Né le 17 juin 1904 à Lask (Pologne), fusillé comme otage le 21 février 1942 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; brocanteur.

Fils de Jakob Miller et Jenta Miller, née Bialet, Aron Miller était marié à Bayla Davidovicz, née le 10 mai 1903, à Pabjamce (Pologne). Le couple, sans enfant, habitait 115 rue Duhesme, à Paris (XVIIIe arr.). Il était arrivé en France en 1929, et habitait alors rue Angélique-Compoint dans le même arrondissement, près de la porte de Saint-Ouen. Pour vendre ses objets, Aron Miller louait un emplacement au marché aux puces de Saint-Ouen, 54 rue Jules-Vallès (Seine, Seine-Saint-Denis). Il n’appartenait à aucun parti politique, était membre de deux sociétés de secours mutuels à caractère corporatiste : la Société des Amis des brocanteurs de Belleville et la Société les Marchands Israélites de Montmartre.
Aron Miller respectait les prescriptions régissant le séjour des étrangers en France. Il était titulaire d’une carte d’identité délivrée au titre de brocanteur, valable jusqu’au 24 mai 1942. Lors de la déclaration de guerre, il s’engagea pour défendre la France qu’il considérait comme sa patrie. Incorporé au 12e Régiment étranger d’infanterie, il participa à la Campagne de France : ce régiment combattit à Soissons et à La Ferté-Milon (Aisne). Il fut blessé lors des combats. Démobilisé, il reprit son activité de brocanteur.
L’inspecteur chargé d’enquêter sur Aron Miller écrivit : « Sociétaire des Brocanteurs de Belleville, soi-disant sympathisant d’idées révolutionnaires, mais aucune preuve. » Le brigadier-chef de la Section spéciale de recherche (SSR) et grand falsificateur, Léon Sadosky, fit d’Aron Miller un « suspect au point de vue politique, sympathisant des théories communistes, susceptible de se livrer à la propagande clandestine en faveur de la IIIe Internationale ». Il considérait les Amis des Brocanteurs de Belleville comme une émanation de la sous-section juive de l’ex-Parti communiste.
Aron Miller fut arrêté le 19 août 1941, conduit dans les locaux de la Section spéciale de recherche et interné le jour même à la caserne des Tourelles à Paris (XXe arr.). Le 22 août 1941, il fut transféré au camp de Drancy (Seine, Seine-Saint-Denis), réservé aux Juifs. Le 28 novembre 1941, le matricule 6022, Bloc 4 – Escalier 17 – Chambre 18, s’adressait à « Monsieur le Commandant du camp d’internement de Drancy ». Il s’inquiétait de sa situation : le 4 novembre 1941 il avait été informé par le chef d’escalier « qu’il allait être libéré à titre de malade » et il précisait que deux internés appartenant aux mêmes sociétés que lui étaient libérés. Or il venait d’apprendre « qu’il y avait opposition à sa libération » ; il craignait qu’une confusion résultant d’une homonymie avec un Miller, membre des Amis des brocanteurs de Belleville, en soit la cause. Ce Miller était parti de France depuis deux ans. En conclusion, il demandait « un complément d’enquête ».
Dans la nuit du 5 au 6 février 1942, une sentinelle allemande fut très grièvement blessée à Tours (Indre-et-Loire). S’y ajoutait l’attentat commis à Rouen (Seine-Inférieure, Seine-Maritime) le 4 février 1942 contre des militaires allemands. En représailles, les Allemands décidèrent de fusiller ou de déporter cinquante otages ; ils désignèrent quatorze otages à exécuter au Mont-Valérien dont treize Juifs internés au camp de Drancy : Szmul Balbin, Abraham Gärtner, Léon Jolles, Josef Kape, Max Kawer, Mordka Korzuch, Towja Lipka, Samuel Marhaim, Aron Miller, Jankiel Minsky, Israël Rubin, Lejbus Wajnberg et Israël Wirtheim, ainsi que Henri Debray militant communiste interné à à la prison de la Santé à Paris (XIVe arr.).
Aron Miller fut transféré le 15 février 1942 à la prison du Cherche-Midi à Paris (VIe arr.), et il fut passé par les armes le samedi 21 février 1942 au Mont-Valérien avec les treize autres otages. Il fut inhumé au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) le lundi 23 février 1942, division 39, ligne 2, n° 2. Il fut réinhumé à Bagneux (Seine, Hauts-de-Seine) le 2 octobre 1946.
Le rapport d’enquête du 15 avril 1942,réponse posthume à la demande du fusillé prenait acte : « a été passé par les armes ». Quant à son épouse Bayla, elle partit de Drancy, par le convoi n° 72, le 29 avril 1944 à destination d’Auschwitz, où elle mourut.
Le nom de Aron Miller figure sur la cloche du Mémorial de la France combattante au Mont-Valérien et et à Bagneux sur la stèle commémorative de l’union amicale des marchands de Paris.
L’abbé Franz Stock évoque les 13 Juifs exécutés le 21 février 1942 dans son Journal de guerre :
« Samedi 21.2.42
14 exécutions.
Venu me prendre à 8h pour le Cherche-Midi, 14 otages doivent être exécutés à 11 heures : 13 juifs, d’origine germano-polonaises, du camp de Drancy ; un Français de la Santé.
....
Un jeune juif me dit : "Ils peuvent bien nous tuer mais d’autres se lèveront, il est impossible d’exterminer la race juive." Certains juifs étaient pieux, récitaient des psaumes, l’un s’est entouré de son châle de prière en soie, il voulait être enterré avec. Question : aucun rabbin ne vient ? Les 14 doivent être enterrés lundi seulement. Le seront à Ivry. »

Voir Mont-Valérien, Suresnes (Hauts-de-Seine)
Sources

SOURCES : Arch. PPo, BA 2439, KB 95, 77W 80. — DAVCC, Caen, B VIII dossier 3 (Notes Thomas Pouty). — Louis Sadosky, brigadier-chef des RG, Berlin 1942, CNRS Éd., 2009. — S. Klarsfeld, Le livre des otages. — Site Internet Mémoire des Hommes. — Site Internet CDJC. — MémorialGenWeb. — Franz Stock, Journal de guerre. Écrits inédits de l’aumônier du Mont Valérien, Cerf, 2017, p. 66. — Répertoire des fusillés inhumés au cimetière parisien d’Ivry.

Daniel Grason

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