d’André Claret qui compte une trentaine de recrues au sein des Corps francs de la Libération (CFL/FFi) sous les ordres du capitaine de réserve Lagubeau. La commune est aussi le lieu de résidence de responsables d’importance pour l’organisation de la résistance : René Faix, directeur d’école à Aire-sur-l’Adour, domicilié à Barcelonne, Paul Duffau, chef de la brigade de gendarmerie, Ernest Constant de la police de l’air et des frontières ; elle bénéficie encore de l’aide apportée par le maire de la commune voisine d’Arblade-le-Bas, Ernest Lamensans et de celle de la population barcelonnaise, à l’image de la famille du boulanger Bayle ou encore de madame Laurentine Saint Cricq qui n’hésite pas à héberger des juifs ou des maquisards en transit. Barcelonne se trouve aussi dans la zone géographique Aire-sur-L’Adour (Landes), Riscle(Gers) Lembeye (Basses Pyrénées), c’est-à-dire le cœur du Groupement-ouest du Corps Franc Pyrénéen (CFP) ou Pommiès, ici de réorganisation récente, sous les ordres du colonel Jean de Milleret, « Carnot », lequel cherche des ralliements à son groupement auprès d’anciens militaires ou de civils déjà enrôlés par ailleurs : anciens du 18e régiment d’infanterie, Corps francs de libération (CFL), Mouvement national de résistance des prisonniers de guerre,(MNRPG). Dans ce triangle gasco-landais-béarnais et alentours figurent les PC successifs de de Milleret : Nogaro (Gers), Barcelonne-du-Gers,(chez les Bayle), Saint-Mont (Gers), Maumusson-Laguian (Gers), Diusse (Pyrénées-Atlantiques) et aussi les lieux d’affrontement avec les troupes d’occupation : Aire-sur-l’Adour, Bernède, Portet, Viella, autant de revers parfois au très lourd bilan humain pour les résistants enrôlés sous les ordres du colonel de Milleret, au sein de ce qui deviendra la brigade « Carnot ». Sur fond de dissensions entre les responsables aturins des CFL constitutifs de l’Armée secrète et des Forces françaises de l’ intérieur (FFI), l’arrivée des hommes du CFP le 6 juin à Aire-sur- l’Adour, s’accompagne de « réquisitions importantes dans les épiceries et bureaux de tabacs » dans un secteur tenu jusqu’alors par les Corps francs de la Libération qui ont déjà à leur actif, de concert avec certains éléments de la section de Barcelonne, des actions périlleuses telles le sabotage des avions des usines Fouga en octobre 1943 ou plusieurs participations aux comités de réception de parachutages. « La révélation de ce mouvement de résistance fut, pour le CFL, une surprise à laquelle se mêla une certaine inquiétude » selon les auteurs de la brochure rédigée dès la fin de l’année 1944. En effet, le CFP début juin, n’a pas encore rejoint officiellement les rangs des FFI. D’où le défilé des résistants aturins en armes au monument aux morts du dimanche 11 juin, à l’initiative des CFL et avec la participation d’une foule immense. Informé, de Milleret a imposé la présence de ses militaires. C’est après qu’intervient l’accord de principe entre le groupe Albert Broqua (CFL des Landes) et de Milleret : au premier, les charges civiles et administratives de la ville d’Aire et au second l’autorité sur les actions de résistance à caractère militaire. Le 12 juin, l’immobilisation hasardeuse et l’attaque, revendiquée par le colonel « Carnot », d’un camion allemand traversant Aire en provenance de Grenade-sur-Adour, s’accompagne de la mort de deux civils aturins, de la mise en fuite des soldats allemands, sauf trois prisonniers dont un succombera à ses blessures. Le mardi 13 juin la sanglante répression s’abat sur les deux petites villes d’Aire et de Barcelonne. Deux détachements allemands convergent vers Aire-sur-l’Adour : la première colonne en provenance de Pau bifurque à Sarron (Landes) et va aborder Aire par la D.22, Lannux, Bernède et le quartier de Mestade. L’entrée sur le territoire communal barcelonnais se fait après le franchissement du pont du Lées : les voltigeurs allemands qui précèdent la compagnie du 205e bataillon des Gebirgsjäger (Chasseurs de montagne) tirent et tuent Pierre Lagarde, puis Yvette Echevarria-Sourdois, passagère d’une camionnette de la brigade Carnot portant vers Viella des militants du MNRPG. Au croisement des routes D.22/D.170, une fraction de la compagnie allemande franchit le pont métallique sur l’Adour vers le centre de Barcelonne, ouvre le feu sur les ouvriers qui s’enfuient de la minoterie et blesse l’un d’entre eux. Dans un village vide de tous civils la troupe continue sa progression vers le nord par la route du Houga : les éclaireurs à pied précédant le convoi surprennent et abattent sans sommation le capitaine Joseph Moulia et l’ouvrier marbrier Paul Fanlou. Le gros du détachement a poursuivi vers Aire : il mitraille le camion Berliet à gazogène de l’entreprise « Transports des bois landais » contenant du matériel et des armes et dans lequel ont pris place neuf résistants ; Joseph Fabères, le chauffeur ; Jean Laborde ; Jean Laffitte ; Jean Loustaunau ; Jacques Richard ; Gaston Schwander ; Michel Sorel ; René Staedelin sont tués, soit dans le camion soit sur la chaussée. Un seul passager a pu prendre la fuite dans la forêt de Casamont. Plusieurs de nos sources mentionnent que « les boches arrosèrent d’essence les hommes et le véhicule, puis firent brûler le tout ». Toutefois, une seule évoque l’incendie provoqué par la chaudière criblée de balles puis transmis aux ridelles en bois du camion. Dans l’après-midi sur la même route, au niveau de la dernière maison de Barcelonne, avant l’entrée dans Aire, un civil, Marcel Limargues, était tué. L’autre axe de pénétration dans Aire est emprunté par des véhicules allemands en provenance de Dax ou de Mont-de-Marsan : il est responsable, le 14 juin, de l’exécution, route de Bordeaux quartier des « Arrats », de Marcel Stouvenel et de Joseph Ricarrère.
Sources

SOURCES : Les Corps Franc de la Libération, Historique de la Résistance à Aire-sur- L’Adour, décembre 1944, Imprimerie Castay 1945. —Arch. Dép. du Gers : notes de Pierre Péré : historique ORA/CFP. — Barcelone du Gers en 1944...pour ne pas oublier, Imprimerie Dauba, Nogaro, 1994. — André Dartigues, Stéphane Granier, Jean Dupeyron dans Communes du Gers, tome III, SAG, Auch, 2005. — François Campa : « Désaccords au sein de la Résistance à Aire-sur-Adour » dans Cd rom La Résistance dans les Landes, AERI, 2008. —Marcel Céroni, Le Corps Franc Pommiès, tome II, La Lutte ouverte, Toulouse, 2007. —Jacques Lasserre, Le Bataillon de l’ Armagnac, Privat, 2018. — Jacques Fitan, Pierre Léoutre, Le Gers en Résistance,1940-1945, Bod, 2020.

Jacques Fitan

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