Né le 30 novembre 1913 à Jarny (Meurthe-et-Moselle), fusillé comme otage le 11 août 1942 au Mont-Valérien (commune de Suresnes) ; ajusteur-mécanicien ; militant communiste ; responsable technique du PC clandestin pour la région parisienne.

Arthur Tintelin
Arthur Tintelin
Titulaire du certificat d’études primaires, Arthur Tintelin travailla chez Renault à Boulogne-Billancourt et adhéra aux Jeunesses communistes à dix-sept ans. Lors de son interrogatoire, il déclara avoir cessé toutes activités politiques en 1936 poursuivant cependant une activité syndicale.
Contacté par le Parti communiste en juillet 1940, il fut appointé par l’organisation clandestine pour 2 500 francs par mois. Il devint le responsable de la branche technique c’est-à-dire des imprimeries et de la distribution de la propagande.
La Brigade spéciale no 1(BS1) de la police parisienne le repéra début mars 1942 dans le quartier Saint-Ambroise, les policiers le surnommèrent « Ambroise ». Il avait la responsabilité des ateliers de gravure et de photogravure. Il rétribuait les artisans de ces ateliers.
Onze inspecteurs de la BS1 filèrent des militants impliqués dans l’impression et la diffusion de tracts et journaux édités par le parti communiste clandestin du début mars au 16 juin 1942.
Malgré les précautions prises par les militantes et militants (changements d’itinéraires et d’horaires, longues marches à pied, déplacements en grande banlieue…), les policiers filèrent les unes et les autres. Les visites d’Arthur Tintelin aux imprimeurs servirent de fil conducteur, les signalements des militants non identifiés étaient soigneusement notés : « Individu de taille 1,85 m, forte corpulence, vêtu d’une gabardine de couleur grise, béret basque et portant des lunettes à montures d’écaille, paraissant âgé de 35 ans que nous surnommerons Voûte. » (20 mars) La femme Le Goubin a été identifiée le même jour. Galesloot a été repéré en compagnie de Tintelin le 27 mars. Quatre jours plus tard, il rencontrait Hardenberg à 11 heures 15 sur le terre-plein du Champ-de-Mars, puis dans l’après-midi Raine dans un pavillon au 67bis rue Delerme à Vincennes. Le 1er avril il ressortait à 11 heures 15 d’un l’atelier de photogravure du 91 rue de Vaugirard accompagné de Wouters.
Le 4 avril il rencontrait dans l’après-midi place du Palais-Royal une femme « taille 1,53, corpulence assez forte – 35 à 38 ans, brune – cheveux roulés en arrière tenus dans un filet – coiffée d’un filet – coiffée d’un béret basque – vêtue d’un imperméable beige – chaussée de chaussures noires – porteuse d’un sac cuir genre cabas – nous l’appellerons femme Châtillon. »
« Le 14 avril Bussière sort de son domicile 63 rue du Faubourg-Montmartre à 9 heures 25, il arrive au café tabac 35 boulevard Magenta où il est rejoint par Grandcoin. Tous deux très méfiants, discutent dans les rues désertes et sont abandonnés. » Le même jour « Tintelin quitte son domicile à 14 heures. Par le métro il se rend 19 rue Saint-Roch où il reste environ une heure. Par le métro encore il gagne l’atelier de la rue Saint-Maur. Il ressort à 17 heures 20 porteur de deux paquets de 15 x 10 centimètres, va jusqu’au métro Parmentier ou il est rejoint par Bussière. […] Ce dernier rejoint quelques instants plus tard le nommé Lacan (demeurant 28 rue des Vinaigriers où il logeait sous le nom de Flament), même manège dans la rue Gambet où Bussière remet deux paquets à Lacan.) […] Lacan nanti des deux paquets rencontre avenue de la République la femme Girard Gisèle (demeurant 49 avenue des Ternes, mais ayant un autre domicile 166 avenue de Clichy). Lacan et la femme Girard discutent sur un banc. Pendant la discussion Lacan place les deux paquets dans un sac que la femme Girard avait mis à côté d’elle à bon escient. […] La femme Girard porteuse du sac contenant les plaques va s’asseoir dans le jardin public du boulevard Gabriel-Péri où elle est rejointe à 17 heures 30 par le jeune Etievant [Etievent] monté sur le vélo 6155 REY. (Etievent est domicilié 149 rue Saint-Denis). »
