HAUDECŒUR Fernand [HAUDECOEUR Gabriel, Fernand]
Né le 19 mai 1910 à Reims (Marne), fusillé par condamnation le 16 juillet 1942 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; ouvrier tapissier ; militant communiste ; élève de l’École léniniste internationale (ELI) ; volontaire en Espagne républicaine, commissaire des Brigades internationales ; secrétaire fédéral des Ardennes (1935-1938) et membre du comité central (1936-1938) des Jeunesses communistes ; résistant FTPF.
Dans le courant du mois de juin 1934, Fernand Haudecœur participa à la création d’un rayon des Jeunesses communistes à Sedan. Son oncle Léon Haudecœur, ouvrier d’usine, en devint le secrétaire ; Pierre Thiéry, alors chômeur, le trésorier. En 1935, Fernand Haudecœur fut nommé secrétaire de la région des Ardennes des Jeunesses communistes. Il fut élu membre du comité central des JC lors du 8e congrès national qui se tint à Marseille en mars 1936.
Tout d’abord, Fernand Haudecœur mena une grande activité militante dans les Ardennes. Aux élections municipales des 5 et 12 mai 1935 à Sedan, il était placé en deuxième position sur la liste du Parti communiste qui n’eut aucun élu. Le 8 juillet suivant, il représenta les Jeunesses communistes à une réunion organisée à Charleville par le Comité antifasciste départemental qui rassembla 400 personnes. Dans le même temps, il mena la propagande antimilitariste auprès des soldats du 12e régiment des chasseurs à cheval stationné à Sedan. Il signa de nombreux articles dans le journal communiste L’Exploité.
« Il est actuellement secrétaire de la Région des Ardennes qui s’est développée sérieusement sous sa direction. Il a joué un rôle extrêmement actif dans les grèves qui se sont déroulées récemment dans sa région. Il est âgé de 24 ans. Il a suivi la dernière école d’un mois organisée par le Parti pour les JC », écrivait le PCF français avant sa sélection pour l’ELI. Il fut élève de l’ELI de Moscou en 1935-1936 sous le pseudonyme de Robert Marass.
Fernand Haudecœur fit aussi partie des neuf membres du comité central des Jeunesses communistes envoyés par la direction en Espagne (avec Jean Hemmen, Élie Duguet, Karl Escure, Henri Hacké, Albert Lafon, Paul Richard, Marcel Clouet et Louis Perrault). Il fut désigné commissaire du bataillon Vaillant-Couturier de la 10e Brigade internationale par André Marty, le 2 décembre 1936. Fernand Haudecœur partit en 1937, ce qui n’empêcha pas le Parti communiste des Ardennes de le présenter comme candidat aux élections des 10 et 17 octobre 1937 pour le conseil général : il fut éliminé au premier tour dans le canton de Raucourt en recueillant 181 voix sur 1 532 inscrits et 1 304 votants. Il rentra en France le 16 août 1938.
De retour en France le 16 août 1938, Fernand Haudecœur reprit son métier d’ouvrier tapissier. Le 12 août 1939 à Revin (Ardennes), il épousa Cécile Manteaux, sans profession, fille d’un mouleur et militant communiste de la localité.
Prisonnier de guerre, il s’évada de la citadelle de Laon en septembre 1940 et se remit au service du PCF clandestin. Il devint bientôt responsable du travail politique dans les entreprises des XIIIe, XIVe et XVe arrondissements parisiens, ainsi que de la banlieue Sud et Sud-Est. Début février 1942, des policiers de la BS1 du commissaire David procédèrent à « des vérifications relativement à l’activité possible actuelle d’ex-militants communistes », qui les conduisirent à perquisitionner le domicile de Robert Girardot. Ils y saisirent notamment une feuille de rendez-vous qu’ils parvinrent à décrypter, ce qui entraîna l’arrestation d’une dizaine de militants et militantes, parmi lesquels, le 4 février 1942 en début d’après-midi, Fernand Haudecœur.
Il fut aussitôt amené à la préfecture de police de Paris dans le bureau du commissaire David et passé à tabac pendant plusieurs heures par le commissaire divisionnaire André Baillet – qui deviendra bientôt directeur des RGPP – et plusieurs inspecteurs du service. « Excédés par le mutisme du détenu, admettra après-guerre le commissaire David, nous nous sommes laissés aller à des voies de fait sur lui. »
Dans la soirée, un gardien de la paix, Jean Pempeny, fut désigné pour garder Fernand Haudecœur. Après la Libération, il allait apporter ce témoignage aux enquêteurs de l’Inspection générale : « Il était allongé sur le dos, inerte sur le parquet, les yeux injectés de sang, il avait la respiration haletante, du sang séché autour de la bouche et suait abondamment. » Toujours selon le gardien Pempeny, le commissaire David, en repassant près du détenu, lui lança : « Tu es un homme, tu n’as pas vendu tes copains, allons serre-moi la main. » Haudecœur refusa et traita ses tortionnaires de vendus et d’assassins. Son état empirant, Haudecœur fut transporté vers 22 h 45 à l’Hôtel-Dieu. Le lendemain, les commissaires Baillet et David demandèrent à l’inspecteur principal Auguste Clévy d’établir un faux rapport justifiant les coups portés au détenu par une tentative de rébellion.
Fernand Haudecœur ressortit de l’hôpital le 17 février suivant pour être bientôt livré à la police allemande. Condamné à mort par le tribunal Paris Boissy d’Anglas / Kdt. Gross Paris, le 10 juillet 1942, il a été fusillé le 16 juillet 1942 au Mont-Valérien, avec trois de ses camarades arrêtés dans la même affaire : Robert Girardot, Marceau Adam et René Poisson. Le calvaire enduré par Fernand Haudecœur dans les locaux de la BS1 fut longuement évoqué après la Libération, lors des procès des commissaires André Baillet et Fernand David qui furent finalement condamnés à mort et fusillés à leur tour pour s’être faits les serviteurs trop zélés des forces d’occupation allemandes.
En décembre 1944, le cercle des Jeunesses communistes de Sedan prit le nom de Fernand Haudecœur. Une cellule du Parti communiste l’imita à Nouvion-sur-Meuse (Ardennes) en 1945.
SOURCES : DAVCC, Caen, Boite 5/ B VIII 3 Liste S 1744. — RGASPI, Moscou, 495 270 1359. – Arch. Dép. Ardennes, 1 M 15 ; 3 M 7 et 8. – Arch. AVER (dossier MDN). – L’Exploité, 1934 à 1937. – Notice DBMOF. – Albert Ouzoulias, Les Bataillons de la jeunesse, op. cit., p. 124. – Andreu Castells, Las Brigadas Internacionales de la guerra de Espana, Barcelone, 1974, p. 127, 405, 406, 589. – Procès André Baillet aux archives nationales. – Notes Sylvain Boulouque et de Claude Pennetier. – État civil de Reims et de Revin.
Didier Bigorgne, Jean-Pierre Ravery