Né le 16 mai 1923 à Paris (XVIIIe arr.), fusillé après condamnation le 8 février 1943 au stand de tir du ministère de l’Air à Paris (XVe arr.) ; lycéen ; résistant ; un des « Cinq du lycée Buffon ».

Pierre Grelot
Pierre Grelot
Les 5 fusillés du lycée Buffon
Les 5 fusillés du lycée Buffon
Pierre Grelot.
Pierre Grelot.
Pierre Grelot était le fils de Jean Grelot, ingénieur divisionnaire au ministère des PTT (ingénieur-dessinateur aux services radiotélégraphiques), originaire de Libourne (Gironde), et de Valérie Désèmery, sans profession, originaire de Dordogne. Il effectua ses études primaires à l’école communale de garçons de la rue Camou à Paris, (VIIe arr.) et en octobre 1938 entra au lycée Buffon en classe de troisième. Il était domicilié 11 bis rue de Pondichéry à Paris (XVe arr.).
Alors qu’il poursuivait ses études en classe de première au lycée Buffon, il fut contacté par Pierre Benoît pour adhérer au Front national, il accepta. Chargé de la propagande au sein du lycée et dans les milieux universitaires, il diffusa des tracts. Il participa à la manifestation du 16 avril 1942 pour protester contre l’arrestation de Raymond Burgard, professeur au lycée Buffon et fondateur du journal clandestin Valmy ; Pierre Grelot dut alors entrer dans la clandestinité. En mai 1942, Pierre Benoît estima que ce type d’action était insuffisant, et « qu’il fallait procéder par d’autres moyens. » : il présenta Jean Arthus à Pierre Grelot, afin de constituer un groupe de trois qui se nommerait « T.P. », ce qui signifiait « Troupe Patriote », sans plus de précisions.
Pierre Grelot participa à deux attentats. Accompagné de Lucien Legros, il tira le 19 mai 1942 vers 9 h 30, à la hauteur du 5 quai Malaquais, (Paris, VIe arr.), contre le Conseiller d’administration militaire de la Luftwaffe Kulik. Celui-ci fut touché d’une balle de revolver au-dessus de l’omoplate gauche, Pierre Grelot prit la fuite et tira quelques coups de revolvers sur deux témoins lancés à sa poursuite. Sept personnes témoignèrent au commissariat de l’arrondissement, ils remarquèrent deux jeunes de quinze et de dix-huit à vingt ans, l’un faisait le guet, l’autre avait tiré à deux reprises. Grâce aux témoignages les policiers dressèrent le signalement de deux jeunes hommes de « type étudiant ». Le 28 mai 1942 vers 22 h 30, il assura avec Jean Arthus et Lucien Legros la protection de Pierre Benoît qui lança une grenade et un engin explosif sur un yacht allemand accosté quai de Tokyo (aujourd’hui quai de New-York) à Paris (XVIe arr.).
Pierre Benoît donna rendez-vous à Pierre Grelot ainsi qu’à Jean Arthus dans les jardins du Palais-Royal (Paris, Ier arr.) le samedi 30 mai 1942 , et à nouveau le dimanche 31 mai, un homme inconnu étant présent. Pierre Benoît les informa de leur participation à « une manifestation tout à fait anodine » devant le magasin « Eco » rue de Buci (Paris, VIe arr.). L’initiative était « motivée par les difficultés actuelles de ravitaillement ». Pierre Benoît donna un pistolet automatique à Pierre Grelot et à Jean Arthus, la consigne donnée par Pierre Benoît étant de ne se « servir de cette arme qu’au cas où la police ferait elle-même usage de ses armes, contre les manifestants. ».Pierre Benoît, Jean Arthus et Pierre Grelot partirent ensemble sans l’inconnu.
Pierre Grelot observa ce qui se passait devant l’épicerie « Eco ». « J’aperçus deux gardiens de la paix qui après avoir procédé à l’arrestation d’un manifestant cherchaient visiblement à amener celui-ci au poste. La foule suivait les représentants de l’ordre et j’entendis notamment des femmes qui criaient : “ Lâchez-le ! lâchez-le ! ”. Comme avant le déclenchement de la manifestation Pierre Benoît nous avait quittés et que je l’avais vu parlementer au milieu de plusieurs personnes, j’en ai conclu que la foule était composée en majorité de partisans » déclara-t-il le 3 juin aux policiers après son interpellation. Parmi les ménagères, il y avait des militantes dont Madeleine Marzin, Marguerite Bronner, Jeanne Chauviré, Raymonde Vanden Branden, Norma Bléron, Louise Sézille de Mazancourt...
Pierre Grelot fut arrêté par trois inspecteurs de la Brigade spéciale n°2 (BS2) le 3 juin 1942 vers 17 heures 30 face au n° 5 de la rue de Pondichéry dans le (Paris, XVe arr.) avec Lucien Legros alors que Pierre Benoît réussissait, lui, à s’échapper. Pierre Grelot tenta en vain d’ameuter les passants, criant « Ils veulent me faire fusiller, sauvez-moi ! ». Il fut fouillé, et il apparut qu’il n’était porteur ni d’armes ni de documents. Jean Arthus fut arrêté à son domicile par trois inspecteurs de la BS2 le jour-même (3 juin 1942) vers 20h.
Les policiers perquisitionnèrent l’appartement de quatre pièces, cuisine, salle de bains et dépendances au 11 bis rue de Pondichéry (XVe arr.) qui était le domicile de Pierre Grelot. Dans la chambre qu’il occupait avec son frère Jacques, les policiers saisirent un blouson de couleur marron, un agenda de l’année 1940, trois carnets avec des notes, une lettre pneumatique signée « Marchand » (pseudonyme de Jacques Baudry) lui fixant un rendez-vous le mercredi 3 juin, sur un fragment de papier la reproduction d’un plan, et sur un autre papier des notes sur des produits chimiques.
