Né le 24 mars 1914 à Amiens (Somme), condamné à mort par les autorités allemandes, fusillé le 6 octobre 1943 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; électricien ; résistant FTPF membre du détachement Kléber.

Fils de Georges, employé aux chemins de fer, et d’Adèle, née Marseille, Jean Poiré épousa le 28 mars 1930 Simone Kobiers à la mairie de Saint-Gratien (Seine-et-Oise, Val-d’Oise). Le couple demeurait 15 rue des Thermes à Enghien-les-Bains dans le même département. Jean Poiré exerçait la profession d’électricien aux ateliers de la Compagnie du métropolitain, 117 avenue Michelet à Saint-Ouen (Seine, Seine-Saint-Denis).
Il fit partie du détachement Kléber des Francs-tireurs et partisans (FTP), région P3 matricule 3029, et participa à deux actions. Le 9 mars 1943 vers 22 heures, il alla en compagnie de deux collègues de travail, Jean Queffeulou et Pierre Cosnard, mettre le feu à un garage réquisitionné par les Allemands au 5 rue Paul-Bert, à cinq cents mètres de leur lieu de travail. Les dégâts furent qualifiés d’insignifiants par la police française. Le 1er juin, avec d’autres FTP, ils tentèrent de faire sauter deux pylônes soutenant des lignes à haute tension à Annet-sur-Marne (Seine-et-Marne).
Le 12 juin 1943, la police municipale interpella Jean Gross dans les couloirs de la station de métro Gare-de-l’Est. Il était porteur d’un revolver à barillet, d’une grenade Mills et de documents sur l’activité des FTP. Des inspecteurs des Brigades spéciales (BS) interpellèrent Jean Poiré et Jean Queffeulou vers 18 heures, alors qu’ils sortaient des ateliers de l’avenue Michelet.
Deux inspecteurs de la BS2 perquisitionnèrent le domicile de Jean Poiré sans résultat ; ils dérobèrent des paquets de cigarettes. Jean Poiré resta douze jours dans les locaux des BS à la préfecture de police, interrogé, livré aux Allemands, puis incarcéré à la prison de Fresnes (Seine, Val-de-Marne) le 24 juin 1943. Il fut jugé par le tribunal du Gross Paris qui siégeait rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.), et condamné à mort le 1er octobre 1943 pour activité de franc-tireur. Fusillé le 6 octobre au Mont-Valérien à 16 h 29, il fut inhumé au cimetière d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne).
Sa mère témoigna en 1945 devant la commission d’épuration de la police et déclara : « J’ignore si mon fils a été victime de sévices. »
Son corps fut restitué à sa famille le 16 décembre 1944, Jean Poiré a été reconnu comme soldat FFI caporal-chef à titre posthume par le ministère des Anciens Combattants. Il figure sur la stèle « À la mémoire des victimes du nazisme fusillés au Mont-Valérien fusillés le 6 octobre 1943 » au cimetière d’Ivry-sur-Seine, sur celle de la nécropole nationale Saint-Acheul à Amiens. Son nom fut gravé sur le monument aux morts d’Enghien-les-Bains, sur la plaque commémorative « À la mémoire des morts pour la France » à l’hôtel de ville de Saint-Gratien. Il fut réinhumé dans le cimetière de cette ville.
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Dernière lettre
 
Fresnes, le 6 octobre 1943
2 heures de l’après-midi
 
Ma chère petite Simone,
Chère petite Clairette,
C’est fini, je viens d’apprendre que je dois être fusillé à quatre heures. Je suis fort, il en sera ainsi jusqu’au bout. Il faut qu’il en soit de même pour toi.
Nous avons eu sept ans de bonheur ; je te laisse notre poupée ; soyez heureuses toutes les deux, ce sera ma dernière joie.
Tu es jeune, ma petite femme, il faudra te refaire un foyer : c’est une chose normale, c’est la vie. Je souhaite que tu sois heureuse et que ton futur époux soit un bon père pour notre-petite poupée.
Voici maintenant mes dernières volontés :
Que sous aucun prétexte personne ne porte le deuil dans la famille, ni toi, ma chère petite femme, ni notre petite poupée ; que Clairette apprenne un métier plus tard et qu’elle soit élevée dans la gaieté avec des principes chrétiens et qu’elle fasse sa coin.
Pour toi, sois toujours en bonnes relations avec toute la famille. J’aurais pu mourir à la guerre, je meurs quand même pour, mon pays la France ; c’est le seul honneur qui m’était réservé.
Ma chère petite Clairette, il faudra dans la vie être toujours une femme propre, suivre les principes de ta maman Simone et bien apprendre le métier que ta maman te donnera ; sois toujours juste dans la vie, sois toujours gaie, aime la vie elle en vaut la peine.
Ton papa Jean t’aime beaucoup, pense à lui de temps en temps.
Je vous quitte, mes deux chéries, soyez toujours heureuses, je vous aime.
Jean
P S - Bons baisers à toute la famille, je ne cite pas de noms pour ne pas en oublier.
Gros baisers à tous
 
J. P.
Sources

SOURCES : Arch. PPo., BA 1748, PCF Carton 8 militants arrêtés par la police française, Carton 14 rapports hebdomadaires sur l’activité communiste, KB 6. – DAVCC, Caen, Boîte 5 / B VIII, Liste S 1744-310/43 (Notes Thomas Pouty). – Lettres de fusillés, Éditions France d’abord, 1946, p. 153-154. — Site Internet Mémoire des Hommes. – Mémorial GenWeb. – État civil, Amiens.

Iconographie
PHOTOGRAPHIE : Arch. PPo. GB 186 cliché du 15 juin 1943.

Daniel Grason

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