Né le 29 octobre 1918 à Paris (VIe arr.), fusillé le 6 octobre 1943 au Mont-Valérien (Seine, Hauts-de-Seine) ; ingénieur agronome ; secrétaire de la Fédération nationale de l’élevage dans les territoires d’Outre-Mer ; communiste ; résistant au sein des FTPF.

Pierre Lamandé était le fils d’un pharmacien, aide-major de réserve première classe. Étudiant en agronomie à Paris, membre de l’Union fédérale des étudiants (UFÉ), il fit partie du premier bureau de l’Union des étudiants communistes (UEC) en avril 1939.
Marié en novembre 1939 à Houilles (Seine-et-Oise, Val-d’Oise) avec Colette Adam, Pierre Lamandé prit part à la résistance armée dans les rangs des FTP, comme lieutenant-colonel. La famille vivait au 2 rue du Maréchal Pétain à Houilles (Seine-et-Oise, Val-d’Oise). Après la dissolution du Parti communiste par le décret-loi du 22 septembre 1939 il continua à militer. En 1943, il était responsable du secteur P.3 et P.4 des Francs-Tireurs et Partisans sous le pseudonyme de Martial. Pierre Lamandé fut interpellé le 3 ou 7 juillet 1943 par des inspecteurs de la BS2 des Renseignements généraux Il était en possession d’un inventaire (armes, matériels...) qui correspondait à celui qui fut découvert par la police quelques jours plus tard dans une champignonnière en forêt de l’Isle-Adam.
Ses domiciles clandestins furent perquisitionnés, au 24 bis rue Poliveau à Paris (Ve arr.), les policiers saisissaient des listes de policiers et de personnes considérées comme traîtres au Parti, ainsi que plusieurs projets d’attentats, au 6 impasse Rolleboise dans le XXe arrondissement de Paris, étaient découverts : deux pistolets automatiques calibre 6,35 mm ; un revolver à barillet chargé ; un lot de cartouches ; une cisaille à rivets ; des clefs à tubes ; un fer à souder ; huit cônes d’explosifs primaires ; un détonateur ; un lot de feuillets de rationnement qui avaient été cambriolés dans des mairies ; un lot de tracts et de brochures édités par le parti communiste ; des cachets de plusieurs firmes commerciales et la griffe du Commissariat de Livry-Gargan (Seine-et-Oise, Seine-Saint-Denis), le tout pouvait à fabriquer des fausses pièces d’identités, ainsi qu’un lot important de documents concernant les régions P.3 et P.4.
Sévèrement interrogé, probablement frappé il reconnaissait être l’auteur ou l’organisateur de huit attentats : destructions le 21 mai 1943 à l’explosif de vedettes des chantiers navals Franco-Belge à Villeneuve-la-Garenne (Seine, Hauts-de-Seine) ; le 1er juin 1943 tentative de destruction des pylônes de haute tension à Anet (Eure-et-Loir) et le même jour à Gennevilliers (Seine, Hauts-de-Seine), les engins placés au pied des pylônes n’explosèrent pas en raison de la mauvaise qualité du cordeau. Le 4 juin 1943 il participa à un attentat à la grenade contre un détachement de cyclistes allemands au Pont de Saint-Ouen, trois allemands furent blessés. Le 5 juin 1943 il tira avec un revolver contre un gradé allemand qui était accompagné de deux femmes rue de Strasbourg Saint-Denis à Paris (Xe arr.), il y eut deux morts. Le 8 juin 1943 il participa à attentat à la grenade contre le foyer allemand de Maisons-Alfort (Seine, Val-de-Marne). Pierre Lamandé était également dans l’équipe de FTP qui lança des grenades contre des wagons allemands d’un train de voyageurs boulevard Mac Donald à Paris (XVIIIe arr.) et contre un train de permissionnaires allemands entre la gare et le champ de courses d’Enghien (Seine-et-Oise, Val-d’Oise).
Tabassé à plusieurs reprises, il indiqua l’emplacement du dépôt d’armes de la région P.3 au 26 avenue du Président Wilson à Saint-Denis. Furent saisis : trois grenades françaises F.1, cinq grenades françaises offensives ; deux revolvers à barillet ; un pistolet automatique calibre 6,35 mm ; quinze chargeurs de pistolets garnis de cartouches ; quatre chargeurs de mitraillettes garnis ; des allumeurs à acide sulfurique à frottement et à traction ; sept cartouches de poudre ; cinq kilos de dynamite et d’hexogène ; douze boîtes métalliques destinées à la confection d’engins ; plusieurs rouleaux de cordeaux Bickford et de cordeaux détonant du type de ceux employés par le Génie français ; de nombreux produits chimiques ; un corps de bombe ; et un engin pouvant servir au sabotage d’une voie ferrée. Il était également en possession d’un inventaire (armes, matériels...) qui correspondait à celui qui fut découvert par la police quelques jours plus tard dans une champignonnière en forêt de l’Isle-Adam.
Il fut condamné à mort par un tribunal militaire allemand le 1er octobre 1943 et fusillé au Mont-Valérien le 6 octobre 1943. Le jour même il avait écrit, de la prison de Fresnes, à sa femme et à ses enfants (une fille [Anne-Marie] et deux garçons [François et Jean]) deux lettres émouvantes aux accents patriotiques.
Il a été homologué Interné résistant, combattant des Forces françaises de l’intérieur (FFI).
La Municipalité de Houilles donna son nom à une rue de la ville.
Le 11 novembre 1944, un immense défilé eut lieu à Paris aux Champs-Elysées, l’Humanité titra en page une : « PLUS D’UN MILLION ! »
« De la place de l’Alma jusqu’à la Concorde à l’Étoile, l’interminable cortège par rangs de quarante, quatre heures durant ».
Dans le compte rendu en page deux, étaient notamment cités Raymond Guyot, Meusion [Mension], Latarget, Kesterman et le commandant Figuère Figuères. Parmi les "Amis des FTP", le colonel André (Albert Ouzoulias) accompagne l’abbé Le Gouard, de la région bretonne ; Mmes Lamandé [veuve de Pierre Lamandé] et Gilles [veuve de Joseph Epstein, dont les maris, fusillés l’an dernier, commandaient la Région parisienne. »
Pierre Lamandé a été homologué Interné Résistant (DIR) et combattant des Forces françaises de l’intérieur (FFI).
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Dernière lettre
 
