Né le 20 mars 1911 à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), mort au combat le 21 janvier 1945 à Cernay (Haut-Rhin) ; instituteur  ; FFI, résistant du Mouvement de libération nationale (MLN) et maquisard des Corps francs de la Libération (CFL), engagé dans l’armée de Libération (commandos Courson).

Albéric Laurent
Albéric Laurent
Archives ANACR Aix-en-Provence
Plaque apposée sur l'Hôtel de ville de Peynier
Plaque apposée sur l’Hôtel de ville de Peynier
Cliché Robert Mencherini
Albéric Laurent était le fils de Félix Jules Laurent, employé de commerce et de son épouse, Félicie Marie, née Fébron, Sa mère mourut quelques jours après sa naissance et son père fut tué au front pendant la Première Guerre mondiale, le 15 janvier 1915. Devenu pupille de la nation, Albéric Laurent fut élevé par sa grand-mère. Il se destina à l’enseignement et, après sa scolarité à l’école normale d’instituteurs d’Aix, fut instituteur intérimaire, puis stagiaire à l’école primaire de Peynier et à celle de Marseille Saint-Louis.
Albéric Laurent se maria le 28 décembre 1933, à Peynier, avec Adèle Marianne Augustine Marie Samat, originaire de ce petit village. Mobilisé le 26 août 1939 comme sergent dans le 9e bataillon de Chasseurs alpins, il fut démobilisé à Pau le 28 juillet 1940.
En 1943, il adhéra au MLN du pays d’Aix, cacha des persécutés et des résistants et transporta des armes. A partir du 6 juin 1944, après le débarquement de Normandie, Albéric Laurent aiguilla les nombreux candidats au maquis vers celui de Vauvenargues auquel il participait activement. Après le repli des maquisards et l’attaque allemande du 15 juin 1944, l’état-major du maquis, dissimulé quelque temps dans les bois au dessus de Vauvenargues, trouva refuge dans une petite maison de campagne que possédait Albéric Laurent.
Lors du débarquement de Provence, le 15 août 1944, le jeune instituteur et ses camarades reprirent la route du maquis de Vauvenargues et organisèrent, à partir du Puits d’Auzon, le harcèlement des troupes allemandes. Le 20 août 1944, Albéric Laurent ouvrit, en moto, la route aux colonnes américaines qui, parties du Var, se dirigeaient vers Aix par la route D10. Il entra avec elles dans cette ville. Albéric Laurent s’engagea, le 7 septembre 1944, comme lieutenant dans les commandos Courson, unité de la Résistance intégrée en octobre 1944 aux commandos d’Afrique sur le front des Vosges. Il fut mortellement blessé par des éclats d’obus durant les combats de Cernay du 21 janvier 1945 (poche de Colmar). Il avait eu le temps d’écrire à son épouse, la veille, une lettre qui laissait pressentir sa fin tragique, exprimait ses dernières volontés et magnifiait son engagement et celui de ses camarades.
Homologué lieutenant FFI, à titre posthume, Albéric Laurent obtint la mention « Mort pour la France ». Il fut nommé chevalier de la légion d’honneur à titre posthume, décoré de la médaille de la Résistance et de la Croix de Guerre. Son nom figure sur les monuments aux morts de Peynier et du cimetière Saint-Pierre à Aix-en-Provence. À Peynier, une plaque à sa mémoire est apposée sur le mur de la mairie et le cours principal porte son nom. Il a également été donné, à Aix-en-Provence, à une école primaire.
Voir Vauvenargues, Saint-Marc-Jaumegarde (Bouches-du-Rhône), juin-août 1944
Lettre d’Albéric Laurent à son épouse
Le 20 janvier 1945 à 19 heures
 
