LACAN Pierre [LACAN Aimé, Désiré, Pierre, Antoine]
Né le 28 juin 1896 à Alignan-du-Vent (Hérault), fusillé comme otage le 11 août 1942 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; militant communiste du Pas-de-Calais puis de Paris ; rédacteur à l’Humanité et à l’Enchaîné du Nord ; résistant de l’Organisation spéciale de combat (OS).
Pierre Lacan prisonnier à la Santé en juillet 1929, assis au premier rang à gauche, à côté de Gabriel Péri, Maurice Thorez et André Marty. Assis devant en tailleur, Paul Vaillant-Couturier.
Pierre Lacan
Pierre Lacan, l’Humanité, 8 janvier 1928.
Appelé à travailler à l’Humanité vers 1924-1925, il habita Fontenay-sous-Bois puis Paris (IIe, XIXe et XXe arr.). Chargé des rubriques « Vie sociale » et « Front ouvrier », il s’affirma comme un des meilleurs rédacteurs. En 1926, lorsque le Comité central décida de transformer le bi-hebdomadaire l’Enchaîné du Nord en quotidien, il fut désigné pour renforcer l’équipe journalistique. Ses articles lui valurent d’être condamné le 16 mai 1926 par le tribunal d’Arras pour complicité de provocation à crimes et délits contre la sûreté de l’État. La cour d’appel de Douai lui infligea, le 9 juillet 1927, trois mois de prison et 10 francs d’amende. Dans les mois qui suivirent, l’Enchaîné, en difficulté, abandonna la parution quotidienne et Pierre Lacan reprit sa place à l’Humanité. La police l’arrêta le 7 janvier 1928 ; il purgea sa peine à la prison de la Santé.
À sa libération, l’Humanité le chargea de suivre les mouvements de grève en province : fin décembre 1928 la grève du textile du Nord, en janvier 1929 celle des mineurs du Gard et en mars celle des dockers de Bordeaux. Deux articles qu’il publia sur la grève du Gard entraînèrent sa condamnation, le 31 juillet 1929, par la 11e chambre correctionnelle à trois ans de prison et 3 000 francs d’amende pour « provocation de militaires à la désobéissance dans un but de propagande anarchiste ». Il avait fait état d’ébauches de fraternisations entre les soldats et les « gueules noires ». Pierre Lacan retrouva à la prison de la Santé Gabriel Péri, André Marty, Maurice Thorez et Paul Vaillant-Couturier, comme en témoigne la photographie de groupe de juillet 1929. Il finit sa peine à la centrale de Clairvaux (Aube).
Pierre Lacan était surtout connu pour son activité journalistique. Il militait au rayon communiste du Ier arrondissement de Paris, appartenait à l’ARAC, à la 2e section du Secours rouge international, au Secours ouvrier international et au groupe « Lénine » de la Fédération des enfants ouvriers et paysans. Il resta à la rédaction de l’Humanité jusqu’à la guerre et participa ensuite à l’action clandestine. Arrêté au début de la guerre, il fut interné au camp de Caylus (Tarn-et-Garonne) d’où il fut libéré le 30 juillet 1940.
Une attestation délivrée après la Libération signale qu’à partir du 15 janvier 1941 il fut membre de l’Organisation spéciale. Il était chargé de l’édition, de la diffusion de notices de sabotages et de fabrication et d’utilisation des explosifs. Dans la semi-clandestinité, nom de Marcel Flamant, il était domicilié 17 rue Clavel à Paris (XIXe arr.) et avait une chambre où il habitait sous le nom de Clavel 28 rue des Vinaigriers à Paris (Xe arr.).