« Après avoir parcouru une centaine de mètres la femme Girard et Etievent se séparent, le dernier emportant sur son vélo le sac de la femme Girard. »
Toutes les adresses des résistants étaient notées, ainsi que les heures des rendez-vous, les noms des cafés et restaurants où des rencontres eurent lieu furent notés. Le café Le Terminus porte Doré, le restaurant L’Auberge du Luxembourg 38 rue de Vaugirard, un café de la rue de Rennes, un débit au 35 boulevard Magenta, le restaurant Léon de Lyon 43 avenue de Wagram, le café À la Source rue Léopold-Bellan, le café-tabac Le Celtique boulevard Saint-Martin, le restaurant Cardinal rue Richelieu, Le Tambour place de la Bastille, un café 56 boulevard de l’Hôpital, le café Chez René 174 rue Ordener et le Royal Moka dans la même artère, la Ville de Provins gare de l’Est, le café Les 2 avenues avenue de la République, le café-tabac situé à l’angle des rues de l’Echiquier et Hauteville, La Boule d’Or à Saint-Michel, Le Royal Odéon, à l’angle du quai et de la rue du Louvre le café Corona, rue Saint-Ambroise le café Aux Cent Kilos, le Dupont Barbès, le restaurant Tout va bien, sur les Grands boulevard Le Brabant, rue du Faubourg Saint-Denis, La chope Magenta, le restaurant Chez Léon de Lyon, boulevard Rochechouart le café-tabac du Trianon, dans le bois de Vincennes la buvette au Chalet des Gaufres, boulevard Saint-Michel la Brasserie Dupont, près de la gare du Nord le café-tabac Montholon, avenue de Clichy le Trait d’Union, près de la station de métro Montparnasse le Lido bar, 53 rue Saint-Jacques le restaurant La Bonne Étoile et boulevard du Château d’Eau le Bar de l’Unité.
La précision des rapports de filatures : noms, prénom et adresses, lieux et heures des rendez-vous et la durée des surveillances permettra aux inspecteurs de la BS1 d’opérer un vaste coup de filet.
À partir du 19 juin 1942, les BS procédèrent à l’arrestation d¹une soixantaine de personnes qui furent interrogées et semble-t-il, pour certaines d’entre elles, torturées. Arthur Tintelin était domicilié 5 rue Daumier à Paris (XVIe arr.) et avait sur lui des faux papiers au nom de Laurent. À son domicile les policiers de la BS1 saisissaient des tracts et des brochures, un carnet de rendez-vous, une fausse carte de chemin de fer à son nom, seize zincs d’imprimerie avec un texte sur « La protection contre les gaz de combat » qui devait figurer dans le manuel d’instruction des partisans. Arthur Tintelin était rétribué 2500 francs par mois.
La police découvrit quatre ateliers, quatre imprimeries et sept dépôts. Le matériel saisi était si imposant, par exemple un million de tracts imprimés et ronéotypés rue de la Grange-aux-Belles ou 1 000 kilogrammes de papier blanc, de l’antimoine en lingots, cinquante kilogrammes de caractères d’imprimerie et des tracts rue de Clignancourt, que la préfecture avoua son incapacité à tout stocker.