Interrogé dans les locaux des Brigades spéciales, il déclara qu’il n’avait jamais adhéré au Parti communiste ni aux Jeunesses communistes, mais qu’il était sympathisant. Il avait rejoint le Front national en février 1942 par l’entremise d’un camarade de classe Pierre Benoit. Il fit connaissance avec Tibor Berger, mathématicien également membre du Front national, participa à des réunions, distribua des tracts de l’organisation dans l’enceinte du lycée. Il entendit parler des Troupes populaires (les Francs-Tireurs et Partisans).
Sur l’initiative de la rue de Buci, il affirma qu’il avait accepté de prendre le revolver « Bien décidé toutefois à ne pas me servir de cette arme quoi qu’il arriva. » Il observa ce qui se passait : « Un remous se produisit dans la foule qui suivait. […] J’entendis une série de détonations et dès ce moment je pris peur. Toujours accompagné par Jean Arthus, j’ai regagné en courant le boulevard Saint-Germain. De là nous sommes partis au métro Falguière. » Ils retrouvèrent [Pierre Benoît>147148] qui leur demanda s’ils avaient tirés. Lors d’un second interrogatoire, les policiers voulaient en savoir davantage sur le jeune homme non identifié, ils présentèrent à Pierre Grelot une série de photographies, et ce dernier affirma ne reconnaître personne.
Le 25 juin 1942, avec ses deux camarades Jean Arthus et Lucien Legros, Pierre Grelot fut condamné par le tribunal spécial de Paris aux travaux forcés à perpétuité pour sa participation à la manifestation de la rue Buci, et Pierre Benoît fut condamné à mort par contumace. Emprisonné à la Santé (Paris, XIVe arr.), Pierre Grelot fut remis aux autorités allemandes le 1er juillet 1942 avec Jacques Baudry, condamné pour une autre affaire, et ses deux camarades Jean Arthus et Lucien Legros. Pierre Grelot fut condamné à mort le 15 octobre 1942, par un tribunal de la Luftwaffe qui siégeait rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.), avec ses camarades Jean Arthus, Jacques Baudry, Lucien Legros et aussi Pierre Benoît qui avait été arrêté le 28 août 1942. Dans la dernière lettre adressée à sa mère, Pierre Grelot écrivit que ce procès « n’a été qu’une comédie » et que son acte d’accusation portait : « propagande antifasciste et contre l’armée d’occupation, port et détention d’armes et de munitions ».
Transférés à la prison de Fresnes (Seine, Val-de-Marne) le 27 octobre 1942, « les cinq du lycée Buffon » poursuivirent leur action au sein même de la prison (refus de recevoir l’aumônier allemand qui portait l’uniforme de la SS, tentative d’évasion...).
Pierre Grelot a été fusillé le 8 février 1943 au stand de tir du ministère de l’Air à Paris (XVe arr.), ainsi que Jean Arthus, Jacques Baudry, Pierre Benoit et Lucien Legros. Il fut inhumé au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) le 8 février 1943 division 47, ligne 1, n°4.
En 1952 ses restes furent incinérés et mis avec ceux de ses camarades Jean Arthus, Pierre Benoit, et Lucien Legros dans une urne qui fut déposée le 8 février 1952 dans la crypte de la Sorbonne. Comme il en avait exprimé le souhait, Jacques Baudry repose désormais auprès de ses grands-parents à Douchy (Loiret).
La mère de Pierre Grelot, Valérie Grelot, vivait alors dans le Puy-de-Dôme, elle témoigna dans le cadre de la commission d’épuration de la police sur procès-verbal le 7 novembre 1944. Elle déclara que son fils avait été frappé par l’un des inspecteurs lors de son arrestation. Elle-même s’interposa, elle reçut « un violent coup de poing de la part du même inspecteur. » Des inspecteurs restés en surveillance dans l’appartement dérobèrent deux paquets de tabac. Deux des trois inspecteurs qui arrêtèrent, interrogèrent et frappèrent Pierre Grelot ont été condamnés à mort, ces peines furent commuées en années de travaux forcées avec révocation sans pension.
Pierre Grelot fut reconnu Mort pour la France, il fut homologué membre des Forces Françaises Combattantes (FFC) au titre des réseaux Hector et Cincinnatus, membre des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) et Interné résistant (DIR). Il fut décoré de la Légion d’honneur, de la Croix de guerre avec palmes et de la Médaille de la Résistance (décret du 29 novembre 1946, publié au JO du 8 décembre 1946). Il fut cité avec ses quatre camarades à l’ordre de la Nation : "Glorieux enfants de France, qui formèrent pendant l’Occupation le groupe des Cinq étudiants du Lycée Buffon, se montrèrent en toutes circonstances animés de la foi patriotique la plus pure et la plus agissante"
Son nom est gravé sur la plaque du ministère de la Défense à Paris XVe arr. et sur une plaque apposée dans le hall d’entrée du Lycée Buffon « À la mémoire des lycéens résistants fusillés le 8 février 1943 ».
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Dernière lettre
 
