Lacaune (2549 habitants en 1936) est une commune du Tarn, à l’extrémité montagneuse, orientale et méridionale du département, limitrophe à la fois des départements de l’Aveyron, au nord, et de l’Hérault, au sud. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la localité a servi de refuge aux proscrits et aux personnes menacées par la répression (Juifs, réfractaires du STO). Des maquis se formèrent à Lacaune et dans les communes voisines sous la direction de l’Armée secrète (AS) du Tarn. Le territoire de la commune de Lacaune, dans ses hauteurs, abrita entre autres, un maquis de l’AS, préfiguration du Corps franc de la Montagne Noire (CFMN) qu’il intégra. Quatre jours après la création du CFMN, ses hommes livrèrent le premier combat de cette formation nouvellement créée. Cinq d’entre eux trouvèrent la mort.

Lacaune (Tarn), monument commémoratif du combat du CFMN contre les Allemands le 22 avril 1944 ; érigé sur le versant sud du col de Picotalen à quelques centaines de mètres de celui-ci, à droite de la RD 907 en direction de La Salvetat-sur-Agoût (Hérault).
Photographie : André Balent, 9 novembre 2019
Lacaune (Tarn), monument commémoratif du combat du CFMN contre les Allemands le 22 avril 1944 ; érigé sur le versant sud du col de Picotalen à quelques centaines de mètres de celui-ci, à droite de la RD 907 en direction de La Salvetat-sur-Agoût (Hérault). Vue de dos, en direction de la RD 907.
Photographie : André Balent, 9 novembre 2019.
Lacaune (Tarn), monument commémoratif du combat du CFMN contre les Allemands le 22 avril 1944 ; érigé sur le versant sud du col de Picotalen à quelques centaines de mètres de celui-ci, à droite de la RD 907 en direction de La Salvetat-sur-Agoût (Hérault). Détail.
Photographie : André Balent, 9 novembre 2019.
Lacaune (Tarn), col de Picotalen. Monument commémoratif des victimes du CFMN, plus récent que le précédent.
Photographie : André Balent, 9 novembre 2019.
Lacaune (Tarn), col de Picotalen. Monument commémoratif des victimes du CFMN, plus récent que le précédent. La plaque fait aussi allusion à deux déportés et à 53 morts allemands.
Photographie : André Balent, 9 novembre 2019.
Lacaune (Tarn), jasse de Martinou. Panneau expliquant la destruction du cantonnement du CFMN, jasse de Martinou. Il a été placé en bordure d’une route forestière, à proximité de son emplacement initial ; seule la croix qui a été préservée de la destruction a été déplacée et installée à proximité du panneau.
Photographie : André Balent, 9 novembre 2019.
Lacaune (Tarn), jasse de Martinou. La croix de la colonie catholique qui a été préservée de la destruction a été déplacée et installée à proximité du panneau explicatif.
Photographie : André Balent, 9 novembre 2019.
Lacaune (Tarn), jasse de Martinou, autre bâtiment préservé de la destruction.
Photographie : André Balent, 9 novembre 2019.
Lacaune et ses montagnes, lieu de refuge et de concentration de réfractaires :
La commune de Lacaune (Tarn) est située au cœur des Monts de Lacaune, au Sud-Ouest du Massif Central. Cet ensemble montagneux hercynien dont les points culminants, les pechs de Montgrand (1270 m) et de Rascas (1267 m) se trouvent sur le vaste territoire de Lacaune concerne au premier chef le Tarn, mais déborde sur les territoires de l’Aveyron et de l’Hérault était particulièrement favorable, tout comme, plus au sud la Montagne Noire, à l’implantation de maquis. La présence à Lacaune et dans le massif montagneux du même nom, depuis le XVIe siècle, d’une communauté protestante dynamique et socialement engagée, facilita la prise en charge des Juifs étrangers, au nombre de 648, que Vichy avait assigné à résidence dans la commune en 1942. Des habitants de Lacaune purent en sauver un nombre important. Quinze d’entre eux furent déclarés « Justes parmi les Nations » (pour un total de quatre-vingt onze dans l’ensemble du département). Des Juifs des Monts de Lacaune intégrèrent les maquis, le CFMN, et le maquis de Vabre (AS) en premier lieu.
Les maquis purent se former dans les monts de Lacaune, du fait de leur relief escarpé et de leur couvert forestier, mais aussi parce que des complicités se manifestèrent parmi les populations locales. Le premier des maquis des Monts de Lacaune fut créé en 1943, à Vabre, à l’ouest du massif fut une formation armée singulière rattachée à l’AS. Il était animé par un industriel protestant, Guy Gervais de Rouville, alias « Pol-Roux » (1915-2017), connu dans le Tarn comme le « préfet des maquis » — il fut un des responsables des scouts unionistes (protestants) — et son épouse Odile, née Schlumberger (1917-2017) et joua un rôle de premier plan dans le cadre départemental. Il accueillit de nombreux intellectuels promis à un brillant avenir, des Tarnais issu des couches populaires, catholiques, agnostiques ou athées en même temps qu’un fort contingent de protestants, de Juifs et de musulmans d’Afrique du Nord (Voir : Records Germain).
