Né le 28 janvier 1924 à Armentières (Nord), fusillé le 14 avril 1942 au camp de Souge, commune de Martignas-sur-Jalle (Gironde) suite à une condamnation à mort ; employé de commerce ; résistant du réseau de renseignement Kléber.

Fils de Jules et de Raymonde, née Délelis, Roger Barbry était né dans une famille de onze enfants et vivait 50 rue des Rotours à Armentières. Un groupe de sept amis appartenant à la mouvance chrétienne, profondément choqués par l’effondrement de l’armée française décida de faire quelque chose ; certains songèrent à récupérer des armes abandonnées sur le champ de bataille de Steenweck.
Sans en parler à leur famille, Roger Barbry, Ernest Lombart, Germain Lepoivre, Henri Leclercq, Paul Desreumaux, Auguste Rio et Louis Catiau enfourchèrent leur bicyclette en direction de l’Espagne. Ils parcoururent six cent cinquante kilomètres, arrivèrent à Montmorillon dans la Vienne et se présentèrent au bureau de recrutement de l’armée. Seuls Auguste Rio et Louis Catiau furent acceptés et rejoignirent l’armée d’Afrique, un officier des renseignements militaires recruta les cinq autres jeunes.
Célibataire, Roger Barbry recruté en novembre 1940 devint agent rémunéré du réseau de renseignements Kléber à Périgueux (Dordogne). Arrêté une première fois le 15 février 1941 à Nantes (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique), il fut interné, libéré en absence de preuve dix jours plus tard. Interpellé en Gironde une seconde fois le 10 avril 1941, il fut interné à Libourne et libéré quinze jours plus tard toujours faute de preuve. À partir de juin 1941, il recueillit des renseignements dans sa région natale et sollicita parfois l’aide de son père.
Cinq policiers allemands du Service de renseignements de la SS l’arrêtèrent le 23 février 1942 à son domicile d’Armentières. Incarcéré à Loos, il fut transféré au fort du Hâ à Bordeaux, comparut le 1er avril 1942 devant le tribunal de la Feldkommandantur 529 de la ville en même temps qu’Ernest Lombart. Condamné à mort pour « espionnage », il déposa le 1er avril 1942 un recours en grâce qui fut rejeté.
Il écrivit une dernière lettre où il faisait part de sa foi chrétienne, de son amour pour ses parents, ses frères et sœurs. Une terrible épreuve pour un jeune de dix-huit ans qui écrivit : « Je termine cette lettre qui est pour moi un calvaire. » Il fut passé par les armes le 14 avril au camp de Souge en même temps qu’Ernest Lombart.
Le ministère des Anciens Combattants le déclara « Mort pour la France », à titre posthume. Roger Barbry fut nommé chevalier de la Légion d’honneur, reçut la Croix de guerre avec palme et la Médaille de la Résistance. À Armentières la rue de Flandres devint la rue des Fusillés ; une plaque fut apposée en mémoire des cinq fusillés : Paul Desreumaux, Germain Lepoivre, Henri Leclercq, Ernest Lombart et Roger Barbry.
Dernière lettre.
"Mon cher bon papa et ma chère bonne maman et mes bons frères et sœurs,
Je vous écris aujourd’hui pour la dernière fois en de biens tristes circonstances. J’ai un prêtre avec moi et je vais, dans pas longtemps comparaître devant Dieu. Je viens de communier et j’ai bon courage. J’ai été condamné le 1er avril, avec mon camarade Ernest ; nous avons demandé le recours en grâce qui n’a pas été accepté. Maintenant je vais mourir à cinq heures cet après-midi.
Je suis très courageux et mon camarade Ernest aussi.
Maintenant je dis au revoir à mon très bon papa, qui a été toujours très bon pour moi, et je remercie Dieu de l’avoir eu ; au revoir ma bonne maman, toi aussi tu as toujours été très bonne et j’espère que tu auras comme moi, papa aussi. On se reverra un jour au ciel avec Dieu ; ayez du courage. Je dis au revoir à ma bonne sœur Renée, à mon frère André, ma sœur Jacqueline, mon frère Pierre, ma sœur Marie-Rose, Thérèse, Christiane, ma filleule Geneviève, mon frère Jean et ma bonne petite soeur Yvette qui gardera sa poupée en souvenir de moi ; au revoir mon beau-frère Gustave, ses enfants, Monique, Paulette et Yvonne ; au revoir à grand-père, mon parrain, ma marraine, à tous mes oncles et tantes, mes cousins et cousines, enfin à toute la famille. Je souhaite à vous tous une bonne vie heureuse ; ayez du courage et à bientôt.
J’ai laissé mon pardessus pour André ; il n’y aura qu’à le retourner, il sera neuf ; vous allez recevoir toutes mes affaires.
Je vous demande pardon de toutes les fautes que j’ai pu commettre dans ma vie.
Au revoir mes bons frères et sœurs, surtout protégez bien papa et maman car vous savez, ce sont de bons parents, les meilleurs du monde ; je souhaite à vous tous une vie heureuse et prospère.
Je vous aime tous bien fort. Je remercie Dieu d’avoir eu de si bons parents et prierai beaucoup pour vous ; surtout mes frères et sœurs, faites attention à papa et maman.
Je termine cette lettre qui est pour moi un calvaire.
Vous direz au revoir à mes amis, sans oublier M. l’abbé Dumez, qui dira une messe pour nous.
Maintenant je vais aller voir ta mère, papa, ta soeur, mon oncle Auguste, mon cousin Désiré, mon copain Henri et Germain, enfin tout le monde.
Voilà, c’est tout. Au revoir très bon papa, bon courage. Au revoir très bonne maman, ne maigris plus surtout, bon courage, on se reverra un jour.
Au revoir Renée ; je te souhaite une vie heureuse, avec ta famille et ton bon petit mari Gustave, au revoir Jacqueline, au revoir André ; on s’aime bien, va ; bonne chance pour ton métier ; au revoir Pierre, tu pourras avoir mes bottines de football ; au revoir Marie-Rose, Thérèse, Christiane, ma filleule Geneviève ; je ne peux pas te faire de cadeau, mais ça ne fait rien ; au revoir Jean ; ne désobéis pas trop à maman, elle est trop bonne ; au revoir ma petite Yvette, fais bien ta prière et conserve bien ta poupée.
Enfin au revoir tout le monde. Je vous aime et vous ai tout le temps aimés. A bientôt bon papa, bonne maman, courage.
Votre fils et frère Roger
P.S. Surtout bon papa et bonne maman, ayez du courage. Dieu est là, il vous protégera, j’en suis sûr.
Merci pour tout ce que vous avez fait pour moi, merci beaucoup, je vous aime. Ayez du courage. Attention maman.
Mes frères et soeurs, faites bien attention à papa et maman, parce que vous avez de bons parents, vous pouvez remercier Dieu.
Au revoir, bon courage, je vous aime tous."
(Lettre extraite du site de l’association Amicale des Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale et retranscrite par Dominique Mazon).
Sources

SOURCES : DAVCC, Caen B VIII dossier 3. – Livre d’Or du Mémorial de Ramatuelle 1939-1945, édité par l’Amicale des Anciens des Services spéciaux de la Défense nationale (AASSDN), Paris, 2005. – Mémorial GenWeb. – Les 256 de Souge, op. cit.

Daniel Grason, Thomas Pouty

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