Lundi 8 février 194
Maman chérie, papa et Jacques chéris,
 
Tout est fini maintenant. Je vais être fusillé ce matin à onze heures. Pauvres parents
chéris, sachez que ma dernière pensée sera pour vous ; je saurai mourir en Français.
Pendant ces longs mois, j’ai beaucoup pensé à vous, et j’aurais voulu plus tard pouvoir vous donner tout le bonheur que votre affection pour moi méritait en retour. J’ai rêvé tant de choses pour. vous rendre heureux après la tourmente. Mais hélas mes rêves resteront ce qu’ils sont.
Je vous embrasse beaucoup, beaucoup. La joie de vous revoir m’est à jamais interdite Vous aurez mes nouvelles plus tard.
Je vous embrasse encore et toujours, mes parents chéris. Gardez toujours dans votre coeur mon souvenir...
Adieu, maman, papa, Jacques chéri, adieu
Pierre Grelot

Voir Paris (XVe arr.), Le stand de tir de Balard (Ministère de l’Air)
Sources

SOURCES : AVCC, SHD Caen, AC 21 P 619246 (nc). — Arch. PPo. Activités communistes pendant l’Occupation, carton 6 , BS2, carton 6, BA 1747, BA 1752, GB 098, 77W 3117, GB 179 (photo). — Bureau Résistance GR 16 P 269739. — Guy Krivopissko, La vie à en mourir, lettres de fusillés 1841-1944, Tallandier, 2003. — État civil. — Plaque du ministère de la Défense à Paris XVème. — Site Internet Mémoire des Hommes. — MémorialGenWeb. — Répertoire des fusillés inhumés au cimetière parisien d’Ivry.

Iconographie
PHOTOGRAPHIE : Arch. PPo. GB 179 (cliché du haut).

Jean-Pierre Besse, Daniel Grason

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