Au printemps de 1944, le CFMN fondé officiellement à Castres (Tarn) le 20 avril 1944 était depuis longtemps en gestation : des petits maquis souvent affiliés à l’AS, comme le maquis de Durfort (Tarn) animé par les frères Arnaud, de Revel (Haute-Garonne), Roger et Charles, assuraient le regroupement des réfractaires. Un autre maquis de l’AS, (« De Lattre de Tassigny »), avait été rassemblé dans les monts de Lacaune (Tarn) par le lieutenant de dragons de l’ancienne armée d’armistice, Bernard Jouan de Kevernoael. Ces maquis et d’autres formations furent regroupés dans le CFMN plus formellement rattaché à l’AS) mais était lié au Special Operations Executive (SOE) britannique. En effet, son concepteur, le Toulousain Roger Mompezat qui, depuis sa ville natale, s’efforçait, de regrouper et d’encadrer les réfractaires implantés dans la Montagne Noire et les Monts de Lacaune, était en relation avec Henri Sévenet, agent du SOE et créateur du réseau « Détective » basé à Carcassonne (Aude). Ce dernier s’efforça, avec l’accord de Mompezat, de faire du CFMN un instrument de la stratégie du SOE dans la perspective d’un débarquement allié en Méditerranée, sur les plages du Languedoc. Divers parachutages permirent de constituer des stocks d’armes (Voir : Calmont (16 juillet 1944)).
Le maquis « De Lattre de Tassigny » :
Le maquis « De Lattre de Tassigny » était en gestation puis en voie de structuration depuis le dernier trimestre de 1943 dans les hauteurs de Lacaune. Il avait été formé à l’initiative de cadres du 3e régiment de Dragons de Castres (Tarn) de l’armée d’armistice dissoute, parmi lesquels le lieutenant Bernard Jouan de Kevernoael. De nombreux réfractaires au STO y convergèrent : parmi les premiers, en novembre 1943, un groupe de Sète (Hérault) qui, dans le secteur de Lacaune, cherchait à récupérer, dans leurs caches, des armes de l’armée d’armistice dissoute. Ils rencontrèrent un autre groupe d’une trentaine d’hommes commandé par le lieutenant Bertrand Joan de Kervernoael. De leur côté, ces hommes avaient déjà récupéré des armes. D’autres réfractaires venaient des villages tarnais des environs, à commencer par Lacaune. Au nombre de quatre-vingt approximativement, ils se déplacèrent depuis La Maresque (commune de Lacaune) où ils célébrèrent le réveillon de Noêl 1943, et se divisèrent en trois groupes : à la ferme de la Teillère, près du village de Berlats (Tarn) où était regroup é le parc automobile du maquis ; sur le plateau de l’Escournadouire (ou Escournadouyre) où il s’abritaient à plus de 1100 m d’altitude, sous des tentes confectionnées à partir de parachutes ; à la Jasse de Martinou (une « jasse », francisation de l’occitan jassia ou du catalan jaça, désigne dans le domaine de ces deux langues les lieux découverts d’altitude où les troupeaux, pendant les estives se regroupent pour passer la nuit). Dans ce dernier lieu, au milieu d’un massif forestier à environ 1000/1010 m d’altitude, il y avait des bâtiments agricoles abandonnés et, avant la Seconde Guerre mondiale, le vicaire d’une paroisse toulousaine y avait implanté une colonie de vacances. Une vingtaine réfractaires, désormais rattachés au maquis « De Lattre de Tassigny » de Bertrand Joan de Kevernoael, récemment intégré au CFMN, y avaient établi leur cantonnement. Des bâtiment servaient aussi d’infirmerie au maquis. Pour sa part, deux terrains de parachutage avaient été aménagés à Martinou ou à sa proximité. Leur repérage par un avion de reconnaissance allemand fut à l’origine de l’attaque des 22 et 23 avril 1944, deux jours après la création officielle du CFMN qu’avait intégré le maquis « De Lattre de Tassigny ».