Onze inspecteurs de la BS1 des Renseignements généraux filèrent du début mars au 27 mai 1942 les militantes et militants communistes qui imprimaient et diffusaient les tracts et journaux de l’organisation clandestine. Pierre Lacan a été repéré le 14 avril 1942, des inspecteurs de la BS1 notaient que Bussière remettait deux paquets à Pierre Lacan dans la rue Gambey dans le XIe arrondissement. Un peu plus tard ce dernier rencontrait Angèle Girard avenue de la République, tous deux s’asseyaient sur un banc, Lacan glissa les deux colis dans son sac. Le 18 avril un policier nota qu’il conversait avec Maurice Grandcoin rue d’Albouy. Le 23 avril après 14 heures 10, il rencontrait Maurice Grandcoin et Gaston Bussière dans un café situé 23 boulevard Saint-Martin. Quelques minutes plus tard il sortait du débit avec un paquet de 25 centimètres sur 15 sous le bras.
Le 24 avril il quittait son domicile vers 14 heures, s’attardait devant les vitrines des magasins. À 15 heures 15, il rencontra face au concert Mayol Angèle Girard. Ils allèrent au café-tabac à l’angle de la rue de l’Echiquier et de Hauteville dans le Xe arrondissement. Ils en sortaient vers 16 heures 40 et se séparaient.
Il sortit de son domicile le 5 mai vers 14 heures alla acheter un quotidien rue Albouy et regagna son logement. Il ressortait à 14 heures et rencontrait Angèle Girard qui portait un paquet de 30 centimètres sur vingt. Ils parlaient quelques minutes, elle donna lui donna le paquet. Lacan partit alla à pied dans le café tabac à l’angle de la rue Saint-Sébastien et boulevard Richard-Lenoir (XIe arr.). Gaston Bussière le rejoignit et sortit avec le paquet à 16 heures 20, les deux militants se séparèrent. Le 18 mai à 10 heures 50, Maurice Grandcoin rencontrait Pierre Lacan et Bussière à La chope Magenta.
Pierre Lacan fut arrêté à son domicile illégal à Paris (Xe arr.) le 17 juin 1942 par la Brigade spéciale de la préfecture de police à la suite des filatures. Il était porteur d’une fausse carte d’identité au nom de Marcel Flament, né le 25 mars 1892 à Sète (Hérault), représentant de commerce, domicilié 86 Grande-Rue à Bezons (Seine-et-Oise, Val-d’Oise). Lors de son arrestation furent saisis sur lui des plans de sabotages des usines Renault et d’une base sous-marine de l’Atlantique. À son domicile les policiers saisissaient une brochure contenant des instructions pour effectuer des sabotages de voies ferrées, d’usines et de dépôts, ainsi que des documents sur la composition des unités militaires : infanterie, artillerie, aviation et chars… Conduit au Dépôt le 11 août 1942, il fut pris comme otage et fusillé au Mont-Valérien le 11 jour même.
Son épouse Marie-Claire témoigna devant la commission d’épuration de la police. Elle déclara : « Mon mari a été arrêté le 17 juin 1942 à mon domicile par plusieurs inspecteurs de police. »
« Amené dans les locaux des Brigades spéciales, il a été interrogé sans brutalité. »
Elle a été Grand Electeur aux élections sénatoriales du 24 novembre 1946. La mention « Mort pour la France » a été portée le 29 mars 1949 sur son acte de décès établi le 5 mars 1943 sur le registre de l’état civil du Xe arrondissement. Pierre Lacan a été homologué au titre de la Résistance intérieure française (RIF) avec le grade d’adjudant du 15 janvier 1941 au 11 août 1942.
Il avait un fils Pierre, né en octobre 1929, employé au gaz en 1954.
SOURCES : Arch. Nat. F7/13715, le 23 mai 1928. – Arch. PPo. Ba 1715, année 1935, 221W 3, GB 038 (filatures). – Arch. Dép. Pas-de-Calais, M 2387 et M 5304. – Bureau Résistance GR 16 P 326365. – DAVCC, Caen. – Serge Klarsfeld, Léon Tsévéry, Les 1007 fusillés du Mont-Valérien parmi lesquels 174 Juifs, FFDJF, 1995. – Renseignements fournis par G. Coquel à Yves Le Maner. – Notes Daniel Hémery. – État civil, Alignan-du-Vent.
Jean-Pierre Besse, Daniel Grason, Claude Pennetier