CHAPOU Jean-Jacques. Pseudonymes dans la Résistance : « Capitaine Philippe », Kléber
Né le 10 avril 1909 à Montcuq (Lot), mort le 16 juillet 1944 à Bourganeuf (Creuse) ; professeur ; militant socialiste puis communiste ; résistant .
Licencié ès lettres, Jean-Jacques Chapou – souvent prénommé Jacques – fut maître d’internat (1935-1936) à Castres puis à Montauban, avant d’être nommé au lycée d Cahors comme professeur adjoint (1937-1938), puis répétiteur (1938-1939, 1940-1941).
Franc-maçon, membre de la loge « Phare du Quercy », Orient de Cahors (GOF), il fut initié le 5 mars 1933, devint compagnon l’année suivante et maître le 8 novembre 1936. Il militait au Syndicat des répétiteurs et professeurs adjoints de la FGE-CGT puis au SPET (FGE-CGT) et, pacifiste convaincu, se fit un ardent défenseur des accords de Munich.
Mobilisé en septembre 1939, il fut envoyé à Annot dans les Basses-Alpes (Alpes-de-Haute-Provence). Il participa à des combats contre l’armée italienne, sur la frontière. Revenu à Cahors fin juillet 1940, ce socialiste et pacifiste d’avant-guerre affirma son hostilité à Pétain et aux occupants.
Révoqué par Vichy en raison de son affiliation à la franc-maçonnerie, Jean-Jacques Chapou travailla, en décembre 1941, comme secrétaire chez un transporteur, le Groupement des transports routiers du Lot, puis fut sous-directeur de garage. Pendant ce même hiver 1941-1942, il mit en place un groupe de résistance essentiellement orienté vers l’action syndicale : formation de syndicats clandestins, noyautage des syndicats officiels.
Fondateur d’un groupe Libération en septembre 1942, il mit à profit ses fonctions de chef de service des autobus à la maison Artigas pour multiplier les combats dans la région, forma des équipes de distribution de matériels et apporta de l’aide aux maquis. Responsable de "Combat", il devint chef départemental des MUR à Pâques 1943. Condamné par un tribunal spécial d’Agen le 10 mars 1943 à un an de prison avec sursis, il rejoignit le 8 juillet 1943 le maquis d’Arcambal, dit « France », qu’il avait fondé, et qui était un des dix maquis du Lot liés à l’Armée secrète ou aux MUR. Il prit alors le pseudonyme de « Capitaine Philippe ». Quelques mois plus tard, il rallia ses maquis aux Francs-tireurs et partisans et dirigea des actions de sabotages de voies ferrées et d’occupation de villes du Lot. Le 21 juillet 1943, il subit les attaques des GMR, son action personnelle permettant la victoire, puis il fut le fondateur du Lot résistant. Selon le témoignage de deux de ses compagnons de combat, Georges Cazard et Marcel Metges, dans un ouvrage publié en 1950, « Philippe » eut le sentiment d’être lâché par l’Armée secrète. Or, en ce début 1944, le Parti communiste lança une offensive de ralliement de ses militants dispersés dans divers réseaux, et de séduction en direction des résistants non communistes. Il aurait rejoint le Parti communiste vers janvier ou février 1944. Le triangle de direction des FTP du Lot, en mars 1944, était composé de Georges (Robert Noireau), commissaire aux effectifs, Gaston, commissaire technique, et lui-même, commissaire aux opérations.
L’État-major national des FTP le chargea de prendre le commandement militaire des FTP de Corrèze, sous le nom de « Kléber ». À ce titre, il dirigea l’occupation de la ville de Tulle en juin 1944. L’échec de cette opération et ses conséquences désastreuses le marquèrent profondément ; il s’interrogea, dans un rapport à sa hiérarchie (rendu public en 1995) sur les motivations de cette opération. Il fut muté le 12 juillet dans la Creuse. Le dimanche 16 juillet 1944, à son arrivée en Creuse pour prendre le commandement de l’interrégion FTP, il fut arrêté vers 17 heures, à l’entrée de Bourganeuf (Creuse) par un barrage dressé par des éléments de la brigade Jesser, qui venaient d’occuper la ville. Encerclé par les Allemands, blessé, il préféra mourir plutôt que de se rendre ; il tira avec son revolver, touchant plusieurs Allemands, et se tua avec la dernière balle. Non identifié dans un premier temps, il est décrit dans son acte de décès, porteur "d’une chemise couleur kaki portant à la partie supérieure gauche une étoile rouge à cinq branches".
Une place de Cahors porte son nom où a été installée une stèle porteuse de son buste en bronze, où on lit : « Forgeron de l’obscur/aux lèvres éclatantes/il parle haut dans l’ombre/de la mort. » Un autre monument fut élevé à sa mémoire, route d’Eymoutiers, à l’entrée de la ville de Bourganeuf. Son nom figure sur le mémorial de la Résistance creusoise à Guéret (Creuse).
Le ministère de l’Éducation nationale l’ayant oublié à la suite d’une perte d’un dossier, en mars 1948, une action fut entamée pour qu’il obtienne la Légion d’honneur à titre posthume, afin de « réparer une injustice », selon les termes d’une lettre au ministre.
Sa mère, Camille Chapou, résistante à Libération-Sud, fut arrêtée par la Gestapo, déportée à Ravensbrück où elle mourut, une semaine avant son fils, le 10 juillet 1944. Son épouse, Yvonne Chapou, institutrice, domiciliée à Cahors, était membre du Comité départemental de Libération du Lot en 1945, où elle représentait l’UFF.
SOURCES : Arch. Nat., Z/6/1907, scellé 149, F17/16084. — André Combes, La Franc-Maçonnerie sous l’Occupation, Éd. du Rocher, 2001, p. 240. — Georges Cazard, Marcel Metges, Capitaine Philippe. Documents et souvenirs, préf. Léon Jouhaux, Cahors, impr. Coueslant, 1950. — René Andrieu, Un rêve fou ? Lettre ouverte à ceux qui se réclament du socialisme, Albin Michel, 1978 ; Un journaliste dans le siècle, L’Archipel, 1996. — François Marcot (dir.), Dictionnaire historique de la Résistance, Robert Laffont, 2006, biographie rédigée par Pierre Laborie. — Sophie Villes, La Mémoire vive, Cahors, 1998. — État civil de Montcuq et Bourganeuf. — Mémoire des hommes, morts pour la France 1ere GM — Mémorial Gen web, notice Bigou Camille. — Notes d’Alain Dalançon, Jacques Girault et de Michel Thébault
Jean-Pierre Besse, Gilles Morin, Claude Pennetier