L’attaque allemande du 22 avril 1944, baptême du feu du CFMN :
Les victimes du combat du 22 avril se trouvaient au cantonnement de la Teillère où une quinzaine de maquisards étaient chargés de protéger le matériel roulant du maquis. Pendant la nuit du 21 au 22 avril, des Allemands venus de Castres (Tarn) et de La Salvetat [La Salvetat-sur-Agoût, depuis 1958] (Hérault), au nombre de 200 environ, convergèrent vers le cantonnement de Martinou dont ils avaient été informés de la localisation précise. Les soldats allemands encerclèrent la jasse et les bâtiments occupés par les maquisards. Le lieutenant Jelinek alias Léopold, un Croate,— qui avait réussi à s’échapper après la révolte, réprimée, des 17 et 18 septembre 1943 du contingent croate et bosniaque de la 13e division SS Handschar, à majorité musulmane, stationnée à Villefranche-de-Rouergue (Aveyron) — qui commandait les maquisards de la jasse de Martinou demanda à deux de ses hommes de briser l’encerclement afin de donner l’alerte. Le maréchal des logis chef Paillery qui commandait le détachement de la Teillère parti, en automobile, avec onze de ses hommes, à la rencontre des Allemands qui attaquaient la Jasse de Martinou. Cette action permit aux occupants de Martinou de briser l’encerclement. En revanche au col de Picotalen (1004 m), à proximité de Martinou, cinq hommes de la Teillère furent tués au cours du combat ou achevés après avoir été blessés. Le corps de Gilbert Paillery fut retrouvé criblé de balles. Deux d’entre eux, blessés, avaient réussir à quitter la route de Lacaune à La Salvetat (RD 907). Ils furent achevés, le corps quasiment coupé en deux.
Les Allemands détruisirent le bâtiments de la jasse de Martinou à la dynamite. Après leur décrochage, les maquisards se dirigèrent vers l’ouest réussirent, par le col de la Bassine (885 m) à gagner le territoire du département de l’Hérault et de là, la Montagne Noire où ils établirent, comme prévu, leurs nouveaux campements. D’après Robert Mompezat, les Allemands auraient eu cinquante-trois tués et des blessés.
Monuments et espaces commémoratifs :
Il y a deux monuments commémoratifs des victimes du combat combats du CFMN contre les Allemands. Le plus ancien, (cf. les clichés) donne les noms et grades des cinq maquisards. Il a été érigé à quelques centaines de mètres du col de Picotalen, en direction de La Salvetat-sur-Agout (Hérault). Le second le fut au col de Picotalen. Il ne donne aucun nom. Il porte l’inscription suivante, peu lisible (2019) : "Ici le 22 avril 1944 eut lieu le premier combat de la région livré par le Corps franc de la Montagne Noire contre l’occupant nazi pour la libération de la France. 4 maquisards périrent, 1 civil fut exécuté 2 moururent en déportation 53 soldats allemands tués". Cette inscription appelle plusieurs remarques ; Toute la documentation, ainsi que le premier monument érigé, évoquent bien cinq maquisards du CFMN tués au combat (dont les noms figurent aussi sur le mémorial ossuaire du CFMN de Font Bruno, à Escoussens (Tarn). En revanche, il est fait là mention de quatre maquisards et d’un civil tués. Le chiffre de cinquante-trois Allemands tués donné par Mompezat, fondateur du CFMN n’est pas confirmé par d’autres sources et parait élevé, même si les Allemands eurent davantage de pertes que le CFMN.
Dans la jasse de Martinou, sous l’égide de l’ONF, a été aménagé un espace mémoriel avec un panneau explicatif détaillé, conforme à la réalité des faits. La croix de l’ancienne colonie de vacances, cantonnement des maquisards détruit par les Allemands a été préservée de la destruction. Elle a été réimplantée dans cet espace.
Les noms des cinq victimes du combat du 22 avril 1944 au col de Picotalen figurent aussi sur un monument érigé près de l’église de Lacaune (Tarn) à la mémoire des morts (15) de la commune (ou sur le territoire de la commune) en 1944 et 1945.
Les victimes des combats du 23 avril 1944, morts en action ou blessés achevés :
Maurice BERTRAND
Maurice COUSINIER
Emmanuel MORA
Gilbert PAILLERY
André TABELLION
Sources

SOURCES : Gérard Bouladou, Les maquis du Massif Central méridional 1943-1944. Ardèche, Aude, Aveyron, Gard, Hérault, Lozère, Tarn, Nîmes, Lacour Rediviva, 2006, 617 p. [pp. 333-334, 336]. — Amicale du 3e régiment de Dragons et de l’escadron d’éclairage divisionnaire n°3 [CFMN], Le tableau d’honneur du 3e régiment de dragons. Seconde Guerre mondiale. Résistance. 1939-1945 [morts du CFMN, 1944], 2012, 21 p, [p. 18], PDF, en ligne. — Site du collège du Montalet à Lacaune (Tarn) montalet.81230.over-blog.com/2015/12/la-resistance consulté le 14 septembre 2018. — Blog cessenon.centerblog.net/5844213-Chemin-de-la-Memoire-pres-de-Lacaune consulté le 14 septembre 2018.

André Balent

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