Je profite d’un instant de calme dans notre avance pour écrire cette lettre, le baroud a commencé. Nous partons tous « gonflés » et nous espérons, malgré le temps de cochon qui règne, libérer enfin l’Alsace. Il neige, il vente, une véritable bourrasque, pire une tempête et, dans quelques instants, dans la neige, dans le vent, dans la nuit, nous allons partir vers la lutte. Ce sera sans doute dur, pénible, mais c’est notre devoir et personne, ce soir, dans la gravité du moment, ne songe qu’il serait tout de même mieux au coin d’un bon feu, bien tranquillement, dans cette Provence bénie.
C’est une leçon de volonté que j’aimerais voir comprendre par beaucoup de beaux parleurs. Il est vraiment magnifique de voir ces hommes lutter contre le temps et contre le feu des armes ennemies. Trop souvent on a oublié le sens du mot « devoir » et pourtant, plus que jamais nos Gars l’appliquent, et je souhaite et espère que leur exemple, leur sacrifice servira d’exemple à ceux de l’arrière qui pensent encore, trop souvent, que nous sommes des « imbéciles ».
Qui ne connaît pas la beauté de ces minutes préparatoires au combat ne peut se dire un homme (…) Si cette lettre t’arrive c’est qu’il me sera arrivé un accident. La vie est si pleine d’embuches qu’il arrive parfois qu’on est blessé : ne t’inquiète pas et surtout du calme, la volonté doit tout primer, même le chagrin, même la douleur.
Ce que je veux te dire surtout, c’est que j’ai choisi la voie que je devais suivre. Je pars ce soir, calme, content, je dirai même joyeux. Je connais toutes les difficultés qui nous attendent, je ne regrette rien, je suis fier seulement de suivre l’exemple de mon père et comme lui, je vaincrai ou je mourrai.
La vie est certes belle, trop belle, trop facile, pour nous, c’est le devoir d’abord.
« Tête haute », fière devise. Qu’on n’oublie pas que, du temps que des gens pensent à leurs petites affaires, à satisfaire leurs ambitions cupides, il y a des gens qui gratuitement pour le pays, pour la France, pour que la Patrie de demain soit aussi grande, aussi forte, aussi respectée que par le passé, pour que l’histoire de 1944-1945 efface la honte de 1939-1940, se font casser la gueule joyeusement. Que leur exemple soit une leçon pour les petits enfants que nous aimons tant. Qu’ils y puisent une leçon d’énergie, une volonté inébranlable d’être des hommes droits, des hommes dans toute la beauté, je dirai divine du mot.
Voilà ce que je voulais bien dire ce soir, et à toi, chère Delliou, malgré tous mes défauts, pense que je songe à toi et à toute la famille de Peynier, refuge inoubliable.
Je n’oublierai jamais l’accueil qui m’a été fait dans cette famille. C’est réconfortant pour un être comme moi qui n’a connu ni les caresses d’une mère, ni celles d’une sœur. Toutes mes pensées seront dans un instant concentrées vers le combat, il faut être lucide, calme, je le suis.
Que mes meilleures caresses aillent à Peynier à tous, grands et petits surtout, eux que j’ai et que j’aime tant, à Henri, à André, à Jeannie, à Marcel. Et à toi, chère Delliou, mes baisers les plus tendres, au revoir et à bientôt sans doute, ou bien adieu et rendez-vous dans l’au-delà, mais le plus tard possible ! car même si je venais à disparaître tu as une tâche à remplir « Éduquer les enfants », leur apprendre à « servir », c’est ma volonté expresse.
Mille et mille baisers
Sources

SOURCES : AVCC Caen, dossier 21P 71052. — Arch. ANACR d’Aix-en-Provence. — Arch. nat. 72 AJ 104, A IV 21, notes sur le maquis de Vauvenargues, par Jean Juvenal, dit Janville, chef départemental des BdR, secteur rural de l’AS et des CFL, communiqué par F. Bourgin. — « In memoriam Albéric Laurent », Vérités, n° 22, vendredi 2 mars 1945. — La Provence libérée, 22 septembre 1945. — L’Humanité, 25 juin 2009. — La Marseillaise, 2 juillet 2008. — La Provence (édition d’Aix-en-Provence), 5 juillet 2009, 18 mars 2011. — Jean-Claude Pouzet, La Résistance mosaïque, Marseille, Jeanne Laffitte, 1990. — Notes de l’association Jean Zay en Provence. — État civil.

Robert Mencherini

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