Né le 27 janvier 1888 à Elbeuf (Seine-Inférieure, Seine-Maritime), fusillé comme otage le 11 août 1942 au Mont-Valérien, Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; manœuvre spécialisé à la société des Transports en commun de la région parisienne ; conseiller municipal communiste d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) de 1935 à 1940 ; résistant du Front National de libération.

Marcel Hartmann naquit dans une famille ouvrière d’Elbeuf : son père était tisseur, sa mère trieuse. Ouvrier du textile à son tour, presseur, il épousa à Louviers (Eure) Charlotte Legouas, tisseuse. Il vint habiter au Kremlin-Bicêtre (Seine, Val-de-Marne), après la Première Guerre mondiale, avant de s’installer à Ivry-sur-Seine, en 1931, dans les HBM construites par une société de logements économiques pour familles nombreuses où il anima l’Amicale des locataires.
Monteur à la STCRP au dépôt du Petit-Ivry, Marcel Hartmann militait vraisemblablement au Parti communiste avant d’être candidat aux élections municipales, le 5 mai 1935, sur la liste de Georges Marrane. Se confond-il avec Hartmann qui était, en 1928, secrétaire du comité d’organisation de l’assemblée générale des délégués communistes des usines de la Région parisienne ? Élu au conseil municipal, assidu aux séances, il fut délégué sénatorial titulaire en 1935 et suppléant en 1938. Le conseil de préfecture le déchut de son mandat le 9 février 1940 pour appartenance au Parti communiste.
Il était un militant communiste clandestin, responsable du secteur 3 de la région sud de Paris. La police française l’arrêta le 24 juin 1942 à Paris, alors qu’il se rendait, porteur de matériel de propagande, à un rendez-vous avec un responsable de la Région sud de Paris. Les autorités allemandes le qualifiaient de « communiste convaincu » qui « rédigeait des rapports et des projets de tracts ». Incarcéré à la prison de la Santé à Paris, il fut désigné comme otage, en représailles à l’attentat du stade Jean-Bouin et de divers attentats qui provoquèrent 31 morts allemands dans le même mois. Il a été fusillé le 11 août 1942 au Mont-Valérien. Il avait écrit le 15 juillet une lettre d’adieu à sa femme et à ses sept enfants.
Un de ses fils, Jean Hartmann, né le 12 avril 1923 au Kremlin-Bicêtre, rejoignit le Parti communiste clandestin en 1941. Arrêté avant son père, il retrouva celui-ci à la prison de la Santé. Il s’évada du camp de Voves en 1944 et devint capitaine FTPF dans la région Ouest. Un autre de ses fils, André Hartmann, né le 29 décembre 1924 au Kremlin-Bicêtre, fut arrêté en 1942 pour distribution de tracts et déporté en 1943 au camp de Sachsenhausen (Allemagne). Sa femme, Charlotte Hartmann, membre du Parti communiste, fut membre du Comité local de Libération au nom du Comité des ménagères. Elle fit partie des municipalités élues le 29 avril 1945 et le 19 octobre 1947 et dirigées par Georges Marrane.
Charlotte Hartmann déposa plainte le 29 décembre 1944 contre les inspecteurs qui arrêtèrent son mari ; elle en reconnut deux sur photographies. L’un lui aurait déclaré : « Votre mari est retraité ? Eh, bien, après tout, cela vous fera une bouche de moins à nourrir. » Le 17 mars 1945, et témoigna sur procès-verbal dans le cadre de la commission d’épuration de la police et déclara qu’elle ignorait si son mari fut maltraité.
Le nom d’Hartmann est devenu le 27 juillet 1945 celui d’une rue, celle-là même où il avait habité. Il figure également sur la plaque commémorative apposée le 18 mai 1946 au dépôt de la RATP du Petit-Ivry.
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Dernière lettre
 
Le 15 juillet 1942
Ma chère Charlotte,
Je te dirai que ma situation est toujours la même ; je suis dans une cellule vraiment infecte. On fait tout, à seule fin de ne pas avoir la vermine. Jean a changé de cellule aussi
Des copains qu’il avait avec lui, deux sont avec moi, entre autres le frère de Maurice Thorez. Le camarade..Bonnefois [en fait Jean Bonnefoix ]est avec moi depuis quinze jjours. Nous avons aussi des trafiquants de cartes ainsi que des voleurs Nous sommes en bonne compagnie, comme tu peux le voir.
Hier tantôt, ’à l’occasion du 14 juillet, nous avons manifesté. Un camarade a pris la parole quelques minutes Et d’un commun accord avec les camarades femmes, nous avons chanté la Marseillaise. On aurait dit une vraie chorale. Cela peut te donner une idée sur notre moral et le tout devant les flics, gardiens et le directeur du dépôt qui ont été impuissants à nous faire.taire. Je te dirai que le camarade P... est évadé de Compiègne avec dix-huit camarades pour faire un bon travail. Avec une telle attitude,
on peut avoir confiance dans l’avenir qui est plus proche que jamais.
Je pense que de ton côté tu dois avoir confiance aussi. Je te sais courageuse et au fond de ma cellule cela me tranquillise. J’espère que ma lettre te trouvera en bonne santé ainsi que les petits... J’ai reçu l’argent de ma médaille militaire, je vais avoir la retraite des anciens combattants, à la fin du mois probablement. C’est toujours autant d’argent, puisque je n’y comptais plus. Dans le prochain colis, n’oublie pas de bourrer de trèfle, car j’ai des amateurs.
Je t’ai demandé un briquet amadou, ainsi que mon rasoir. Tous ces objets, ne les marque pas dans la liste. Je ferai mon possible, pour les faire disparaître au nez du gardien.
Pour le jardin, j’espère être là pour la récolte des pommes de terre.
Je te quitte, ma petite Charlotte, en t’embrassant de tout cœur, ainsi que les petites Denise, Claude et Suzanne.
Bien le bonjour à Jojo et aux copains. Fais-moi savoir pour le procès d’André.
Ton Marcel
Sources

SOURCES : Arch. PPo., 77W 1446, KB 6, KB 67. – Arch. com. Ivry-sur-Seine. – Arch. IHS. – Serge Klarsfeld, Le livre des otages, op. cit.Lettres de fusillés, 1946. – L’Humanité, 23 mai 1980. – Nathalie Viet-Depaule, Du côté d’Ivry-sur-Seine. Des conseillers municipaux aux habitants de 1870 à 1939, CEMS, 1984. – Lettres de fusillés, Éditions France d’abaord, 1946, p. 112-113. — Notes Claude Pennetier, Daniel Grason. – DAVCC, Caen. — Service historique de la Défense, Vincennes, GR 16 P 286326 (nc).

Michèle Rault, Nathalie Viet-Depaule

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