Fresnes, le 6 octobre 1943
Ma chère petite femme,
Je viens d’apprendre que je serai fusillé aujourd’hui à quatre heures Je ne te demande pas d’être courageuse, je sais que tu l’es, mais je te demande d’être fière de ton mari, car il meurt parce qu’il a voulu que la France soit libre et heureuse et que volontairement il a donné sa vie pour défendre son idéal ; je sais que la lutte que nous avons entreprise ne sera pas abandonnée et que bientôt la victoire viendra couronner notre sacrifice.
Ma chère petite femme, je suis triste de te quitter, mais je t’ai toujours aimée depuis quatre ans et le souvenir de notre grand amour sera pour toi, j’en suis sûr, d’un, grand réconfort. Nos chers petits sauront te donner tout l’amour que je ne pourrai plus t’accorder. Je les ai bien aimés et je te demande de plus les aimer encore en souvenir de moi.
Tu sauras les élever selon les principes suivant les- , quels nous avons vécu et je suis heureux de penser. qu’ils connaîtront le bonheur et la vie libre pour laquelle nous avons lutté. ils verront enfin cette France libre et heureuse.
Ma chère petite femme, je voudrais encore te dire combien je t’ai aimée, et combien ton amour pour moi fut une joie et un soutien ; le souvenir des jours heureux que nous avons vécus ensemble, le souvenir des jours de peine que nous ayons partagés restent pour moi ma dernière joie. Je regrette de te laisser ainsi seule au début de la vie, mais nos chers petits sont le meilleur gage de notre amour.
Ma chère petite femme, je ne te demande pas de m’oublier ; mais je voudrais que ta douleur ne soit pas trop longue et que tu reprennes courageusement et gaiement le chemin de la vie.
Jusqu’au dernier moment, tu auras été pour moi ma grande joie et ma dernière pensée Dis bonjour et courage tous nos amis, la victoire approche, mon
souvenir à tes parents.
Ma chérie, je t’embrasse tendrement mille et mille fois, mon amour.
 
Pierre
 
Fresnes, le 6 octobre 1943
Mes chers petits enfants,
Votre papa vous envoie cette dernière lettre en priant votre chère maman de vous la lire quand vous serez plus grands.
Votre papa va être fusillé parce qu’il a voulu que notre chère France soit libre et heureuse. Je vous abandonne alors que vous connaissez à peine cette terré, mais je vous laisse la meilleure et la plus aimante des mamans. Elle saura vous donner tout l’amour auquel vous avez droit et elle vous guidera pour que vous soyez de vrais Français, dont votre papa aurait pu être fier.
Sachez que donner sa vie pour son pays n’est pas seulement un sacrifice, mais qu’il est aussi la meilleure preuve de l’espoir que notre pays sera un jour parfaitement libre et heureux.
Ma chère petite Aune-Marie, je te connais bien, je sais que tu n’es pas seulement une jolie petite fille, mais que tu aimais aussi beaucoup ton papa qui te le rendait bien, ma petite chérie. Je te demande de bien aimer ta maman, et de l’aider de toutes tes petites forces, car sa tâche sera rude.
Mon cher petit François, je t’ai quitté quand tu ne marchais pas encore, mais tu montrais déjà que tu m’aimais bien Je sais que tu es intelligent et courageux et que tu seras bientôt digne d’être le chef de notre chère petite famille.
Mon cher petit Jean, je ne t’ai vu qu’une fois, mais j’ai vu que tu seras un garçon beau et intelligent Je te demande de consoler ta maman par tes sourires et tes baisers, et de grandir vite en taille et en sagesse.
Mes chers petits enfants, je vous quitte bien jeunes, mais je vous laisse le meilleur devoir celui d’être les dignes enfants d’un homme qui voulut. lutter jusqu’au bout pour que vous soyez heureux.
Courage, mes chers petits, votre papa vous embrasse bien fort et vous souhaite la vie heureuse et libre qu’il a voulu vous donne.
 
Papa
Sources

SOURCES : Arch. PPo. Rapports des RG, juillet 1943, 77 W 727-228.469 (transmis par Gérard Larue). – Service historique de la Défense, Vincennes, GR 16 P 332885, AVCC Caen SHD, AC 21 P 584599. – L’Humanité du 12 novembre 1944, site de la BnF. – Lettres de fusillés, Éd. France d’abord, 1946, p. 138-1941. – Lettres de fusillés Paris, 1958. – État civil Paris VIe arr. 6 N 285 acte n° 1981.

Jean-Pierre Besse, Daniel Grason, Claude Pennetier

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