Au total, furent saisis des millions de tracts, plusieurs centaines de fausses cartes d’identité, des milliers de kilogrammes de papiers blancs, des brochures et des journaux (France d’abord, l’Humanité, La Vie ouvrière, La vie du parti, l’Université libre….) et dans un pavillon de Gagny, deux postes émetteurs à ondes courtes et un appareil de transmission morse.
Enfin la police récolta des noms, des adresses, des liaisons, de l’argent (Tintelin avait sur lui lors de son arrestation 5 000 francs et Gustave Lecat 4 000 francs) et des armes.
Il fut établi que Tintelin payait les imprimeurs et réglait les mensualités de militants sous son contrôle. Dans le cadre de ce que l’on appelle l’affaire Tintelin fut aussi arrêté le triangle de direction des Jeunesses communistes : Gustave Pitiot, Yves Despouy et Camille Baynac.
La police de Vichy remit des militants aux Allemands qui en fusillèrent trente-six le 11 août 1942.
Dix-neuf femmes furent déportées à Auschwitz (Pologne).
Le 28 mars 1945 Swalda veuve d’Arthur Tintelin témoigna devant la commission d’épuration de la police. Elle reconnut sur photographies deux des inspecteurs qui interpellèrent son mari. Elle déclara : « Nous avons été conduit à la Préfecture de police, où j’ai été détenue pendant quatre jours à l’issue desquels j’ai été relaxée sans avoir été maltraitée. Mon époux a été détenu deux ou trois jours de plus puis transféré au Dépôt d’où il a été extrait le 10 août 1942, par les allemands pour être fusillé au Mont-Valérien dans l’après-midi sans avoir été jugé. »
« J’ignore si mon mari a été maltraité durant son séjour à la Préfecture. J’ai pu le voir une fois, il ne m’a rien dit à ce sujet. En ce qui me concerne, les inspecteurs ont été corrects. »
« Au moment de son arrestation, mon époux était en possession de 5 000 francs, sur lesquels 2 000 francs m’ont été rendus au moment de ma remise en liberté. Les policiers qui avaient découvert des tracts qu’ils ont emportés dans une serviette en cuir, ne m’ont pas restitués cette serviette. »
« Je mentionne que les 2 000 francs qui m’ont été restitués m’ont été remis dans la rue par l’inspecteur H… qui ne m’a demandé aucune signature à titre de décharge. Je demande qu’une enquête soit faite en ce qui concerne les 3 000 francs restant. »
« Je porte plainte contre les policiers qui ont arrêté mon époux, les considérant comme responsable de sa mort. Je porte plainte en vol en ce qui concerne la serviette en cuir et éventuellement la somme de 3 000 francs. »
Arthur Tintelin a été homologué Interné résistant.
Les fusillés
Lacan Pierre, Bussière Gaston, Wouters Franciscus, Galesloot Pierre, Raine Jean, Hardenberg Pierre, Appay Léon, Gentil Georges, Guyot Louis, Houdart Eugène, Grandcoing Maurice, Houdart Eugène, Daubeuf Henri, Landragin Julien, Pitiot Gustave, Loison Georges, Etievent Gaston,Sacristan-Guerro Benito, Olivier Auguste, Letienne Jean, Jeannot Raymond, Monge Marcel, Rodde Édouard, Rodde Jean, Maillard Henri, Bonnefoix Jean
Des membres de la direction des Jeunesses communistes Camille Baynac, Jean Compagnon, Yvon Djian et René Despouy ont également fusillés le 11 août 1942.
Sources

SOURCES : Arch. PPo. BA 2299, BS1, GB 36 et 37, GB 038 affaire Tintelin, 221W 3, KB 55, 77W 5349-294402. – Bureau résistance GR 16 P 571803. – Ivan Avakoumovitch, « Un grand succès de la Brigade spéciale 1 : l’Affaire Tintelin (1942) », Cahiers d’histoire, n° 76, 1999 . – Serge Klarsfeld, Le Livre des otages, ÉFR 1979.

Iconographie
PHOTOGRAPHIE : Arch. PPo. GB 168

Jean-Pierre Besse, Daniel Grason

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